De tout temps et en tous lieux, la piété populaire au sein de l’Eglise Catholique s’est intéressée aux phénomènes et faits extraordinaires qui sont souvent liés à des révélations dites « privées », pour les distinguer de la Révélation Publique et Définitive de Jésus Christ. Cependant, même si la Révélation de Jésus est achevée, elle n’est pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles.
C’est dans ce sens que ces révélations dites privées trouvent leur place dans la théologie catholique. Il peut arriver que certaines «apparitions» soient reconnues par l’autorité de l’Eglise. C’est le cas, par exemple, pour les apparitions de Lourdes en France (1858), de Fatima au Portugal (1917), de Banneux en Belgique (1933) , de Betania au Venezuela (1976-1988), d’Akita au Japon (1973-1981) ou encore de Kibeho au Rwanda (1981-1986). En tout on dénombre 16 lieux d’apparitions (principalement mariales) reconnues par l’Eglise. Kibeho reste la seule apparition reconnue d’Afrique. Malgré leur reconnaissance, les apparitions mariales n’appartiennent pas au dépôt de la foi (dogmes de l’Eglise). Aucun chrétien, même catholique, n’est donc tenu d’y croire, il lui est juste demandé de faire preuve de respect envers ceux qui y croient.
De 1981 à 1989, la Vierge Marie, ainsi que le Christ, se sont montrés, à trois adolescentes à Kibeho: Alphonsine Mumureke , Nathalie Mukamazimpaka , Marie Claire Mukangabo. Celles-ci sont actuellement les seules officiellement reconnues par Rome.
Les apparitions de Kibeho sont parmi les apparitions les plus longues et les plus prolifique en terme de messages et de phénomènes surnaturels. Toutefois, probablement à cause de la tragédie qu’a connu le Rwanda, elles demeurent encore mal connues, aussi bien dans le monde qu’au sein de l’Eglise.
“Il était 12h35. J’étais au réfectoire des élèves, je faisais le service de mes compagnes à table. J’étais très heureuse, mais ma joie était mêlée d’une certaine inquiétude. Tout à coup j’entends une voix qui m’appelle … ” c’est ainsi que, selon le témoignage d’Alphonsine Mumureke, débuta la première apparition de le Vierge Marie, le samedi 28 novembre 1981 dans la petite localité de Kibeho au Rwanda.
Ce samedi 28 novembre1981, au collège des lettres de Kibeho, une petite école tenue par des religieuses rwandaises, Alphonsine assurait son service au réfectoire. Ses camarades de classe racontèrent qu’elles l’ont vu se lever soudainement, bras tendus, se diriger vers l’allée centrale du réfectoire et se mettre à genoux, les yeux constamment fixés en l’air, en direction d’un point fixe. Alphonsine explique qu’elle entendit distinctement une voix l’appelant avec tendresse :
- Marie : Mwana (enfant)
- Alphonsine : Karame ( Me Voici)
« Transportée » vers un autre lieu, distinctement éclairé, elle aurait vu un nuage blanc duquel sortie une dame inconnue, très belle, ni blanche ni noire, portant des vêtements blancs, avec sur la tête, une voile blanc qui semblait uni au reste de ses vêtements. Elle dira plus tard : « je ne saurais préciser la couleur de sa peau. Elle était d’une beauté incomparable. » Cette description rappelle celle que Bernadette avait fait de Marie à Lourdes en 1858 : « belle, très belle, plus belle que tout, si belle que quand on l’a vue, il me tarde de mourir pour la revoir ».
Aussitôt un dialogue s’engagea entre Alphonsine et Marie en Kinyarwanda :
- Alphonsine : « Femme, qui es-tu ? »
- Marie : « Ndi Nyina wa Jambo (Je suis la Mère du Verbe) .
Les élèves témoins, interrogées, dirent qu’elles n’entendaient pas les paroles de « l’apparition », par contre elles entendaient Alphonsine.
Elles affirment avoir entendu Alphonsine demander :
- Ni wowe nyina wa Jambo ? : C’est donc toi la Mère du Verbe ?
- Marie : Dans ton existence chrétienne, qu’est-ce que tu tiens le plus en estime ? »
- Alphonsine : j’aime Dieu et sa Mère qui a mis au monde pour nous un rédempteur.
