Oreste Hasingizwimana vivait en République Centrafricaine (RCA) depuis plus de 15 ans, en qualité de réfugié, il a été abattu ce 20 février devant son magasin situé dans le centre de la capitale, Bangui. Plusieurs pistes sont à avancer dans ce meurtre, dont celle impliquant les soldats rwandais qui font partie de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA).
Oreste Hasingizwimana qui était connu comme « un homme sans histoires », tenait un magasin dans le quartier SICA II, situé au centre de Bangui. Il a été abattu jeudi dernier  vers 17h10 par des hommes à moto.
Joint par Jambonews, un réfugié rwandais sur Bangui livre le modus operandi « quelqu’un a appelé Oreste par téléphone lui demandant de sortir du magasin. Quand il est sorti, trois hommes à moto se sont présentés et lui ont tiré dessus, il a été touché par 4 balles et est mort sur le coup. L’homme qui était en arrière portait un treillis militaire (juste la veste), un autre homme ne portait que le pantalon militaire, le troisième homme était habillé tout en civil. Les assaillants ont aussi tiré une balle dans la jambe d’une fille présente au moment des faits ».
Il y a quelques mois, Oreste avait été arrêté puis emprisonné par les milices de la Seleka qui avaient en même temps dérobé sa voiture. C’était à l’occasion de son intervention chez un autre réfugié rwandais dont le domicile avait été envahi par les Seleka. Certains à Bangui ont d’abord pensé que ce sont ces milices qui avaient  abattu la victime pour probablement l’empêcher de réclamer plus tard sa voiture volée. Cette hypothèse a vite été écartée car la Seleka n’est plus à Bangui. Le doute a été entièrement levé lorsque des témoins centrafricains ont dit avoir reconnu un des trois assaillants, un ressortissant rwandais connu sous le surnom « Tonton sans papiers », qui dit s’appeler Charles Ntaganda et qui vit à Bangui depuis deux ans à peu près et dont les réfugiés rwandais de Bangui ignorent l’histoire. Selon ces témoins, les trois hommes venaient de passer par le domicile d’un autre réfugié rwandais et n’y avaient retrouvé que les enfants et la domestique. Dans la précipitation, les tueurs auraient laissé un téléphone portable sur les lieux.
Selon le premier témoin, la thèse impliquant un autre compatriote est à écarter, car les réfugiés rwandais vivant à Bangui forment une petite communauté (entre 100 à 200 personnes), composée pour la plupart de familles sans histoires. De plus dans une situation d’insécurité qui règne à Bangui, on limite ses mouvements, surtout à la tombée de la nuit. « Je ne vois personne parmi nous qui se serait aventuré au début de la nuit pour aller assassiner Oreste », raconte le témoin sous le choc.  Â
Les soldats rwandais de la MISCA dans le collimateur
Huit cent cinquante soldats rwandais sont arrivés le 16 janvier dernier en République Centrafricaine, pour y renforcer les effectifs de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique déployée sous l’égide de l’Union africaine (UA). Un autre ressortissant rwandais à Bangui nous affirme que depuis leur arrivée, les réfugiés rwandais se sentent inquiets, car craignant que le régime de Kigali ait dissimulé des tueurs parmi cette force, pour terroriser les quelques centaines de réfugiés rwandais vivant en Centrafrique.
« Depuis l’arrivée des soldats rwandais à Bangui, on est très inquiets, on discute sans problèmes avec les burundais (qui font aussi parti de la mission NDRL), mais on reste le plus loin possible des rwandais », a confié à Jambonews l’ami de la victime installé en Centrafrique depuis plus d’une dizaine d’années.    Â
 La mort d’Oreste Hasingizwimana a accru cette inquiétude des réfugiés rwandais qui cherchent maintenant à quitter le pays car selon eux, leur sécurité n’y est plus garantie. Les réfugiés, pour la plupart rescapés du génocide des réfugiés rwandais perpétré par le FPR dans l’ex-Zaïre, sont d’autant plus inquiets que parmi les militaires rwandais de la Misca, il y a d’anciens réfugiés rwandais qui ont vécu en Centrafrique avant de rentrer au Rwanda et d’intégrer la même armée présumée auteure de massacres de réfugiés hutus en RD Congo. Ils connaissent donc bien les réfugiés rwandais vivant à Bangui, leurs domiciles, leurs opinions politiques sur le Rwanda et leurs habitudes.
Oreste Hasingizwimana avait 46 ans et était marié. La gendarmerie qui est arrivée sur le lieu du crime a ouvert une enquête, mais jusqu’à maintenant, elle s’est refusée à tout commentaire.
Jean Mitari
Jambonews.net