Le « Rwanda National Congress » a tenu sa première conférence publique sur le sol Bruxellois ce vendredi 18 février 2011, à laquelle, une petite centaine de privilégiés a eu l’occasion d’assister. « Privilégiés » est le mot juste car en effet, la conférence s’est tenue dans la discrétion la plus absolue.
Aucune publicité, aucune pancarte, aucun email n’avaient circulé afin d’annoncer l’événement. C’est par le biais du bouche à oreille ou d’échanges de SMS reçus parfois in extremis le jour même de la conférence que certains compatriotes ont appris sa tenue.
La conférence a eu lieu près de la place Rogier à l’hôtel Thon, objet, pour l’occasion, d’un lourd dispositif de sécurité. Une quarantaine de policiers verrouillait toutes les entrées, et pour y rentrer, chaque participant devait donner sa carte d’identité et se laisser fouiller minutieusement par des policiers en uniforme.
Dans la salle, des rwandais avec une mixité rare pour un événement politique, des Hutu, des Tutsi, des membres du FPR, des opposants, des dissidents des rescapés Hutu de l’extermination des réfugiés au Congo ou encore des rescapés Tutsi sympathisants du régime en place dont la figure la plus célèbre dans les participants était sans doute celle de Yolande Mukagasana.
Fraichement rentrés du Rwanda dans le cadre du programme « Ngwino Urebe », Eugène Mbarushimana, Aimable Ngabitsinze et Ernest Gakwaya dît « Camarade » étaient également présents dans la salle mais ce ne fût que pour une courte durée.
Après qu’un proche de l’ambassade du Rwanda se soit fait sortir car refusant de s’assoir, c’était autour de Camarade et d’Aimable d’être priés d’évacuer les lieux. Assis au premier rang, Eugène Mbarushimana, ancien secrétaire général des Interahamwe fût le dernier à être prié de prendre la sortie, laissant place à une hilarité générale contenue dans la salle, ou des boutades fusaient, du genre « Ibigarasha byose barabisohoye ».
Après ces incidents, c’est l’entrée de Gérald Gahima dans la salle et plus particulièrement de son escorte qui en a surpris plus d’un. Il était accompagné de deux gardes du corps blancs et d’un rwandais et ce malgré le lourd dispositif de sécurité déjà en place et il rentra sous les applaudissements nourris d’une partie du public.
Les conférenciers étaient au nombre de trois, Gérald Gahima, Joseph Ngarambe, secrétaire général du RNC ainsi que Jonathan Musonera, un jeune présenté comme le « mukangura mbaga » du parti.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, le public fût informé que les autres membres du RNC étaient prêts à répondre à toutes les questions via le système skype ; de Paul Rusesabigana à Patrick Karegeya en passant par Faustin Kayumba Nyamwasa. (NDLR, au final seul Karegeya est intervenu à trois reprises par le biais de cette méthode).
Après une prière d’introduction, c’est Joseph Ngarambe qui a introduit la conférence et son objet qui était de présenter brièvement le RNC, laisser largement les participants poser des questions, sans aucun tabou nous dit-on et enfin inviter ceux qui le veulent à rejoindre le parti.
Les conférenciers nous disent qu’il est temps que le problème de la gouvernance soit résolu au Rwanda et faisant ensuite référence au développement dont se targuent les autorités de Kigali, ils nous disent que le développement n’est pas d’avoir des routes propres et des buildings à étages, mais que le vrai développement est que les gens vivent en paix. Pour cette raison, la dictature et le pouvoir d’un seul homme doivent être combattus et rajoutent que même le FPR n’est plus ; affirmant que quasiment aucun cadre du FPR de 1994 n’est encore en place aujourd’hui.
Pour garder son pouvoir, ajoutent-ils, Paul Kagame emprisonne et tue encore aujourd’hui et cela détruit l’espoir que le Rwanda puisse connaître une paix durable. Et ils estiment que si rien ne change, le pays se dirige vers des conflits tels que ceux qu’on a connus dans les années 90.
En somme, rien de nouveau dans le discours par rapport aux éléments largement développés par Gérald Gahima dans l’interview accordée à Jambonews fin décembre ou encore ceux contenus dans le Rwanda Briefing.
