Le 23 Août 2012, le Rwanda a lancé son premier fond de Solidarité sous le nom de «Agaciro » Fonds de développement (AGDF). «Agaciro» est un mot en Kinyarwanda qui peut généralement être traduit par «dignité». Le but du fonds est que le Gouvernement du Rwanda, les Rwandais et les amis du Rwanda y contribuent à en faisant don de leur propre argent. Les fonds recueillis auprès des donateurs seront utilisés pour soutenir des projets clés prioritaires définis dans la Vision 2020 [1], un plan directeur qui vise à faire passer le développement humain du Rwanda de faible à moyen en 2020. Alors que le Fonds pourrait être un concept pragmatique que le Rwanda devrait explorer, le plan d’exécution actuel d’ AgDF pourrait ne pas convenir avec le cadre social et économique du Rwanda.
Un modèle pragmatique à explorer
Il y a deux principales raisons qui me font croire que le Fonds est en effet un modèle pragmatique que le Rwanda devrait tenter d’exécuter. Tout d’abord, l’objectif de ce fond qui est de promouvoir l’autosuffisance chez les Rwandais est très louable. La promotion de l’esprit d’indépendance des Rwandais est nécessaire pour que leurs actifs incorporels (talent, savoir, créativité) inexploités soient explorés en conduisant leur propre développement.
Ce point est crucial car le Rwanda n’est pas riche en ressources naturelles. Si le Fonds Agaciro peut aider à promouvoir le concept d’autonomie des Rwandais, cela vaut la peine d’essayer. Deuxièmement, le concept de fonds de solidarité a fait ses preuves dans d’autres parties du monde.
Par exemple, le Fonds de Solidarité de la Fédération du Travail  de Québec (FTQ) [2] est l’un des meilleurs exemples de ce modèle. Il a été lancé en 1983 au cours d’une période de récession économique au Québec. L’épargne des Québécois a été regroupée en un Fonds et investie dans des entreprises locales avec les objectifs de réaliser des bénéfices tout en favorisant la création et le maintien d’emplois dans les même entreprises financées par le FTQ . Le Fonds de solidarité FTQ existe toujours et au 31 mai 2012 il est rapporté que le fonds détient 8,5 milliards de dollars d’actifs et a 594.287 actionnaires [3]. Le Fonds de Solidarité National tunisien [4] (FSN) est un autre exemple. Le FSN a été lancé en 1992 et le gouvernement de la Tunisie, les citoyens et les entreprises privées en Tunisie y ont volontairement contribué. Le Fonds a financé des projets publics, dans des zones pauvres et reculées de la Tunisie, comme l’amélioration de l’infrastructure de base, la rénovation et la construction de maisons, etc. Le FSN existe toujours et il est dit qu’il a contribué à faire régresser la pauvreté en Tunisie à partir d’un taux de pauvreté de 12% à 3,8% actuellement.
Il y aura probablement des situations où  le modèle du Fonds de solidarité ne sera pas performant. Toutefois, ces situations ne devraient pas constituer un obstacle pour que ce type de modèle soit appliqué  au Rwanda. Il appartient aux décideurs politiques rwandais de s’imprégner  des meilleurs modèles de fonds de solidarité et de les incorporer dans la reproduction du concept. En outre, ils doivent l’adapter en fonction de l’environnement social et économique du Rwanda.
Qu’est-ce que cela signifie pour les donateurs?
Au cours du Dialogue national le plus récent qui a eu lieu à Kigali les 13 et le 14 décembre, le ministre rwandais des Finances a expliqué le Fonds Agaciro comme « un fonds souverain (SWF) qui financera des projets avec un potentiel de rendement élevé ainsi qu’un impact socio-économique » [5]. À cet effet, la clé du succès du Fonds dépendra de la façon dont les projets qui doivent être financés par le Fonds transmettront des valeurs sociales et économiques à ses contributeurs et tous les Rwandais en général.
