Lancée à l’été 2015 par des citoyens et activistes des droits de l’homme rwandais à l’étranger et à l’origine de la grande conférence de Montréal de mai 2016, la campagne « AmahoroIwacu2017 », a désormais pris son envol. « Amahoro Iwacu » signifie en Kinyarwanda : « La paix chez nous », nom symbolisant totalement la volonté et l’objectif que veut atteindre cette campagne. Leur objectif est 2017, l’année de la prochaine élection présidentielle au Rwanda. Alors que la dernière modification de la constitution rwandaise vise à conserver un statu quo à la tête du pays, AmahoroIwacu2017 dénonce le pouvoir dictatorial du régime de Kagame au pouvoir depuis 1994 à Kigali et réclame un changement sans équivoque en 2017. Les objectifs de la campagne, la grande manifestation du mois de mai 2017 à Montréal et les actions à venir, telles sont les enjeux sur lesquels JamboNews a voulu s’entretenir lors de cette interview avec le porte-parole de la campagne Amahoroiwacu2017, Freddy Usabuwera.
Jambonews (JN) : Bonjour Freddy Usabuwera. Merci de nous accorder votre temps pour cette interview. Sans tarder, pouvez-vous nous présenter ce qu’est la campagne « Amahoriwacu2017 » ?
Freddy Usabuwera (F.U.): Bonjour. Permettez-moi aussi de vous remercier de votre invitation, une occasion de plus pour moi de parler de notre campagne pour le changement au Rwanda en 2017.
Je voudrais également prendre ce moment pour saluer tous les Rwandais partout où ils se trouvent, et aussi tous les amis du Rwanda qui militent pour qu’un changement s’opère au Rwanda en 2017, la seule et unique voie pour une paix durable et une vraie réconciliation du peuple rwandais, une réconciliation entre Rwandais, mais aussi avec les peuples de la région des Grands Lacs.
Amahoriwacu2017 est un mouvement de campagne pour le changement au Rwanda qui a pris naissance à Londres durant l’été 2015. Nous ne sommes pas un parti politique, et notre campagne vise un échéancier précis, celui de 2017, année durant laquelle prend fin le dernier mandat présidentiel du président Kagame. Notre message et nos objectifs sont clairs :
- Il doit y avoir un changement au Rwanda en 2017, et ce changement doit venir des Rwandais eux-mêmes en reprenant en main leurs droits de citoyens pour se choisir démocratiquement des dirigeants. C’est la première étape pour eux pour contribuer à la gestion de leur pays.
- Le monde doit cesser de penser qu’au Rwanda, un seul homme est capable de penser et décider de l’avenir d’un pays et de son peuple.
- Le peuple rwandais ne peut plus accepter de vivre sous la peur qui a tant duré ;
- Le peuple rwandais ne peut plus accepter de vivre sous un système oppresseur qui brime ses droits les plus élémentaires, dont celui à la vie, à la propriété (un droit pourtant acquis lors de l’avènement de la république),
- Le peuple rwandais ne peut plus vivre sous un système construit sur un mensonge étatique. Le président Kagame et son parti FPR doivent comprendre que passé 2017, ils n’auront aucun droit de continuer de régner sur le Rwanda comme s’ils géraient une société privée, Le Rwanda Inc, comme ils l’ont eux-mêmes défini.
Le Rwanda est un pays, et il appartient à son peuple dans son entièreté, Twa, Tutsi et Hutu, et non à un groupe d’individus et leurs familles, leurs amis et ceux qui roulent pour leurs intérêts.
JN : Comment est née cette initiative ?
F.U.: Ce mouvement est une initiative de certains jeunes rwandais épris de paix et de défense des droits de l’homme et ayant à cœur l’importance du bien-être social et d’une paix durable dans la région des Grands Lacs d’Afrique. Après avoir vu et analysé la situation dans laquelle vivent les Rwandais, mais surtout après avoir vu les manœuvres par lesquelles le président Kagame, son parti le FPR et son gouvernement planifiaient de forcer la main de la population rwandaise afin de procéder au changement de la constitution et de permettre à Kagame de devenir président à vie après 22 ans d’un pouvoir autoritaire et dictatorial, ces jeunes ont pris la décision de commencer une campagne contre ces manœuvres anti-démocratiques et de dire aux Rwandais et au monde entier que le moment est venu pour le Rwanda de commencer une nouvelle page de son histoire.