Vint ensuite le tour des questions, la première est adressée à Patrick Karageya et consiste à savoir si le chemin pacifique est réaliste étant donné le contrôle du régime sur toutes les couches de la société dont l’armée et son refus manifeste de toute idée de changement.
Dans une réponse enflammée, le Colonel Karegeya répond que chaque guerre a plusieurs étapes et qu’on est qu’à la première étape. La situation d’intouchable dans laquelle était Kagame il y’a à peine un an, n’a plus rien avoir avec sa situation d’aujourd’hui. Et ajoute qu’Il faut dire la vérité, chaque révolution verse du sang. Mais il nous assure que son mouvement compte d’abord épuiser toutes les voies pacifiques avant d’en envisager d’autres.
Gahima complète en disant qu’une action concrète est d’approcher ceux qui supportent Kagame et de leur faire comprendre, qu’une voie autre que celle d’abattre le chef d’Etat rwandais est possible.
Ngarambe pour sa part termine sur la question en disant qu’il faut résoudre les problèmes dont le problème ethnique et s’entendre sur quel Rwanda on désire. Il dit que les Hutu morts au Congo ne doivent pas être un obstacle à ce Rwanda commun car ce n’est pas un pouvoir de Tutsi même si le noyau dur au sein du pouvoir est composé de Tutsi.
Répondant ensuite à une question relative à leur éventuelle collaboration avec les FDLR, Gahima affirme ne pas collaborer avec eux. Mais demande où ils sont car il désire les rencontrer pour discuter avec eux. Il estime que ce sont des rwandais comme les autres qui ont le droit d’être autour de la table des négociations et que si certains d’entre eux ont pris part au génocide, alors ils doivent être poursuivis. Mais il estime que même si ils ont choisi la voie armée qu’il ne partage pas, cela n’empêche pas qu’ils se battent pour une cause juste et qu’ils ont le droit d’être autour d’une table.
Il affirme par ailleurs que ceux qui collaborent depuis 8 ans avec les FDLR, c’est l’Etat rwandais qui a des discussions en cachète avec eux.
Un autre participant demande comment ils expliquent que ceux qui viennent du FPR viennent en accusant uniquement Kagame sans se remettre en question.
Ce à quoi Gahima répond qu’ on ne peut pas demander pardon pour avoir travaillé pour l’Etat rwandais et ajoute que « si on accuse Kagame c’est justement, parce que par définition une dictature est le pouvoir d’un seul homme qui est le seul qui peut endosser cette responsabilité. »
Il complète en disant qu’au Rwanda seul un petit groupe très restreint prend les décisions et convoque les ministres et les députés et leur donne les consignes sur comment avaliser ces décisions et il estime qu’on ne peut juger tous ces gens, qui sont des otages que Kagame emprisonne et frappe. Réagissant à la stupéfaction de la salle suite à ces propos, il répète avec assurance « oui Kagame frappe ses collaborateurs, ministres, parlementaires ou généraux. »
Et Gahima nous donne un exemple vécu par Kayumba Nyamwasa à qui Kagame aurait un jour dit « Uri nk’igikeri kiri muli kaburimbo, njye ndigicamion, nagusya nkuko igi camion cyasya igikeri muli kaburimbo ». « Tu es comme un crapaud au milieu de la route et je suis un camion, je peux t’écraser comme le camion écraserait le crapaud. »
Vint ensuite le tour de Karegeya d’enchainer par une réponse à une question sur l’attentat contre l’avion de Habyarimana et il nous fait savoir que le RNC n’a pas de position la dessus et qu’il attend le rapport des juges français pour se prononcer.
Interrogés ensuite sur la question de la position du RNC sur la révolution de 59, Ngarambe prend la parole.
Il explique que les rwandais ont vécu la révolution sous différentes perspectives et qu’il faut comprendre que selon la perspective sous laquelle on l’a vécue, les réjouissances ne sont pas les mêmes. Il constate que les objectifs pour lesquels la révolution a été menée n’ont pas été atteints mais dit toutefois que la révolution de 59 était nécessaire.