- Marie : « Vraiment !»
- Alphonsine : « Oui c’est bien ainsi ! »
- Marie : S’il en est ainsi, je viens te rassurer, car j’ai exaucé tes prières. Je voudrais que tes compagnes aient la foi, parce qu’elles ne croient pas suffisamment.
- Alphonsine : Mère du Sauveur si c’est vraiment Toi qui viens nous dire qu’ici, dans notre école, nous avons peu de foi, Tu nous aimes. Je suis vraiment comblée de joie que Tu te montres à moi.
Dans sa conversation avec Marie, Alphonsine reste elle-même, pleine de confiance, de naïveté. Elle s’adresse à Marie, se comporte avec elle comme une enfant avec sa mère et même comme une enfant gâtée. Elle aime d’ailleurs s’adresser à Marie en l’appelant « Umubyeyi » ou en français « maman ».
Cette familiarité étonnait, voir choquait beaucoup de gens. Ainsi au cours de l’apparition du 25 juin 1982, Alphonsine demanda à la Vierge Marie si elle ne lui aurait pas manqué de respect en employant l’expression très familière et sentimentale : « Disi we» qu’on pourrait traduire par « Chérie ». Certaines personnes s’étaient offusquées de cette expression envers celle qui est la Mère de Dieu.
Voici ce que Marie a répondit à Alphonsine :
« Quand un enfant est sans reproche devant sa mère, il lui dit tout ce qu’il a dans le cœur. Je ne me comporte pas comme les hommes. Bien que je sois la Mère de Dieu, je suis simple et humble, et je sais me mettre à votre portée, bien mieux que vous ne sauriez le faire . Ainsi, j’aime qui s’amuse avec moi, car pour moi, c’est la plus belle marque de confiance et d’amour. Tous ceux qui ont dit cela ne comprennent pas les mystères de Dieu. Soyez comme des petits enfants avec moi, car moi aussi j’aime vous cajoler. Si j’étais fâchée avec vous, oseriez-vous me parler ainsi ? Plutôt, que chaque mère aime choyer son enfant pour qu’il puisse lui dire tout ce qu’il veut. Il ne faut pas craindre sa mère. »
La tendresse maternelle de la Mère de Dieu est peut-être la note dominante des apparitions de la Vierge Marie à Alphonsine. Marie se révèle comme une mère qui écoute son enfant, la conseille, la corrige. Elle lui aurait un jour dit:
« Avec moi, soyez des enfants. Je suis votre mère. Vous ne devez pas me craindre, mais m’aimer ».
Pourtant le soir du 28 novembre 1981, et les jours qui ont suivi, les élèves et les professeurs, ne parlaient pas d’apparitions mais plutôt de maladie et d’envoûtement par les esprits. La région de Kibungo, dont est originaire Alphonsine, est réputée pour sa croyance aux esprits et en leurs pouvoirs. Cela ne plaidait donc pas en faveur de la jeune fille.
En décembre de la même année, les apparitions se succèdent à intervalles plus ou moins réguliers, presque chaque samedi. Ce genre de phénomène provoquant naturellement du rejet et de la curiosité. Les élèves et professeurs, ne tardèrent pas à “tester la réalité de l’extase”. Un jour, lors d’une apparition, une élève, Médiatrice Nyaminami, brûla Alphonsine avec une allumette. Alphonsine ne broncha pas. La Vierge Marie dit à Alphonsine :
- Sais-tu qu’on te brûle ?
On entendit Alphonsine lui répondre :
- Mais où?
Alphonsine retira vivement son bras, mais pas celui qu’on brûlait. Le professeur, Jean Baptiste Ntamugabumwe, la piqua avec une épingle pendant une autre apparition et cette dernière ne réagit pas. Une fois l’apparition passée, on se moquait d’elle : « voilà la visionnaire ! », « mets-toi à genoux ! Tu auras une apparition !», « Demande à la Vierge ceci, …cela ! » On singeait les scènes d’apparitions.
Une fois, la vierge Marie avait demandé à Alphonsine de raconter sa vie aux élèves. Elle s’appliqua et leur racontât que ses parents étaient séparés, mentionna la pauvreté qu’il y avait à la maison, etc. Les élèves chahutaient et se moquaient d’elle. Ce fut une grande humiliation pour Alphonsine. Pendant l’apparition du 8 mai 1982, on entendra Alphonsine se plaindre à la Vierge Marie : « Les gens disent que nous sommes atteintes de folie. Chez nous, que va-t-on penser de nous ? » Ce jour-là, pour la première fois, sa mère était présente.
