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Rwanda : une nouvelle rébellion revendique les attaques au sud du pays

Rwanda : une nouvelle rébellion revendique les attaques au sud du pays

Ce dimanche 15  juillet  2018, le Mouvement rwandais pour le changement  démocratique (MRCD), a revendiqué les incursions armées qui se commettent depuis un mois au sud du Rwanda à la frontière avec le Burundi. Même si dans un discours du 13 juillet 2018, le général-major Paul Kagame a affirmé que le Rwanda était prêt à affronter toute personne qui lui déclarerait la guerre, le lieutenant-colonel Munyengango, porte-parole de l’armée, minimise la menace et qualifie les assaillants de « simples bandits ». Dans son article pour le journal belge Le Soir, Colette Braeckman semble plus alarmiste et suggère le prélude d’une  nouvelle guerre régionale en évoquant notamment un possible soutien de l’Ouganda, du Burundi et de la RDC à ces infiltrations armées au point que, comparant le Rwanda à Israël, « des officiels [rwandais] n’hésitent pas à évoquer la guerre du Kippour… »[1].  L’armée burundaise dément pour sa part les informations et affirme  « qu’aucun mouvement, ni trace d’éléments armés n’ont été constatés par les unités de la FNDB déployées sur la frontière du Burundi avec le Rwanda ».  Retour sur la chronologie des événements.

      – 04 juillet 2017 : Création du MRCD
Le  4 juillet 2017, alors que le FPR célèbre la 23ème année de sa prise du pouvoir, le CNRD-Ubwiyunge (Conseil National pour le Renouveau et la Démocratie) et le PDR-Ihumure (Parti pour la Démocratie au Rwanda) annoncent la création d’une nouvelle plateforme, le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD).
Le CNRD est une rébellion rwandaise née d’une scission des FDLR et présidée par Wilson Irategaka. Il est essentiellement composé de jeunes rebelles Hutu qui, bien qu’ayant les mêmes revendications que les FDLR, à savoir un retour au Rwanda dans la dignité et un dialogue politique avec Kigali, divergent sur la stratégie à adopter pour atteindre cet objectif.
Le PDR-Ihumure est un parti politique rwandais opérant en exil et présidé par Paul Rusesabagina,  le héros du film Hôtel Rwanda qui en plein génocide réussit à sauver la vie des 1268 personnes qui s’étaient réfugiées à l’hôtel des Milles collines dont il assurait la gestion.
La nouvelle plateforme se donne pour objectifs de :

  • Combattre la dictature du Front patriotique rwandais et son président, Paul Kagame, pour un changement démocratique;
  • Réconcilier le peuple rwandais meurtri par la guerre de 1990-1994 qui a conduit au génocide et autres crimes contre l’humanité;
  • Résoudre définitivement le problème récurrent des réfugiés rwandais;
  • Instaurer un état de droit avec une vraie démocratie pluraliste;
  • Promouvoir un développement national basé sur les aspirations légitimes du Peuple rwandais ;
  • Développer une politique de bon voisinage et de coopération régionale et internationale basée sur les intérêts mutuels.

    Paul Rusesabagina décoré par le Georges W. Bush

      – 27 octobre 2017 : création du MRR
Le 27 octobre 2017 est annoncée, à Londres, la création du Mouvement révolutionnaire rwandais (MRR).
Notamment créé par des dissidents du RNC, le MRR est présidé par  Callixte Nsabimana, alias « Sankara », un jeune rescapé du génocidedes Tutsis dans lequel il a notamment perdu son petit frère. Au Rwanda, il s’était particulièrement distingué lors de ses études universitaires en défendant à plusieurs reprises les intérêts et droits des étudiants, ce qui lui avait valu le surnom de « Sankara ». Progressivement devenu gênant pour les autorités rwandaises, auxquelles il s’opposait régulièrement dans l’intérêt des étudiants et qui devenaient de plus en plus menaçantes, il a été contraint de prendre le chemin de l’exil et s’est réfugié en Afrique du Sud.
A la fin du mois de mars 2018, dans une interview accordée à la radio « Ubumwe » (uniquement en kinyarwanda) animée par Esperance Mukashema, il avait appelé la jeunesse du Rwanda à se lever face au FPR et à réclamer le respect de ses droits et avait expliqué l’essence de son combat.
Le porte-parole du mouvement est Noble Marara, un ancien garde du corps de Paul Kagame, devenu farouche opposant du régime de Kigali. Dans son livre « Derrière les rideaux de la présidence » publié en kinyarwanda et en anglais, il relate une face particulièrement sombre et « largement inconnue » du chef d’Etat qu’il a étroitement côtoyé durant 8 ans.