Il nous informe que cette question a fait l’objet de vifs débats avec les FDU et qu’un communiqué de ce qui est ressorti de ces échanges sera bientôt publié.
Karegeya prend ensuite la parole pour répondre aux informations selon lesquelles ils travailleraient avec le fils de Rwigema, soutenus par le petit frère de Museveni afin d’attaquer le Rwanda et il affirme que c’est une rumeur et que celui qui est dans l’armée, est le fils de Kagame. Le petit frère de Museveni était un ami à Rwigema et Kagame combat tous ceux qui étaient proches de Rwigema, d’où les rumeurs autour de ce dernier.
Revenant à une question antérieure, Karegeya dit qu’ils ont fait partie de l’Etat du FPR et qu’ils seront prêts à en répondre le moment venu.
Gahima va dans le même sens, et explique avoir fui ce régime car il ne cautionnait pas la tournure que cela prenait comme tuer ceux qui ne partagent pas les mêmes idées. Il dit qu’il a fui pour des raisons de sécurité personnelle, que fuir et laisser tout ce qu’on a n’est pas une décision aisée, qu’il l’a fait en sentant que sa sécurité était menacée, et que même si il ne cautionnait plus les agissements de l’Etat, il aurait pu continuer à vivre au Rwanda si il était possible d’y vivre sans partager la vision du régime. Mais que là c’était impossible avec un président qui pense avoir le pouvoir de tuer les gens comme des abeilles.
Il termine en répondant à une question posée par un jeune lui demandant si il pense que le départ de Kagame est vraiment la solution aux problèmes et il y répond en disant que si Kagame devait partir et que des criminels comme Ibingira ou Nziza devaient prendre sa place, que rien ne serait résolu, mais que ce n’est évidement pas l’objectif qu’ils recherchent.
Les signes d’ouverture :
- La position sur les FDLR. A cause de la diabolisation permanente dont elles sont l’objet, on en oublie qu’elles combattent une dictature sanguinaire et que parmi eux se trouvent de nombreux jeunes victimes du FPR ayant récemment fui l’oppression de Kigali, car ils ne voyaient aucun avenir viable au Rwanda. On en oublie également que parmi eux, se trouvent des réfugiés innocents survivants des massacres commis par l’APR contre les camps de réfugiés Hutu, qui n’ont pas eu l’opportunité de fuir à l’étranger et qui n’ont vu aucune solution autre que la lutte armée. Si parmi eux, certains ont commis des crimes, ils doivent en répondre individuellement devant une juridiction indépendante, mais cela ne doit pas être un prétexte d’ ignorer la cause pour laquelle ils combattent et pour condamner indivisiblement tous les membres des FDLR sans aucune distinction.
- La prise de position par rapport à la révolution de 59. On attend le communiqué écrit conjoint des FDU-RNC pour réellement nous faire une opinion sur leur conception de la révolution rwandaise. Cette question divise les rwandais et le régime en place à Kigali essaye de diaboliser une révolution qu’une grande partie du peuple rwandais considère comme une bénédiction ayant mis fin à une période étouffante de servage.
- La mixité du public
Les signes qui appellent à la prudence :
- Souvent on a la sensation que tous les torts du Rwanda sont reprochés au seul Kagame, et rare est la remise en cause du système même du FPR.
- Le Refus de répondre à certaines questions. Malgré que les conférenciers invitaient à poser toutes les questions mêmes les plus taboues, on est resté sur notre faim sur certaines réponses comme celle au sujet de l’attentat du 6 avril 1994 répondue par Patrick Karegeya. Ce dernier a dit que le RNC n’avait pas de position la dessus mais il nous parait inconcevable que Kayumba Nyamwasa, accusé par le juge Bruguière d’en être un des auteurs, ne connaisse pas la vérité. Soit il sait qu’il est innocent et que dans ce cas, ce n’est probablement pas le FPR qui l’aurait commis, vu que le juge se serait trompé, soit il se sait impliqué et que par conséquent le FPR en est bien l’auteur mais prétendre ne rien savoir de l’attentat nous parait trop peu plausible.
Par Ruhumuza Mbonyumutwa
JamboNews.net