La famine qui sévit depuis quelque temps dans plusieurs régions du Rwanda n’en finit pas avec son lot de tribulations, dont notamment des manifestations qui dans certains cas se transforment en émeutes. Ces émeutes témoignent de l’intense frustration ressentie par une majorité de la population qui, face à une agriculture en crise, conjuguée avec l’envolée des prix des denrées alimentaires sur les marchés, est à bout de souffle.
Loué pour ses réussites économiques, le Rwanda fait actuellement face à une crise alimentaire sans précédent depuis plusieurs décennies, et qui touche une partie non négligeable de la population, même si les autorités tentent tant bien que mal de minimiser les faits, en parlant d’une crise mineure, voire isolée. Néanmoins il est prouvé que l’explosion des prix des denrées alimentaires générée par une agriculture en crise met les paysans de nombreuses régions du pays dans une situation insoutenable, au point que ces derniers sont contraints de descendre dans les rues pour exprimer leur détresse. Dans un pays dirigé par un régime répressif, intransigeant contre toute forme de contestation, les manifestations de la faim sont une première et témoignent de la gravité de la situation.
En effet, il y a quelques semaines un journal de la diaspora rwandaise de Belgique rapportait sur les émeutes qui se sont déroulées dans le district de Gatsibo à l’est du Rwanda où la population, acculée par la famine, s’est rendue en masse au siège du district pour réclamer à manger. Au pied du mur, le responsable du district, Joseph Munyaburanga, s’est sauvé in extrémis, échappant de justesse aux échauffourées qui opposaient manifestants de la faim et services de l’ordre. Ces derniers tentaient d’empêcher les contestataires de rejoindre le siège du district et de s’y rassembler. Certains avaient marché plus de 40km pour arriver sur les lieux, et beaucoup sont restés sur place durant plusieurs jours.
Face à la détermination de la population du district de Gatsibo qui ne voulait pas regagner leurs domiciles le ventre vide, les autorités locales ont été contraintes, en dernier recours, d’organiser une distribution de haricots, jugée insignifiante par les personnes présentes. Le sentiment de frustration est d’autant plus fort chez ces paysans, qui accusent l’Etat d’être à l’origine de la famine en cours dans le pays par l’imposition de la monoculture. Les paysans récusent ainsi les explications données par les autorités rwandaises pour expliquer le drame qui touche le pays. Les autorités parlent en effet de simples conditions climatiques défavorables pour expliquer la crise alimentaire. Pour autant, « dans le passé on a connu des épisodes de sécheresse liées à la pénurie de précipitations, malgré cela on n’était pas trop affectés par la famine car on avait toujours des provisions de manioc, patates douces, arachides et autres, qui nous permettaient de tenir. C’est la première fois qu’on est plongé dans une situation de famine au point de demander de l’aide », explique un paysan du district de Gatsibo au journal The Rwandan.
Cette partie du pays fait partie des régions les plus touchées par la famine. A bout, les paysans n’ont pas d’autre choix que d’arracher les feuilles d’arbres pour se nourrir.
Les paysans de Gatsibo et ceux des autres régions du pays fortement touchées par la famine, comme Kayonza (Est) et Nyagatare (Nord), accusent le gouvernement de les affamer délibérément à travers leur politique alimentaire, à savoir l’imposition de la monoculture, la confiscation des vallées, le développement de la culture en terrasses.
« On impose des monocultures de café, de thé ou de maïs alors que le paysan a précisément besoin de diversifier ses cultures pour limiter ses risques et pouvoir se nourrir », souligne An Ansoms, chargée de cours à l’Université catholique de Louvain (Belgique), qui a mené en 2011 une enquête dans six villages rwandais. « Le Rwanda réussit à vendre à l’étranger une image et des réalisations qui séduisent les bailleurs de fonds. (…) Avec priorité sur la ‘vitrine’ de Kigali: avenues élargies et propres, feux de signalisation avec décompte, immeubles flambant neufs, publicités géantes. (…)Les campagnes, elles, restent à la traîne. (…) Le sentiment de frustration grandit sur les collines », déclare un autre spécialiste, dans un article intitulé « Le Rwanda, pays du miracle en trompe-l’œil », du journal suisse « Le Temps ».
Les manifestants de la faim de la région de Gatsibo somment donc le gouvernement de reconnaitre que leur région est en état de famine générale. L’Etat doit apporter une aide d’urgence à tout le monde sans distinction. Parce que la famine touche le paysan, l’éleveur, mais aussi l’enseignant et le commerçant. Enfin, la population dénonce aussi les taxes exorbitantes qui pèsent de plus en plus sur le porte-monnaie. Comme Jambonews l’a souligné dans un article précédent publié en août 2016 et intitulé » Rwanda : la famine ravage plusieurs régions », le drame touche plusieurs régions du Rwanda… Et il a déjà provoqué une importante vague d’émigration, notamment vers l’Ouganda.
Jean Mitari
www.jambonews.net
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