« Qui veut aller loin ménage sa monture ». Voilà un proverbe qui devrait inspirer un peu plus le gouvernement congolais dans sa gestion des forces armées congolaises.
Depuis presque 15 ans, la question de la défense nationale n’a cessé d’être un souci majeur pour les différents gouvernements congolais qui se sont succédés au point qu’elle est presqu’à chaque fois qualifiée de « priorité des priorités » lors des déclarations de politique générale ou toute autre adresse importante à l’égard de la nation.
En 1998 déjà, suite au départ des armées rwandaise et ougandaise après la rupture houleuse entre le feu président Laurent Kabila et la paire Museveni et Kagame, un appel général à la jeunesse congolaise fut lancé afin de reconstituer une armée inexistante à l’époque.
En 2003, à la suite du dialogue inter congolais, une reconstruction de l’armée fut initiée sous l’égide du gouvernement de Kinshasa, des Nations Unies , de l’Union européenne et des partenaires bilatéraux comme l’Angola, l’Afrique du Sud et la Belgique.
Il s’agissait de mettre en place un mécanisme de regroupement et d’intégration des soldats et militaires du gouvernement et ceux d’anciens mouvements rebelles au sein d’une structure de commandement unique. Ainsi furent brassées et mixées des troupes de l’armée régulière, du RCD Goma, du MLC de Jean Pierre Bemba et des mouvements Mai-mai.
Et comme les « bookmakers » le prédisaient, le brassage a généré plus de problèmes que de solutions, contraignant par exemple les populations autrefois meurtries de faire face à leurs anciens bourreaux mais cette fois en tant que protecteurs. En 2004, le budget de la défense est officiellement de 93,5 millions de dollars US soit 1,5 % du produit national brut. En 2006, il est estimé à 2,5 % du PNB. En avril 2009, le ministère de la Défense et l’état-major des Forces armées de la République démocratique du Congo recensent 129 000 hommes sous les armes.
En 2010, 2011 et 2012, le budget de la défense oscille entre 3,5% et 4,2% pour un effectif, fin 2012, d’à peu près 135 000 hommes.
Pendant toutes ces années, des dizaines de symposiums, colloques, séminaires furent organisés pour réfléchir sur les moyens et stratégies afin de rendre l’armée congolaise plus efficace. Force est de constater que malgré toute la bonne volonté manifeste de certaines autorités congolaises, les résultats ont été fort décevants. Cela se reflète par la facilité avec laquelle les FARDC sont à chaque fois défaites lorsqu’elles sont confrontées à des groupes armés très bien entrainés.
Quelquefois, leur courage leur permet d’engranger de précieuses victoires mais bien souvent la trahison des hauts dignitaires, des conditions sociales difficiles pour eux et pour leur famille et le manque d’organisation et de discipline dans les différentes chaines de commandement finissent par avoir raison de leur performance.
Solution inédite pour un pays en guerre
Depuis avril 2012, le discours sur la réforme de l’armée est devenu récurrent suite aux revers observés face aux troupes du M23 qui selon plusieurs rapports seraient aidées par le Rwanda. En dépit de ces déclarations de bonnes intentions aussi bien de la part des Congolais eux-mêmes que des acteurs internationaux impliqués dans la crise des Grands-Lacs, aucun schéma précis n’a été proposé.
La communauté internationale consciente de son échec dans le processus d’intégration initié en 2003 n’ose plus clairement se prononcer en termes de solutions concrètes sur le volet militaire.
Les acteurs internes ne cessent eux d’entonner à tue-tête le refrain de la réforme de l’armée sans réellement donner corps à leurs arguments. Dire qu’il faut réformer l’armée c’est facile mais la question importante est de savoir comment procéder eu égard à son degré avancé de dégénérescence. Ayant expérimenté le brassage et l’intégration sans résultats appréciables, ne serait-il pas enfin temps d’envisager d’autres stratégies plus pratiques qui apporteraient réellement un bol d’air à cet appareil indispensable au fonctionnement de tout État.
Une solution inédite serait le « dégraissage » des FARDC. Il s’agirait concrètement de réduire l’effectif de l’armée afin de créer une machine de guerre plus performante.
Jamais le poids de l’armée n’a été remis en question dans les différentes analyses expliquant les différentes défaites des FARDC; ni par les experts internationaux encore moins par des experts internes; et presque toujours la réponse reflexe a été de lancer aussitôt un appel général au recrutement comme si l’armée congolaise manquait d’hommes.
Bien souvent les troupes en face sont moins nombreuses mais mieux entrainées. En comparaison, les troupes rwandaises sont estimées à 35 000 hommes et les ougandaises à 47 000. Si aujourd’hui les trois armées devaient directement s’affronter il est fort probable que les FARDC tomberaient en premier malgré leur grand nombre. Il faudrait donc se questionner sur la formule permettant d’accroître l’efficacité tout en faisant preuve de parcimonie. Le modèle du management opérationnel combiné au management stratégique pourrait inspirer les responsables de l’armée congolaise.
Il est plus que temps que les autorités congolaises comprennent qu’il sera impossible de gagner définitivement la guerre avec un budget annuel de la défense estimé à 247 millions de dollars pour un effectif de 130000 hommes. Une armée de cette taille ne s’entretient pas avec un budget de cette envergure. Au contraire la désertion, la rapine sur la population, la corruption, la trahison et tout autre comportement répréhensible se verraient conforter au sein de cette haute institution censée être la vitrine nationale de la respectabilité.
C’est d’ailleurs une tendance générale de tous les pays du monde que de réduire les effectifs de leurs armées pour les rendre plus performantes. Le monde évolue, l’idéologie selon laquelle une armée forte est une armée riche en hommes n’a plus pignon sur rue et au 21ème siècle l’agilité compte plus que le poids. La réduction d’effectif aurait pour effet immédiat d’accroitre les ressources de l’armée et ainsi optimiser leur répartition. Cette manne serait affectée à l’amélioration de leur formation et conditions de vie. Concrètement, il ne s’agit pas de déposer définitivement des dizaines de milliers de soldats mais bien d’en faire des réservistes qui seront réembauchés à temps plein une fois la paix revenue et la prospérité retrouvée.
Cette solution peut certes paraître burlesque mais rien ne coûte de l’analyser et de l’approfondir. Et elle ne peut se révéler efficace que si simultanément d’autres mesures sont prises pour améliorer l’organisation des FARDC.
Charis Basoko
Jambonews.net