La République Démocratique du Congo (RDC) est véritablement un scandale hydrologique. Son fleuve mesurant 4700 km de longueur, est après le Nil le deuxième fleuve le plus long d’Afrique, ou encore le premier fleuve d’Afrique le plus important par son débit et le deuxième au monde après l’Amazone. Il mesure un débit de 50 000 m3/seconde, avec un vaste bassin de 3,80 millions de km². Et ce sans compter ses milliers de rivières et ses dizaines de lacs au potentiel économique tout aussi important. La RDC dispose, en plus, de nappes phréatiques facilement exploitables que l’on trouve dans les alluvions et les calcaires (Mova S., 2008)[1].
Cependant, elle connaît de sérieuses difficultés pour alimenter sa population en eau de qualité. En effet, seulement 26,9 % des congolais ont accès à l’eau potable en 2008 contre 30 % en 1995 et 80 % en 1980. De plus, le pays est classé 46ème sur 53 pays quant à l’accessibilité de l’eau potable en Afrique et un congolais consomme en moyenne 10 à 20 litres d’eau par jour alors qu’un américain en consomme 700 litres et un japonais 500 litres.
Plusieurs facteurs expliquent cette régression sans pareille dans l’offre des services d’eau à savoir : l’explosion démographique et ses corollaires ; une urbanisation galopante et hors de tout contrôle étatique ; le bas niveau d’investissement aussi bien dans les infrastructures que dans les réformes inhérentes au secteur d’eau et tant d’autres.
Ainsi, depuis le début de l’an 2000, la RDC s’est-elle engagée, dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), à améliorer de façon durable les conditions d’accès à l’eau potable salubre avec pour objectif quantitatif de faire passer le taux de desserte en eau potable de 26,9 % en 2008 à 49 % en 2015 (initialement prévu à 71 %).
Sur deux ans d’échéance tous les scenarii, même les plus optimistes, portent à croire que le pays est loin d’atteindre l’objectif qu’il s’est assigné. Ainsi, ces lignes tentent-elles d’identifier quelques mesures pouvant aider le Gouvernement de la RDC à étendre, un tant soit peu, l’accès à l’eau potable salubre à la population congolaise.
Deux points centraux nous permettront d’éluder la question des solutions propices à ces problèmes hydriques. Le premier s’attache à faire un rapide état des lieux de la desserte en eau potable en RDC grâce à quelques statistiques et résultats d’enquêtes disponibles. Le second tente d’avancer quelques mesures -non exhaustives- qui peuvent être prises par le principal acteur du secteur d’eau à savoir le Gouvernement Congolais dans le but de rendre l’accès à l’eau potable universelle.
État des lieux
En dépit de l’absence de données fiables et pertinentes susceptibles d’éclairer les décisions du Gouvernement et rendre efficace ses interventions dans le secteur de l’eau ; les rares données statistiques disponibles provenant essentiellement des Rapports-pays des partenaires extérieurs de la RDC (PNUE, PNUD, Banque Mondiale, OMS, UNICEF, etc.) et des résultats d’enquêtes (EDS, MICS, 1-2-3, etc.) font ressortir les points forts ci-après :
- Le taux de desserte en eau potable est très faible. Il s’élève à 26,8 % en 2008 contre une moyenne continentale qui se situe à 58 % pour la même année.
- Ces chiffres cachent des inégalités dans la distribution d’eau potable ; 91,6 % dans les villes contre 57,3 % dans les cités ; 31,1 % en milieu rural.
- Moins de 1 % des surfaces (cultivées) sont qu’il est un fait que près de 70 % de la population congolaise vit dans le milieu rural et dépend largement de l’agriculture laquelle contribue à près de 50 % dans la formation du PIB et identifiée comme un instrument de lutte contre la pauvreté en milieu rural par l’amélioration de la productivité agricole et du revenu de la population.
- Près de 10 % de la population rurale se trouve forcée de recourir aux eaux de surface avec toutes les conséquences que cela entraîne et ce suite à une détérioration rapide des points ruraux soit au moins un sur deux.
- Le secteur congolais d’eau est marqué par un profond déséquilibre entre une offre d’eau qui s’atrophie de plus en plus face à une demande d’eau (domestique, rurale et industrielle) dynamique. Cela est attesté par le fait que sur la période 2007-2009, l’accès à l’eau potable a été étendu uniquement à 0,6 % de la population congolaise alors que celle-ci a connu une croissance démographique cumulée de 9 % sur la même période.
