Article d’opinion soumis par Me Innocent Twagiramungu
La guerre d’agression extérieure préparée depuis 2013 à partir du Rwanda contre le Burundi est principalement une guerre qui vise la mainmise sur les richesses naturelles de ce petit pays de la région des Grands Lacs Africains. A ce titre, elle n’est pas différente de celles que le Rwanda de Paul KAGAME a menées au Congo sous le couvert de plusieurs rebellions : AFDL de Laurent Désiré Kabila, CNDP du Général rwandais Laurent NKUNDABATWARE dit Laurent NKUNDA, M23,…). Selon l’estimation de différents spécialistes, ces guerres sont à l’origine de plus de 12 millions de morts. Le Rwanda agissait comme un « proxy state » pour le compte de plusieurs multinationales et de certains pays occidentaux impliqués dans le trafic illégal des minerais de la République Démocratique du Congo avec pour objectif d’y installer l’instabilité politique et un pouvoir fantoche, ce qui permettrait facilement le pillage du Congo en l’absence d’un régime démocratique qui contrôle tout et est redevable devant ses citoyens. Cet objectif semble réussi jusqu’à présent.
Profitant de ce statut de marionnette des multinationales et de certaines puissances occidentales, les autorités rwandaises en ont profité pour s’enrichir personnellement grâce à ces minerais du sang et y ont pris goût ! Différents rapports et enquêtes de l’ONU ont désigné nommément ces pilleurs mais vu leur puissance financière et politique, le Congo continue d’être pillé sans merci, « la communauté internationale » restant dans l’incapacité d’y mettre fin. Le pouvoir fantoche de Joseph KABILA est en passe de recevoir la bénédiction de la communauté internationale pour une prolongation malgré les limites constitutionnelles pour continuer à servir ces intérêts occultes !
Le Burundi regorge de plusieurs ressources naturelles non encore exploitées. Nous pouvons noter, à titre d’illustration, les minerais métalliques et principalement le nickel latéritique et sulfuré, Terres Rares, Fer-Titane-Vanadium, Or, Cassiterite, Colombo-Tantalite, Wolframite. Selon les spécialistes, 6% de la production mondiale se trouve au Burundi. Le pays regorge également d’autres minerais non-métalliques dont phosphate, carbonatite, Kaolin, Quartzite, Feldspath, Calcaire etc. On y trouve également des hydrocarbures (indices de pétrole, gisement de tourbe) et sources hydrothermales. Le Nickel est très extrait à Musongati. Du nickel, on fait l’acier inoxydable pour les secteurs de la construction et des transports.
Ce sont toutes ces richesses qui font que plusieurs multinationales et certaines puissances occidentales sont engagées dans un combat acharné pour le contrôle du Burundi. Un pouvoir démocratique et populaire ne les arrange pas. Il faut y mettre du chaos et y installer un régime contrôlé qui leur garantit l’accès ces richesses à vil prix.
A y regarder de près, ce qui se passe actuellement au Burundi n’est donc pas différent de ce qui s’est passé en République Démocratique du Congo (RDC). Des sociétés multinationales de certaines puissances occidentales sont engagées dans un combat pour y créer une situation chaotique qui échappe au contrôle gouvernemental. Paralysie du Conseil du Sécurité de l’ONU et son contournement par les puissances occidentales. En guise de rappel, tout le monde sait que le gouvernement burundais a signé un contrat d’exploitation du nickel avec les Russes. Les sociétés américaines qui étaient intéressées par ce marché n’ont pas apprécié. Aussi avons-nous cette crise au Burundi parce que certains politiciens occidentaux qui sont sponsorisés par ces sociétés ne veulent pas cette perte totale du marché burundais au détriment de ces mêmes sociétés.
De l’autre côté, la Russie ne veut absolument pas perdre ses ressources au Burundi. Cette situation a des conséquences énormes qui s’observent au Conseil de Sécurité de l’ONU : Le Porte-parole du Secrétaire Général des Nations Unies vient d’annoncer publiquement qu’il n’y aura jamais d’accord unanime sur le Burundi parce que les grandes puissances sont divisées en deux groupes en ce qui concerne le Burundi. Ceci explique pourquoi les médias occidentaux sont sollicités par les politiciens afin de présenter le gouvernement actuel du Burundi comme incapable de diriger le pays.
L’impartialité et le manque d’indépendance des médias occidentaux sautent aux yeux dans le traitement de la crise burundaise, sans doute dans le souci d’assurer leur survie financière et à cause du copinage avec les hommes politiques qu’on n’ose plus critiquer surtout en ce qui concerne les affaires étrangères et particulièrement la politique africaine.
