Martine Desjardins ! C’est ce 9 novembre dernier que le Réseau international des femmes pour la Démocratie et la Paix a attribué ce prix qu’il décerne annuellement.
Qui est la lauréate ? Martine Desjardins fut une militante étudiante québécoise, principalement entre 2011 et 2013. Elle a été l’une des figures médiatiques de la grève étudiante québécoise de 2012 que certains ont qualifiée de printemps québécois. Elle présidait alors la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), le plus grand groupe étudiant au Québec, comptant plus de 125 000 membres.
Son principal mandat, dès son élection à titre de présidente de la FEUQ, aura été de faire obstruction à la hausse des frais de scolarité de 1 625 $ annoncée par le gouvernement Charest. Représentant le plus grand groupe jeune du Québec, Martine Desjardins constitue l’image académique et politique du mouvement étudiant. On attribue à son leadership le maintien de la solidarité entre les associations étudiantes nationales, déjouant les tentatives de division du mouvement étudiant.
JamboNews a joint l’heureuse lauréate et la coordinatrice de la section Canada du RifDP, Mme Perpétue Muramutse, pour en apprendre d’avantage sur cette quatrième édition du trophé réservé à la jeunesse.
JamboNews : Vous avez été l’heureuse lauréate du prix Jeunesse engagée attribué par le RifPD, comment avez-vous réagi à la réception de cette nouvelle?
M. Desjardins : « J’ai été grandement surprise. Je suis très honorée et fière d’avoir eu ce prix que je dédie à l’ensemble des militantes et militants, jeunes et moins jeunes qui ont pris de leur temps pour venir manifester lors du printemps 2012. Ensemble nous avons fait la différence! »
Vous avez été un des leaders de la grève estudiantine québécoise. Quelle était votre motivation?
« Permettre à tous d’avoir accès à des études de qualité. Je voulais m’assurer de donner une voix aux étudiants, aux jeunes. Souvent nous avons l’impression que nous sommes individualistes, mais le printemps a démontré que nous étions capables de remporter des victoires en se regroupant. Nous avons remporté une première victoire collectivement. Cela augure bien pour la suite des choses notamment l’amélioration de notre démocratie. »
Quels changements cette grève a-t-elle apportés?
« Elle a d’abord apporté des changements majeurs au niveau du système de l’éducation. Premièrement, la hausse des droits de scolarité a été annulée ; puis le système de financement des universités, notamment leur gestion a été revue et améliorée. Finalement, le programme de bourses pour les étudiants en difficulté financière a été bonifié de plusieurs millions de dollars Personnellement, j’ai aussi développé de belles amitiés et liens professionnels durables. Il ne faut pas négliger les retombées humaines dans tout cela non plus. «
Les jeunes dans les pays dits démocratiques sont de plus en plus désintéressés par la politique, mais ils se mobilisent facilement lorsque les problèmes leur touchent directement. Cela a-t-il été le cas pour le printemps québécois 2012?
« Les jeunes se sont mobilisés, il est vrai pour défendre l’éducation accessible. Mais tous ne manifestaient pas pour eux, les hausses prévues allaient affecter d’autres générations. Donc, ils se sont mobilisés pour les jeunes qui allaient suivre leurs traces. Il faut également noter que ces militants sont marqués à vie par cette expérience. Plusieurs se sont politisés et sont maintenant très actifs dans les milieux communautaires, syndicaux ou encore sur le plan politique. Je crois que nous avons contribué de façon indirecte à politiser notre génération. C’est une bonne nouvelle. Il faudra voir si cela va avoir des impacts sur leurs participations futures à la vie démocratique. »
Quel remède préconisez-vous pour renverser la tendance – pour que les jeunes s’intéressent à la politique en général?
« Il faut que les jeunes soient dans l’action. Qu’ils prennent part aux débats et aux discussions. Qu’ils aient du plaisir à s’activer. Trop souvent les réunions ou les activités sont peu stimulantes pour les jeunes. Ils sont laissés dans un coin en attendant d’avoir l’âge pour participer. Si les gens prenaient la peine d’aller les chercher, ils pourraient être surpris de la volonté de mobilisation des jeunes. Ils sont souvent juste trop timides pour prendre leur place. Ils se sont fait souvent dire qu’ils étaient trop jeunes. Il suffit seulement de leur tendre la main. «
La jeunesse a-t-elle nécessairement sa place dans le changement d’une société et dans la lutte pour la paix et la démocratie ?