- La sous-tarification de l’eau entraîne un fardeau économique d’au moins 0,4 % du PIB. Cette situation affaiblit financièrement la REGIDESO et partant, contribue à freiner l’élan de l’extension du service à la partie de la population non desservie par l’entreprise.
- Les déficiences opérationnelles des services publics de l’eau y compris la sous-perception des recettes, les pertes dans la distribution et l’inefficacité dans l’organisation du travail coûte annuellement à la RDC un fardeau économique équivalent à 1 % de son PIB. Ces inefficacités entravent également l’extension des services. Non seulement, elles accaparent l’argent public, elles nuisent sérieusement aux performances des services publics (Banque Mondiale, 2010)[2]
- Les dépenses publiques touchant à l’eau, l’hygiène et l’assainissement sont très marginales environ 1 dollar US par habitant équivalant à 0,6 % du PIB ou 2,3 % de l’ensemble des dépenses publiques pour la période 2007-2009. Ce qui contraste, à bien d’égards, avec l’objectif d’amélioration de desserte en eau potable. Par contre, les ménages congolais dépensent annuellement environ 6 dollars US par habitant annuellement pour l’acquisition d’eau potable[3].
- La forte incidence de la pauvreté au sein de la population congolaise (71,34 %) constitue un obstacle majeur à l’accessibilité des ménages pauvres à l’eau potable non gratuite.
Que faire ?
La simple lecture des statistiques ci-haut présentées renseigne que la situation de l’accès à l’eau potable en RDC est dérisoire et complexe contrastant avec les immenses potentialités hydrologiques dont elle dispose.
Cependant, bien que l’objectif soit de fournir un accès universel à l’eau courante, celui-ci, note la banque Mondiale (2010)[4], n’est pas toujours réalisable ni abordable à court terme. Ainsi, les solutions à envisager devraient-elles prendre en compte : la situation socio- économique de la RDC caractérisée par des moyens financiers modestes, une population en constante augmentation et en majorité rurale, une démographie et une urbanisation galopantes. Les différents acteurs intervenant dans le secteur congolais de l’eau à savoir : le gouvernement, la REGIDESO, les partenaires extérieurs (Bailleurs et ONG) et enfin les ménages congolais dans une logique de gestion intégrée des ressources en eau. Ainsi, le gouvernement congolais de par son rôle monopolistique dans ce secteur peut envisager de prendre ces quelques mesures pour pallier à ces problèmes :
- accélérer l’adoption et la vulgarisation du code de l’eau[5] ;
- 2. la mise en place des réformes institutionnelles des cadres législatifs et réglementaires pour accorder plus de place à l’initiative. En effet, elle s’est révélée à bien d’égard un instrument efficace pour l’amélioration de l’efficacité opérationnelle du secteur ;
- augmenter le volume (et l’efficacité) des dépenses budgétaires touchant au secteur de l’eau et susceptible de permettre de financer les infrastructures hydrauliques.
- aider la REGIDESO à améliorer par une réforme en profondeur – non une simple transformation en société commerciale- conduisant à une amélioration de la gouvernance intérieure et à un contrôle plus strict de performance en vue de lui permettre d’engranger des revenus perdus suite à une propension croissante de revente de l’eau entre voisins aussi bien dans le milieu urbain, périurbain que rural et relever le défi de recouvrement des coûts, bien sûr, en tenant compte du faible pouvoir d’achat ;
- améliorer les systèmes d’information sur la qualité de l’eau et la production des statistiques sans laquelle aucune planification n’est possible ;
- faire appel au secteur privé dans le cadre d’un partenariat public-privé. Des nombreuses études ont démontré que ce genre de partenariat peut constituer un instrument puissant pour l’amélioration de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise ;
- mettre en place des institutions nationales pour la gestion de l’eau auxquels il faudrait donner les moyens de leur politique ;
- adopter une vision stratégique qui identifie clairement l’importance de l’eau dans la réduction de la pauvreté ;
- une gestion intégrée des ressources en eau qui promeuvent une allocation économiquement efficace de l’eau selon les différents secteurs de l’économie en y incluant les ressources humaines, financières, institutionnelles, humaines ;
- mettre l’accent sur des technologies adoptées et à faibles coûts telles que les bonnes fontaines et les forages tant en milieu rural qu’en milieu périurbain.
L’extension de l’offre des services publics en eau potable peut être fortement améliorée grâce à la mise en œuvre effective de ces quelques mesures.
Benedict konso Mulali
Darly kambamba
Université de Kinshasa
Département d’Economie