Pour illustrer l’attitude ambiguë de ces puissances, il a été toujours demandé de désarmer les civils au Burundi. Quand le Président NKURUNZIZA, après avoir reçu de la Chine les détecteurs d’armes, annonce l’opération de désarment, les Occidentaux se précipitent pour crier au génocide alors même que les opérations n’avaient même pas commencé !
L’ICG (International Crisis Group) s’est précipité pour appeler les Etats-Unis d’Amérique et d’autres bailleurs de fonds à mettre sur pied une force militaire d’intervention pour arrêter le génocide au Burundi, un génocide qui reste imaginaire à moins que l’on procède à une redéfinition du terme génocide.
Il semble qu’il n’y ait plus d’autre circuit qui permettrait la déstabilisation du Burundi. Paul Kagame a envoyé ses forces spéciales à Bujumbura chargées de tuer le maximum possible avec relai de cris du génocide à travers les médias occidentaux et la bouche des hommes politiques occidentaux afin d’arriver à leur objectif. La communauté internationale devrait plutôt coopérer avec le gouvernement du Burundi dans la poursuite des auteurs des violences à Bujumbura.
Mais, les Occidentaux et leur Presse n’ont plus d’autres mots que « Génocide » quand ils parlent du Burundi. Comme ce génocide tant espéré n’arrive pas grâce à la retenue des Burundais malgré les provocations dont l’assassinat des leaders politiques et militaires, l’énervement se fait sentir en Occident et à Kigali car le plan risque d’être un échec cuisant, ce qui les obligerait de passer à un autre plan prévu mais redouté : celui d’une guerre d’agression du Rwanda contre le Burundi à défaut d’un génocide qui permettrait une intervention soft dite humanitaire sous les frais de l’ONU pour arrêter un « génocide ». Mais pourquoi cette obsession ?!
A défaut de pouvoir manipuler le Conseil de sécurité de l’ONU, quelques puissances occidentales font pression sur l’Union Africaine (UA) profitant de sa faiblesse financière et politique pour arriver à leurs fins. Ceci explique le mépris de l’East African Community (EAC) et la CIRGL (Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs), deux organisations régionales qui pourtant, vu leur proximité, devraient jouer un rôle majeur au Burundi. Fort de sa casquette de marionnette des occidentaux, le Rwanda refuse de collaborer avec ces organisations dont il boycotte plusieurs réunions et a toujours refusé la mission militaire de la CIRGL pour vérifier son soutient militaire aux rebelles burundais entraînés sur son territoire.
Le Gouvernement du Burundi face à un dangereux virage diplomatique à bien négocier
La crise créée et entretenue par certaines puissances étrangères qui instrumentalisent quelques Burundais arrive dans une phase critique. Ceux qui avaient parié sur la chute rapide et facile du régime du CNDD-FDD commencent à s’impatienter et font un forcing pour si pas faire tomber le régime par force, tout au moins installer un régime de transition dans lequel le CNDD ne serait qu’un partenaire à côté des poulains de ces puissances.
L’Union Européenne (UE), qui a fait sienne la position de la Belgique, elle-même dictée par Louis Michel, est la plus radicale à combattre le régime de Pierre Nkurunziza. C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter ses excès de fièvre allant jusqu’à donner un ultimatum au gouvernement burundais après avoir interprété à sa manière les événements sur le terrain. Le plus dangereux est que cette même Union Européenne semble avoir complètement phagocyté l’Union Africaine spécialement la Commission Paix et Sécurité qui non seulement s’aligne aveuglément sur les vues de l’UE en ce qui concerne le Burundi, mais aussi en reçoit ouvertement des ordres. La contribution de l’UE au budget ordinaire de l’UA n’est pas étrangère à cette situation scandaleuse.
Sûre d’avoir mis l’UA dans sa poche et forte de son poids médiatique et financier quand il faut faire pression sur un gouvernement africain, l’Union Européenne trouve que le temps pourrait jouer pour le régime du CNDD-FDD alors que ceux qui devaient le remplacer languissent à Bruxelles et au Rwanda où ils avaient été exfiltrés pour « se mettre en réserve de la république pour quelques mois ». Pour imposer sa solution sans perdre la face, l’Union Européenne (en filigrane la Belgique et le Rwanda) doit dribler avec d’autres organisations régionales africaines qui pourraient contrecarrer ses desseins sur le Burundi. C’est ainsi que dans un premier temps l’UE ayant mis l’UA dans sa poche tente de contourner l’East African Community dont elle n’est pas sûre qu’elle pourrait unanimement signer le départ de Nkurunziza et son régime. De même la CIRGL qui elle aussi devrait être impliquée dans la résolution de cette crise et qui d’ailleurs s’y emploie notamment dans le cadre des Accords de Nairobi en proposant l’envoi des enquêteurs au Burundi et au Rwanda pour vérifier les accusations mutuelles : Le Rwanda accuse le Burundi d’abriter les Hutu des FDLR, tandis que le Burundi fait état des recrutements des combattants dans des camps au Rwanda tout comme l’hébergement des leaders de l’insurrection en cours. Mais, l’on sait que le Rwanda refuse tout enquêteur sur son territoire alors que le Burundi est tout ouvert alors que la mission militaire de vérification n’a trouvé aucun militaire des FDLR au Burundi!