Une chose est sûre : le changement au Rwanda signifie le changement dans la région. Depuis les 22 années du pouvoir de Kagame et du FPR au Rwanda, les Rwandais et les peuples des pays voisins vivent l’agonie. Les Rwandais sont morts en grand nombre et ne cessent de mourir sous les balles et torture du pouvoir censé les protéger. Ils n’ont pas le droit de critiquer les mauvaises pratiques ou politiques mises en place par le gouvernement, ils n’ont pas droit au rassemblement et ne peuvent pas s’exprimer librement. Au Congo voisin, les Congolais sont morts par millions sous les balles de l’armée rwandaise et leurs richesses sont pillées sans cesse par des groupes armés et autres bandits roulant pour les intérêts de Kagames et ses acolytes, tandis qu’au Burundi des actes de terrorismes et de déstabilisation du pouvoir sont commis par des groupes soutenus et formés militairement par le Rwanda. Kagame en personne ose s’ingérer publiquement dans les affaires internes burundaises et même tanzaniennes. Tout ceci a comme résultats tensions et insécurité pour la région dans son entièreté.
JN : Quelle est votre plus-value par rapport aux autres organisations de la société civile rwandaise ?
F.U.: La société civile rwandaise a fait beaucoup ces dernières 22 années pour sonner l’alarme quant aux abus du pouvoir du Rwanda et aider à ce qu’il y ait du changement et nous saluons leur travail. Notre mouvement arrive à un moment critique et important dans l’histoire de notre pays, et nous les rejoignons pour donner un coup de pouce et aider à porter plus loin ce combat pour un avenir meilleur de notre peuple. Nous avons besoin du soutien de tout le monde pour réussir notre campagne. Nous pensons sincèrement que pour y arriver il nous faut rallier toutes les forces vives derrière un même objectif, et porter le même message pour le changement. C’est pourquoi nous avons commencé dès le début de notre initiative à rallier les autres concernés de la région, les Congolais, les Burundais et même les Ougandais, à cette cause pour le changement tant attendu par nos peuples, car ce qui nous unit en tant que peuples est beaucoup plus grand et plus important.
Nous voulons aussi mobiliser la jeunesse non seulement rwandaise, mais aussi du monde entier conscient du bien-être social et de l’importance de la défense des droits de l’homme. Le Rwanda reçoit 40% de son budget annuel de l’aide des pays occidentaux. Nous trouvons qu’il est très important de dire haut et fort aux payeurs de taxes des pays donateurs que leur propre argent est donné sur un plateau d’argent à un pouvoir qui opprime son peuple. Leur dire que leur argent n’est pas utilisé pour développer le pays, éradiquer la famine ou pour le développement humain, mais plutôt investi dans l’armement, dans des programmes et systèmes de contrôle et d’oppression des Rwandais par le régime, mais aussi dans des opérations d’assassinat et d’intimidation des opposants du pouvoir tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Nous voulons leur montrer le vrai visage du régime rwandais et du président Kagame qui est totalement et réellement le contraire de ce que ses puissants amis véhiculent dans la plupart des médias occidentaux.
JN : Le 21 mai dernier, vous avez organisé une manifestation et une conférence à Montréal, quel en a été le bilan ?
