L’initiative Mpore, Mémoire et justice mène actuellement une campagne de sensibilisation à dimension internationale dont le thème est : « Touche pas à mon statut de réfugié »[1] afin de dénoncer la décision du HCR sur la cessation du statut de réfugié politique pour les rwandais et d’attirer l’attention de l’opinion publique internationale et plus particulièrement des rwandais concernés des conséquences de la cessation du statut de réfugié politique pour les rwandais.
Précisons également que le 05 décembre 2011 de nombreuses manifestations de soutien aux réfugiés rwandais menacés par la suppression du statut de réfugié politique se tiendront dans de nombreuses capitales européennes et africaines dont Bruxelles et Genève.
Les conséquences de la cessation du statut de réfugié
Une application effective de la clause de cessation du statut de réfugié politique pour les rwandais à partir du 30 juin 2012 aura des conséquences dramatiques pour l’avenir de ces réfugiés installés principalement en RD Congo (22 000)[2] , en Ouganda (16 000), au Congo Brazzaville, en Zambie, au Zimbabwe et au Cameroun.
Ces réfugiés pourront être expulsés vers le Rwanda. Il reviendra à chaque pays d’accueil de gérer le sort des anciens réfugiés : leur régularisation ou leur expulsion.
Cette situation crée un climat d’incertitude quant à l’avenir qui vient s’ajouter au lot de dangers et des problèmes de la vie de réfugié.
La précarisation de ces réfugiés est une autre conséquence découlant directement de l’application de cette clause et qui fragilise profondément ces réfugiés. Par conséquent, on note par exemple des réactions vives de la communauté rwandaise installée au Cameroun et qui manifeste une opposition farouche contre un retour au Rwanda.
Dans son discours, l’ambassadeur a déclaré que les autorités de Kigali sont « prêtes à accueillir leurs enfants ». Celui ci a ajouté que « les rwandais qui voudront rentrer seront accueillis dans la tradition rwandaise » mais dans l’assistance on ne l’a pas entendu de cette oreille .Un jeune étudiant rwandais résidant dans la capitale camerounaise Yaoundé a interpellé l’ambassadeur en disant : « On se moque de qui ?… Ils nous incitent à rentrer… à quelle condition ? ». Le sujet est devenu brûlant à Yaoundé. « Je souhaite rentrer dans l’honneur et la dignité. Personne ne viendra ici me tenir un discours qui ne reflète pas la réalité de mon pays » a-t-on coutume de dire à qui veut l’entendre.
Prenant la parole, les réfugiés s’opposent catégoriquement à un retour au Rwanda. Très souvent, ils sont bien insérés socialement et économiquement. Diplômés pour la plupart, ils ont un travail et des conditions de vie convenables au Cameroun. Du Cameroun en Rd –Congo, en passant par le Zimbabwe, la Zambie et l’Afrique du sud, les réfugiés manifestent de sérieuses inquiétudes au niveau des biens fonciers, de la justice traditionnelle, de la discrimination et de la ségrégation dont sont victimes les Hutu.
Pendant que certains technocrates du HCR comme Fatoumata Lejeune Kaba, porte parole du HCR à Genève se bornent à affirmer soit par ignorance des réalités politiques ou à cause des pressions de Kigali que la répression à l’encontre des réfugiés n’est plus une réalité au Rwanda et que ce sentiment de terreur est le fruit du traumatisme[4], les réfugiés et les associations de défense des droits de l’homme démontrent que ces craintes sont bien fondées.
Les craintes des réfugiés
La justice constitue la seconde crainte. En effet, les gacaca ont été des formidables instruments de répression utilisés contre quiconque n’étant pas apprécié par le régime. Les prisons débordent de détenus parmi lesquels figurent des personnes qui ont été kidnappées et détenues sans avoir été jugées. La justice est taillée sur mesure ; les éléments de l’APR, branche armée du FPR bénéficient d’une impunité scandaleuse des crimes commis ; citons notamment le massacre de Kibeho le 22 avril 1995 ou les atrocités commises contre les réfugiés Hutu au Congo entre 1996 et 1997.
La situation des droits de l’homme et de la liberté d’expression n’est guère reluisante.
Les assassinats politiques et les escadrons de la mort renforcent ces craintes ; citons comme dernier exemple en date l’assassinat du journaliste Charles Ingabire, éditeur du journal critique envers le régime de Kigali, Inyenyerinews.org dans la nuit du 30 novembre au 01 décembre 2011, à 2 heures du matin (heure locale), dans la capitale ougandaise Kampala.
Les discours haineux de Paul Kagamé à l’encontre des réfugiés dont celui du 13 avril 2010[5] dans lequel il compare les rwandais qui fuyaient le pays à des « excréments » que le corps rejette automatiquement ou encore celui du 07 avril 2007 dans lequel Paul Kagamé dit regretter ne pas avoir exterminé suffisamment de monde parmi ceux qui ont traversé la frontière en 1994 en fuyant ses troupes alimentent les craintes des réfugiés.
Dans ces conditions, la reconstruction de ces milliers de rwandais ayant fuit leur terre natale a bien été assez difficile et douloureuse pour qu’en plus on leur prive désormais de l’espoir d’un avenir meilleur libre de leurs choix et opinions. S’indigner et réclamer la garantie d’une protection internationale qui leur revient de droit tant que le Rwanda d’aujourd’hui se distingue par les assassinats, une justice partisane et partiale et des emprisonnements arbitraires est la réponse qu’on doit adresser à nos dirigeants et à l’opinion internationale qui manifestent une indifférence coupable face au sort de ces milliers de réfugiés.
Marie Umukunzi
JamboNews.net
[1] MPORE.org
[2] Jeune Afrique
[3] IntegrationAfrica.org
[4] Jeune Afrique
[5] JamboNews.net