Une des valeurs économiques que le Fonds aurait pu proposer à ses contributeurs aurait pu être un retour sur leurs contributions. Pourtant, au vu du plan d’exécution en cour aucun retour ne sera offert aux cotisants ayant pleine connaissance que le Fonds financera des projets avec un potentiel rendement élevé. En outre, bien que les retombées socio-économiques prévisibles du Fonds comprennent la création d’emplois, il est à douter que d’abondantes possibilités d’emploi soient créées grâce au dit Fonds eu égard au nombre important de chômeurs en quête du travail immédiat. Vient donc la question de savoir pour combien de temps les Rwandais, dont la majorité vit avec moins de 2 dollars par jour, et les entreprises au Rwanda pourront se permettre de donner généreusement leur argent au Fonds alors qu’en réalité, le Fonds ne leur offre aucune valeur économique directe en retour?
Si les cotisations au Fonds avaient été considérées comme des investissements, comme il est dans le cas du Fonds de Solidarité FTQ, les contributeurs auraient certainement été motivés à faire continuellement des contributions au Fonds étant donné qu’ils s’attendraient à des rendements. Avec ces ententes, le Fonds Agaciro aurait favorisé une culture de l’entrepreneuriat dynamique et productive, qui est responsable devant ses actionnaires au Rwanda, avec l’espoir de voir l’épargne intérieure augmenter pour de nouveaux investissements dans l’économie du pays. La gestion du Fonds comme les projets qu’il finance seraient incités à gérer pour le profit et avec l’entière responsabilité face à ses contributeurs. Une dépendance entre les parties prenantes du Fonds serait établie – ce qui est nécessaire pour le Rwanda pour conduire son propre développement et d’atteindre l’autosuffisance voulue. Cependant, selon les paramètres de l’actuel Fonds, le Rwanda ratera le dynamisme qu’un tel plan de retour sur investissement pourrait avoir introduit dans son environnement social et économique. La dépendance entre les parties prenantes du Fonds sera également absente car les donateurs ne feront que contribuer sans rien recevoir d’autre que les effets abstraits sur le plan économique et social des projets financés par le Fonds.
L’alternative visant à offrir aux contributeurs du Fonds un retour sur leurs contributions aurait été d’investir les fonds dans des projets concrets d’intérêt public comme la construction des écoles publiques, des hôpitaux, d’un aéroport, des routes, comme dans le cas du FSN. Évidemment, cela n’aurait pas créé les emplois à tous ceux qui en ont besoin au Rwanda, mais cela aurait pu avoir un impact social et économique important pour de nombreux Rwandais. Une fois achevés, ces projets d’infrastructure seraient utilisés par le public sur une base quotidienne et pour un temps très long pour répondre à leurs besoins sociaux et économiques. Ils seraient considérés comme un symbole de l’autonomie et de servir comme un rappel à une génération de Rwandais qu’ils peuvent réaliser l’indépendance. Il est plus que évident que les Rwandais ou les entreprises au Rwanda et  amis du Rwanda, seraient ravis et encouragés  à donner  continuellement et généreusement au Fonds Agaciro sans attendre aucun avantage monétaire direct en retour s’ils savaient que leurs contributions devaient être dépensées directement dans des projets solides de développement qui font cruellement défaut au Rwanda.
Dans l’état actuel des choses, le Fonds de développement sera géré comme un fonds souverain (de (Sovereign Wealth Fund). Les contributions des fonds souverains proviennent généralement des excédents budgétaire et commercial. Mais ce n’est pas le cas avec le Fonds Agaciro dès lors que ses recettes proviennent directement du public et de la communauté des affaires.
Néanmoins, dans le cas du  plan d’exécution actuel du Fonds Agaciro, les contributeurs tels que pourraient l’ être des enseignants, des agriculteurs et des propriétaires d’entreprises au Rwanda par exemple, fourniront du capital à un investisseur en échange d’une valeur socio-économique abstraite et qui vraisemblablement servira les intérêts de très peu de Rwandais. Les décideurs politiques rwandais devraient s’inspirer du Fonds de Solidarité du Québec, du Fonds National de Solidarité tunisien et de tout autre fonds semblable, et concevoir un modèle viable pour le Fonds Agaciro  tout en tenant en compte l’état socio-économique actuel du Rwanda.
Écrit par Aimé Sindayigaya et édité par Jules Niyibizi
Traduit de l’anglais par Honorine Sebatware
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