F.U.: C’est un bilan positif, car nous avons atteint notre objectif de lancement officiel de notre campagne malgré l’intimidation des « intore » (partisans du FPR) que Kigali avait mobilisées pour venir empêcher la tenue de notre activité. Nous leur avons tenu tête et sincèrement, nous voyons actuellement combien depuis le lancement de la campagne, beaucoup de gens s’intéressent de plus en plus à notre mouvement. N’oublions pas que quelques jours avant la tenue de l’évènement, ils ont tout fait pour nous intimider et salir notre réputation dans les médias sociaux et même les médias de Kigali, en nous traitant de négationnistes génocidaires, la même chanson qu’ils utilisent contre toute personne qui ose critiquer ouvertement le pouvoir de Kigali. Ceci me permet aussi de dire que la tenue de cette activité nous a dévoilé une fois de plus combien le pouvoir rwandais est rongé par la peur. La peur d’être dénoncée, la peur de perdre le contrôle du message mensonger qu’il véhicule depuis 22 ans. Ces milices intore, déployées dans différents pays et opérant au sein de certaines organisations de la diaspora rwandaise et autres, sont payées pour intimider leurs compatriotes rwandais, et ce sans être inquiétés. Cela aussi doit cesser.
Le 21 mai nous avons lancé officiellement le début d’une révolution pour le changement, laquelle porte une couleur verte, une couleur dont les vertus sont la tolérance, la patience, la compréhension et la paix. La révolution verte est en marche.
JN : Quelles sont les prochaines étapes dans la mobilisation
F.U.: Le train pour le changement est déjà sur les rails. La station d’embarquement était Montréal le 21 mai dernier, et il se rend maintenant dans d’autres villes du monde à commencer par les villes européennes, dont Bruxelles, Londres, Amsterdam et autres, la prochaine station d’arrêt étant Bruxelles. J’appelle donc tous ceux qui soutiennent ce projet de changement pour une paix durable et qui se trouvent sur le continent européen à commencer à se préparer pour le prochain évènement, car le train de la paix approche et la date de Bruxelles leur sera communiquée très bientôt.
JN : Comment envisagez-vous 2017 pratiquement ?
F.U.: Nous envisageons qu’en 2017, notre campagne sera opérationnelle au Rwanda, car c’est bien là que le changement doit s’opérer. Nous savons et sommes conscients que cela ne va pas être facile, mais c’est faisable.
JN : Êtes-vous convaincus que les Rwandais du Rwanda pourront descendre dans les rues pour réclamer la fin de la dictature du FPR ?
F.U.: À voir comment les choses évoluent actuellement au Rwanda et même selon même nos contacts sur place, oui nous sommes convaincus qu’ils descendront dans les rues et en grand nombre. Vous avez vous-même réalisé combien ces derniers temps beaucoup de Rwandais sur place n’ont plus peur d’exprimer leur frustration dans les médias locaux ou étrangers. Cela est un signal fort qu’ils n’en peuvent plus de l’oppression.
JN : Si tel est le cas comment voyez-vous le déroulement des évènements ?
F.U.: Il n’est jamais facile de descendre dans les rues pour se battre contre un pouvoir oppresseur. Le pouvoir va tout faire pour réprimer toute activité de soulèvement populaire, il y aura probablement pertes de vies humaines et emprisonnements. Parmi ceux qui vont aller dans les rues, certains vont probablement perdre leur emploi, ceux qui seront étudiants seront probablement chassés de leurs écoles et universités, et ainsi de suite. Mais il ne faut jamais oublier que cela fait partie des risques d’une révolution de libération face à un pouvoir criminel et oppresseur. C’est pourquoi nous appelons tous nos compatriotes Rwandais vivant à l’étranger à soutenir toutes les personnes, familles, jeunes qui viendront à se retrouver dans ces situations difficiles.
Ce n’est qu’en unissant nos forces contre le mal que nous pouvons le vaincre et bâtir un pays, une nation libre et prospère dans une paix durable, et un état basé sur des institutions fortes, qui protège et défend les intérêts de tous sans exception.
JN : Où souhaitez-vous être en été 2017 ?
F.U.: Comme indiqué, nous souhaitons que notre mouvement de campagne soit au Rwanda à ce moment-là et opérationnel dans tout le pays, car c’est cela notre objectif final.
Je terminerai en demandant à tous ceux qui veulent soutenir notre action de visiter notre site web www.amahoriwacu.org, de nous écrire à info@amahoriwacu.org et de nous suivre sur Twitter @amahoriwacu2017 et sur notre page Facebook https://www.facebook.com/peaceathome.
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