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’appel de l’UE au Gouvernement du Burundi de lui répondre endéans les 30 jours et si la réponse est jugée non satisfaisante, les sanctions tomberont. La réponse ne saurait être satisfaisante pour l’UE car celle-ci exige que le CNDD-FDD et Pierre Nkurunziza se fassent hara-kiri. Mais, cette offensive de l’UE visiblement soutenue par l’UA vient court-circuiter les démarches de l’EAC et de la CIRGL qui pourtant étaient engagées dans l’instauration d’un dialogue entre tous les protagonistes. L’Union Européenne (la Belgique) craint que ni l’EAC ni la CIRGL ne pourraient imposer au CNDD-FDD d’abandonner les acquis des dernières élections pour imposer une nouvelle transition pilotée par les opposants radicaux et autres putschistes sous la protection de la même Union Européenne.
Cependant, l’Union Européenne travaille aussi sur un autre chantier autrement plus inquiétant. Tout est mis en branle pour faire intervenir le moment venu, une force étrangère au Burundi. L’Intervention de l’East African Stand-By Force (EASF) est sérieusement envisagée. Mais, le contingent ne devrait être composé que des militaires rwandais et kenyans de cette EASF et fortement appuyée logistiquement par les USA à travers son AFRICOM. C’est pourquoi pour rendre cette intervention « nécessaire » ces puissances vont continuer et même multiplier les actes terroristes non seulement dans la capitale mais aussi dans tout le pays , actes qui seront très médiatisés et interprétés comme une preuve de la carence de l’Etat et de l’incapacité des forces de sécurité qui en même temps seront accusées de ces actes terroristes. Dans tous les cas, toute force internationale qui interviendrait au Burundi ne quitterait pas ce pays sans avoir définitivement mis fin à l’expérience démocratique basée sur le principe de « un homme, une voix » et surtout en imposant un régime « à la rwandaise » où la minorité ethnique doit détenir les pouvoirs politiques, économiques, militaires… pour soi-disant assurer sa sécurité et se prémunir d’un génocide, et alors elle peut associer le reste au pouvoir politique selon son appréciation. En réalité, ceux qui claironnent qu’ils se battent pour le respect des Accords d’Arusha, ou bien ils sont de mauvaise foi car, en réalité, ils se battent pour son abrogation pure et simple, ou alors ce sont des idiots politiques.
Le gouvernement du Burundi n’est pas anti-occidental
Plusieurs s’accordent à affirmer que le régime du CNDD-FDD dont plusieurs cadres sont des citoyens de l’Union Européenne est un régime qui n’est pas hostile aux Occidentaux. Il est vrai que pendant les dix dernières années du pouvoir NKURUNZIZA l’Occident a été associé à plusieurs projets de développement et de renforcement des institutions politiques et de sécurité.
L’octroi d’un marché économique aux Russes qui offraient mieux que les sociétés occidentales ne devrait pas justifier la mise à feu et à sang du Burundi par l’Occident via leur proxy qu’est le régime criminel de Paul Kagame accusé d’être responsable de plus 12 millions de morts dans la région des Grands Lacs et de l’élimination d’au moins 4 Chefs d’Etat ( Juvénal HABYARAIMANA, Cyprien NTARYAMIRA, Laurent Désiré KABILA, Melchior NDADAYE) .
La question du troisième mandat est un prétexte inacceptable. Je ne reviens pas sur l’interprétation de la constitution tranchée par les juges compétents du Burundi. Sinon, l’Occident aurait détruit depuis belle lurette le pouvoir ougandais de Yoweri Museveni (29 ans), le pouvoir de Sassou Nguesso (Congo-Brazza) qui vient de changer la constitution pour vieillir à la tête de l’Etat, le pouvoir de Paul Kagame qui change la Constitution pour s’assurer au minimum 40 ans au pouvoir, le pouvoir de Paul Biya qui reste Président à vie et plusieurs autres dictateurs africains. Or, ce n’est pas le cas. Pourquoi ?