« Elle est souvent la clé d’un changement de garde. Elle arrive avec plein d’idéaux. Cependant, il faut s’assurer d’encadrer son impulsivité. Cela peut leur jouer des tours. Le mélange intergénérationnel est souvent la meilleure façon d’activer un changement permanent. »
Comment la jeunesse africaine peut-elle s’inspirer de la jeunesse québécoise ?
« Il est difficile de répondre à cette question. Tout le monde a sa propre façon de chercher son inspiration. Je crois cependant que la jeunesse québécoise a montré que malgré un déficit démographique important (notre génération est moins nombreuse que les précédentes) nous pouvons arriver à faire bouger les choses en étant unis. En travaillant sur plusieurs années. Le mouvement de 2012 a pris trois ans à construire. Il faut garder l’espoir de changement et continuellement croire que tout est possible. En 2012, personne ne pouvait prédire la finalité et pourtant nous avons gagné. »
Jambonews a pu également avoir quelques mots de la coordinatrice de la section Canada du RifDP, Mme Perpétue Muramutse.
Comment s’est passé cette journée en général?
P. Muramutse: « La journée de 09 novembre 2013 a été une journée extraordinaire elle s’est passée dans une ambiance conviviale. Ce qui est très particulier c’est que cette soirée est familiale. Tous les membres de la famille, des grands parents au nouveau-né y ont participé activement. C’est une soirée qui offre un cadre d’action à la relève et qui permet aux aînées de passer le flambeau aux plus jeunes. Une façon harmonieuse, de faire le transfert des valeurs de paix et de démocratie qui tiennent à cœur les adultes vers les plus jeunes. La soirée bien que destinée principalement à la Relève est aussi intergénérationnelle et les activités principales sont animées et réalisées par les jeunes. »
Vous avez attribué ce prix à Mme Martine Desjardins, qu’est ce qui a motivé le choix du jury?
« Notre prix a été créé pour reconnaître publiquement l’importance de l’engagement de la jeunesse dans la résolution des problèmes socio-politiques auxquels leur société est confrontée. Ceci dans le souci de préserver une paix durable et une gouvernance démocratique pour le mieux être de tout un chacun. »
« Mme Martine Desjardins qui a conduit la fédération étudiante universitaire du Québec pendant les manifestations du printemps 2012 a démontré une grande détermination dans son engagement. Elle a mené avec courage et perspicacité un combat pacifique visant la gestion démocratique de l’accès à l’éducation afin de donner des chances égales à chaque québécois et québécoise.
Mme Desjardins s’est distinguée dans sa capacité à mener des négociations très difficiles avec les instances gouvernementales, elle sert de modèle pour les jeunes de partout dans le monde. »
Le Réseau international des femmes pour la Paix et la Démocratie a été créé par des femmes pour tout le monde, selon la coordinatrice de la section Canada du RifDP, Perpétue Muramutse. Sa mission est d’informer, sensibiliser en faveur de la paix et de la démocratie ; de promouvoir et encourager le leadership féminin ainsi que de soutenir toute initiative allant dans ce sens.[i] La précédente édition avait récompensé Alice Muhirwa, ancienne Trésorière du parti FDU-Inkingi dont la présidente, Victoire Ingabire, est emprisonnée à Kigali.
Toujours selon la coordinatrice de la section Canada, la création du « Prix Jeunesse Engagée », a été motivée par la reconnaissance nécessaire de l’action de chacun et de sa valeur. Qu’ainsi en créant un prix spécialement pour les jeunes, « c’est souligner l’importance du rôle que les jeunes ont à jouer pour trouver des solutions auxquelles leurs sociétés sont confrontées » et encourager la participation de jeunes au développement d’une culture de paix et de démocratie.[ii]
Propos recueillis par Pacifique Habimana
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