      –  31 octobre 2017 : évasion de Cassien Ntamuhanga
Le 31 octobre 2017, Cassien Ntamuhanga, ancien animateur de la radio catholique « Amazing grace », activiste de la réconciliation et co-accusé de l’artiste Kizito Mihigo, s’échappe de la prison de Mpanga à Nyanza. Cette évasion  spectaculaire sera plus tard revendiquée par le MRR.

      – 10-11 mars 2018 : Noble Marara menacé (à nouveau) en Grande-Bretagne
Durant le week-end des 10 et 11 mars 2018, la police britannique s’est rendue au domicile de Noble Marara pour le prévenir de nouvelles menaces pesant sur sa vie et étudier les mesures nécessaires à sa protection.
L’intéressé a relaté à RFI le déroulement des faits et les raisons qui seraient derrière ces nouvelles menaces sur sa personne : « Ils sont venus chez moi samedi vers 9h du soir. Ils m’ont dit que le gouvernement rwandais projetait de m’éliminer et que je n’étais pas en sécurité. Ils m’ont dit qu’ils cherchaient à maîtriser ceux qui voulaient me faire du mal et qu’ils voulaient voir avec moi comment me mettre en sécurité.

Il y a plusieurs raisons qui sont, je pense, à l’origine de cette menace, mais je crois que la traduction de mon livre pèse plus que tout ce que j’ai pu faire avant. Nous sommes environ douze millions de Rwandais, deux millions vivent dans le luxe, et croient savoir alors qu’ils ne savent rien, et les autres,  la majorité, ne peut être touchée qu’en langue locale… Or ce livre va derrière le rideau présidentiel, dans les coulisses de la présidence, et c’est pour ça qu’il donne du fil à retordre au gouvernement. Ce livre va parler à l’esprit des Rwandais parce qu’il est écrit dans notre langue locale. Ne me demandez pas comment mais on est train de faire des efforts pour qu’il puisse atteindre chaque Rwandais. »[2]

      – 18 mars 2018, le MRR rejoint le MRCD

     Le 15 mai 2018 : Herman Nsengimana rejoint le MRCD
Herman Nsengimana, qui vivait jusque-là au Rwanda, apparaît lourdement armé dans une vidéo publiée sur la platforme Youtube et annonce son ralliement au MRCD. Rescapé du génocide et frère de Gérard Niyomugabo, il explique dans cette vidéo ce qui l’a motivé à rejoindre ce mouvement.
Gérard Niyomugabo, un ami de Kizito Mihigo, est également un activiste de la réconciliation nationale qu’il prêchait régulièrement dans ses émissions. En 2014,  durant la même période que celle de l’arrestation de Kizito Mihigo et Cassien Ntamuhanga, et alors qu’il s’apprêtait à publier un livre sur les problèmes auxquels fait face le Rwanda, il a été kidnappé et n’est plus réapparu depuis. Selon son frère, il a été assassiné par les autorités rwandaises.

Dans cette vidéo publiée sur Youtube il explique, à travers notamment des exemples des persécutions dont lui-même et plusieurs membres de sa famille ont été victimes, l’injustice qui selon lui se commet au Rwanda, et face à laquelle « il ne pouvait pas rester assis les bras croisés ».