Le Burundi reste stable et un modèle puisque la constitution n’a pas été changée et que l’alternance reste garantie par l’obligation de ne pas dépasser deux mandats au suffrage universel direct à la tête de l’Etat. L’équilibre ethnique est garanti par les accords d’Arusha et la constitution qui accordent une surreprésentation de la minorité dans les institutions avec 50% des postes alors qu’elle ne représente pas plus de 15% de la population. Ceci est un gage de protection et de sécurité. Cet équilibre ethnique du Burundi gêne le Rwanda où les Hutu sont dans une situation d’apartheid et exclus du pouvoir C’est ce qui explique d’ailleurs qu’il est difficile de provoquer un génocide au Burundi ! A titre d’exemple, les militaires tutsis participent dans les opérations de désarment des civils dans les quartiers où les insurgés rwando-burundais prennent les citoyens en otage. Ceci met en difficulté les occidentaux qui voulaient faire passer ces opérations pour des opérations destinées à tuer plutôt qu’à désarmer.
Ceux qui veulent détruire un tel pouvoir devront être tenus responsables par l’histoire.
Que devrait faire le gouvernement burundais ?
- Le rendez-vous avec l’Union Européenne doit être pris au sérieux mais sérieusement préparé avec des dossiers en béton et défendus mordicus ;
- Déployer une activité diplomatique intense auprès de l’EAC et de la CIRGL pour s’assurer de leur soutien ou du moins de leur montrer qu’elles ne doivent pas céder leurs prérogatives à l’UE comme le fait l’UA. Il est donc possible de contrer l’offensive diplomatique en cours et qui constitue les préliminaires à un envoi d’un corps expéditionnaire au Burundi qui y installera un régime à la rwandaise au grand étonnement de quelques politiciens burundais de l’opposition qui actuellement sont, peut-être de bonne foi, embarqués dans une aventure dont ils ignorent la finalité.
- Engager le plus vite possible un dialogue politique et des négociations avec tous les acteurs burundais qui restent dans les limites de la légalité ;
- Continuer à sensibiliser les citoyens à la coexistence pacifique et bien contrôler le langage utilisé pour éviter des interprétations malveillantes ;
- Maintenir l’unité des militaires et des forces de sécurité.
Si d’aventure, l’option militaire devait continuer à être privilégiée par les déstabilisateurs du Burundi, le pays devrait être attentif aux méthodes utilisées par le Rwanda qui sont les mêmes que celles qu’il a utilisées au Congo: lancement de petites attaques pour tâter l’ennemi ( « udutero shuma » en Kinyarwanda). Ce sont les attaques qui ont déjà eu lieu dans Cibitoke et partout ailleurs; infiltrations des forces spéciales rwandaises dans des quartiers de Bujumbura; assassinats ciblés sur les grands ténors politiques et militaires en guise de provocation ; les assassinats accompagnés de scènes macabres telle qu’éventrer les victimes, leur retirer quelques parties du corps dans un but de faire plus peur et de traumatiser, et maintenant les déclarations des chefs des rebelles burundais. Ici, on se rapproche des cas Nkunda, Ntaganda, Mutebusi et autres bombardés généraux, à la tête des mouvements rebelles, alors là on découvre pour qui roulent tous ces mouvements, tous ces généraux, tous ces assassinats sauvages. Paul Kagame, l’auteur de toute cette organisation ne trahit jamais son mode opératoire, et de ce fait signe au grand jour en son vrai nom. Que faut-il attendre? Eh bien la guerre. Il faut que Bujumbura s’attende à cette guerre, qu’elle prenne toutes ses dispositions, car elle est en face des rébellions insensées orchestrées par des gens insensés et qui ont toujours opéré de cette façon. Mais, seulement voilà, comme les mêmes causes engendrent toujours les mêmes effets, il faut s’attendre à la débandade à la M23 (par les mêmes armées des mêmes pays), mais au pire voir le conflit revenir au point de départ (observation d’Emmanuel SENGA, ancien Chef du Protocole au Parlement rwandais sous le FPR, North Carolina, USA, commentaire sur Facebook).
Le Rwanda de Paul KAGAME qui a ses propres ambitions au Burundi et dans la région des Grands Lacs est utilisé par quelques puissances occidentales dans ces sales besognes. En contrepartie, ces puissances ferment les yeux sur ses crimes très graves au Rwanda et au Congo, crimes dont certains pourraient être qualifiés de génocide selon le rapport Mapping de l’ONU sur les crimes contre l’humanité en RDC. Ces puissances s’apprêtent probablement à fermer les yeux sur le coup d’Etat constitutionnel en cours au Rwanda en vue de consacrer Paul KAGAME Président « à vie » : deux poids deux mesures dans les exigences démocratiques et respect des droits de l’homme.
Innocent TWAGIRAMUNGU
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L’auteur est Avocat au Barreau de Bruxelles en consultation d’experts des relations internationales.