      – Mai 2018 : menace contre Rusesabagina en Israël
Paul Rusesabagina explique que le 28 mai 2018, alors qu’il s’apprêtait à tenir une conférence à l’Université de Tel Aviv, il a reçu un appel de la police israélienne l’informant qu’elle était en possession d’informations selon lesquelles sa vie était menacée. Yediot Aharonot, le principal quotidien israélien rapporte que la conférence aura finalement lieu sous haute sécurité, en présence de l’ambassadeur du Rwanda en Israël qui était accompagné de plusieurs jeunes africains dont certains seraient originaires du Kenya. Les échanges auront lieu dans un climat tendu, l’ambassadeur et plusieurs membres du groupe l’accompagnant essayant à plusieurs reprises de discréditer Paul Rusesabagina en le qualifiant notamment de « négationniste ».
      10 juin 2018 : attaque d’une patrouille rwandaise dans le Bugarama
Durant la nuit du 10 au 11 juin 2018, une patrouille de militaires rwandais (RDF) est attaquée dans la région de Bugarama, district  de Rusizi à proximité du Sud-Kivu (RDC). Le journal The Rwandan annonce dans la foulée que cette attaque pourrait être l’œuvre du CNRD-Ubwiyunge

      19 juin 2018 : deuxième  attaque
Le 19 juin 2018, une deuxième attaque a lieu dans la zone de Nyabimata, district de Nyaruguru à proximité de la frontière burundaise. Deux civils sont tués, la voiture du secrétaire exécutif de la zone de Nyabimata est brulée et les assaillants attaquent  l’antenne locale de l’agence bancaire du gouvernement appelée « Umurenge SACCO ».

      04 juillet 2018 : combats dans la forêt de Nyungwe
Le 4 juillet 2018, de violents combats ont lieu dans la forêt de Nyungwe, tout près du district de Nyaruguru. Le journal The Rwandan affirme avoir été informé par une source au sein des autorités rwandaises de la stratégie adoptée par ces dernières, à savoir garder le silence sur ces attaques.

      8 juillet 2018 : le colonel Muhizi avertit la population
Le 8 juillet 2018, l’armée et la police du district de Rubavu dans la province de l’Ouest convoquent une réunion de la population. Le colonel Muhizi appelle la population à ne pas collaborer avec les assaillants et à les dénoncer aux autorités et se montre menaçant envers quiconque se hasarderait à héberger des membres de la rébellion : «(…) On ne veut rien qui puisse nous mettre en conflit avec la population, on ne veut pas devoir venir chercher les gens qui se cachent dans les maisons hébergées par les paysans (…) car quand tu acceptes d’héberger l’ennemi, tu acceptes que ton domicile soit un des sièges de la lutte armée n’est-ce pas ? (…) Ce sont des choses qu’on connait, qu’on a déjà traversées en 1994,  en 1997 lors de la guerre des abacengezi, à chaque fois qu’un paysan hébergeait un ennemi, il subissait le même sort que lui ».
Plusieurs membres de la population ayant assisté à la rencontre ont réagi au discours et affirmé avoir retenu « la leçon » de la guerre des abacengezi qui fut particulièrement meurtrière pour la population,  les autorités rwandaises allant parfois jusqu’à raser des collines entières lorsque des habitants étaient soupçonnés d’avoir hébergé des assaillants.  L’un des citoyens ayant assisté à la réunion a ainsi déclaré à la Voix de l’Amérique : « Au vu ce qu’on a traversé en 1997, en 1998 dans cette région aucun paysan ne peut souhaiter que ce qu’on a connu se reproduise. »

      – 10 juillet 2018 : de jeunes assaillants aperçus dans la zone de Kitabi
Le 10 juillet 2018, de jeunes rebelles sont aperçus dans la zone de Kitabi  dans le disctrict de Nyamagabe. Selon plusieurs sources en provenance du Rwanda, l’armée rwandaise aurait déployé les forces spéciales en direction de Kitabi pour les combattre.

      13 juillet 2018 : l’armée burundaise dément les informations
Dans un communiqué de presse du 10 juillet 2018 mais publié le 13 juillet 2018 sur son compte twitter, la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) a réagi aux informations faisant état de « l’existence d’éléments armés qui attaqueraient le Rwanda à partir du Burundi et qui, après leur forfait se replieraient sur le sol burundais ».
L’armé burundaise dément ces informations et affirme « qu’aucun mouvement, ni trace d’éléments armés n’ont été constatés par les unités de la FNDB déployées sur la frontière du Burundi avec le Rwanda.  »

      – 13 juillet 2013 : Paul Kagame réagit et se dit prêt à la guerre s’il y est contraint
Le même jour, dans un discours prononcé à l’occasion de la promotion de 180 nouveaux officiers, Paul Kagame a implicitement réagi à la situation en déclarant que Kigali était prête à la guerre si elle y était contrainte : « Vous avez été préparés à résister dans des circonstances exceptionnelles (il s’agit d’entrer en guerre), le Rwanda ne le souhaite pas mais est prêt à affronter, s’il y est contraint. L’armée est formée pour la guerre mais n’est pas formée pour déclencher la guerre, elle ne souhaite pas la guerre mais est là pour affronter toute personne qui la déclencherait. Quand les autres nous voient comme un problème et nous déclarent la guerre alors nous utiliserons notre conscience, volonté, entrainement et connaissance pour en venir à bout comme il faut. »
Le lieutenant-colonel Innocent Munyengango minimise pour sa part la situation et compare les assaillants à des « bandits » : « Ce n’est pas avec ces provocations que l’armée rwandaise peut entrer en guerre mais ces gens sont des bandits. Il s’agit de petits problèmes habituels concernant les bandits qui viennent voler, d’où qu’ils viennent et quels que soient leurs objectifs nous promettons aux Rwandais qu’ils le sauront, s’il s’agit d’un groupe de malfaiteurs alors il sera puni. »

      – 15 juillet 2018 : le MRCD revendique les incursions armées au Rwanda
Le 15 Juillet 2018, par un communiqué de presse, le MRCD annonce la création d’une force armée dénommée Forces de libération nationale (FNL)  dont la mission est de mettre un terme sans délai « au pouvoir dictatorial FPR-Kagame en utilisant tous les moyens possibles, y compris la lutte armée ». Le porte-parole des FLN, le major Callixte Sankara revendique par la même occasion les attaques menées à Cyangugu, Nyamagabe, Nyaruguru, Bugesera et Huye.

      – 16 juillet 2018 : interview de Sankara sur les ondes de la BBC
Le 16 Juillet 2018, dans l’interview accordée à la radio BBC Gahuza le porte-parole de la FNL Callixte Sankara, affirme que c’est son armée qui mène les opérations militaires  dans le sud du Rwanda contre l’armée rwandaise et indique que  cela va faire un mois que ces combats ont lieu. Il affirme que les rebelles se trouvent dans plusieurs endroits au Rwanda mais essentiellement dans les districts de Nyaruguru et de Nyamagabe, plus précisément dans la forêt de Nyungwe.

A la question de savoir s’ils ont attaqué en provenance du Burundi comme le déclare le Rwanda, il dément catégoriquement et affirme que parmi les rebelles se trouvent des récents déserteurs de l’armée gouvernementale rwandaise (RDF) et de la police, lesquels, suite aux mauvais traitements que Paul Kagame fait subir à la population, se sont organisés pour se défendre. Il termine son interview en expliquant que l’objectif de leur mouvement, qui est composé de toutes les ethnies du Rwanda, est de libérer le Rwanda dans l’intérêt de l’ensemble des Rwandais.

Le même jour, sur les ondes de la Voix de l’Amérique Kinyarwanda (VOA), le nouveau commandant de l’armée rwandaise dans la zone de Nyaruguru, le lieutenant-colonel Nyirihirwe, a confirmé qu’il y avait eu deux attaques armées  dans cette zone. Il a voulu se montrer rassurant et a regretté qu’une partie de la population ait aidé les rebelles en leur fournissant de la logistique et des renseignements. Il les a mis en garde en indiquant qu’ils seront traités comme des assaillants également. Il a déclaré à la population que ces assaillants sont des « vauriens », infectés par des puce-chiques » et « qui ne pourront rien apporter à la population ».

Sur les mêmes ondes de VOA, Callixte Sankara a dénoncé la « stratégie du DMI », le service de renseignement militaire rwandais qui consisterait « à tuer la population à la machette pendant la nuit pour attribuer ces forfaits  au MRCD dans le but de soulever la population contre la rébellion ».

Constance Mutimukeye, Ruhumuza Mbonyumutwa et Grégoire Karekezi

Jambonews.net

[1] « Rwanda : le président Kagame est sur le qui-vive » , Le Soir du 17 juillet 2018.
[2] « Un ancien garde du corps de Paul Kagame menacé en Grande-Bretagne », RFI du 14 mars 2018.

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