Alphonsine a beaucoup souffert pendant cette persécution subtile. La situation changea progressivement quand elle ne fut plus la seule élève voyante.
En effet, une nouvelle voyante se révèle dans la soirée du 12 janvier 1982 : Nathalie Mukamazimpaka. Son nom signifie “Celle qui tranche les débats ou les discussions”. Ce jour-là Notre Dame lui apparaît pour la première fois. Née en 1964 , elle est originaire de l’actuel district de Nyaruguru, paroisse de Muganza, diocèse de Gikongoro. Nathalie est considérée comme la plus douce des voyantes. Elle est principalement connue pour son message sur la prière et l’offrande de nos souffrances à Dieu comme moyen de salut du monde.
Marie enseigna à Nathalie que notre souffrance vécue dans l’Amour a non seulement un sens, mais qu’en plus elle est nécessaire pour le monde et son salut. Elle dira entre autre à Nathalie le 22 mai 1982 : « Dans toutes les souffrances que je permets je désire que chacune de vous accepte sa part, l’accueille avec joie et de manière paisible ».
L’apparition de la Vierge Marie à Nathalie ne dissipa pas tous les doutes parmi les élèves, encore moins parmi les professeurs et dans le public. On restait méfiant envers Nathalie en raison de sa faiblesse intellectuelle et de sa piété bien connue. C’est donc dans cette atmosphère de doute, que surviennent les apparitions à Marie Claire Mukangago, le 2 mars 1982, à la grande surprise de tous ! Surprise car Marie Claire était une de celles qui manifestaient activement et publiquement leur incrédulité.
Les apparitions à Marie Claire Mukangabo dureront six mois. Marie Claire est née en 1961 à Rusekera, diocèse de Gikongoro. Elle est entrée au collège de Kibeho une année avant Nathalie, en septembre 1977. Elle était très différente de Nathalie et même d’Alphonsine. En effet, Marie-Claire est spontanée, turbulente et était même quelques fois indisciplinée. Elle avait la confiance de ses compagnes et a même été élue déléguée de classe. Sa vie chrétienne n’avait rien de particulier, ni même d’exemplaire.
Depuis le 28 novembre 1981, date du début des apparitions, Marie Caire était comptée parmi les grands ténors du groupe critiquant Alphonsine . Elle ne voulait rien savoir des apparitions et était parmi les gens qui traitaient Alphonsine de « folle ». La voilà, elle-même devenue une des voyantes.
Les apparitions en public à Marie Claire Mukangabo n’ont pas été très nombreuses. Le message qu’a reçu Marie Claire est précis. Le monde s’est révolté contre Dieu, nous devons nous repentir, demander pardon. Pour obtenir la grâce de la conversion, il faut méditer la passion de Jésus et les souffrances de sa Mère. Il n’y a pas de meilleur guide que Marie pour nous faire comprendre la profonde douleur de Jésus et le sens de sa Passion. Pour rentrer dans ce Mystère, Marie leur a enseigné et conseillé deux prières : le rosaire et le chapelet des sept douleurs.
S’il y avait une spécificité de l’apparition de Kibeho par rapport aux autres apparitions, c’est le chapelet des 7 douleurs. Ce chapelet qui était tombé aux oubliettes au sein de l’Eglise a été enseigné à Marie Claire par la Vierge Marie le 6 mars 1982. Ce jour-là, la Sainte Vierge lui a donné la mission de le propager à travers le monde entier. Il est composé de 7 médailles représentants les 7 douleurs de Marie dans la vie de son Fils.
Le Chapelet des 7 douleurs a été présenté par Marie comme un remède efficace contre le mal du siècle, la négation du péché et l’absence du repentir. Le 31 mai 1982, Marie dira à Marie Claire :
« Ce que je vous demande c’est de vous repentir. Si vous récitez ce chapelet, en le méditant, vous aurez alors la force de vous repentir. Aujourd’hui, beaucoup d’hommes ne savent plus demander pardon. Ils mettent à nouveau le Fils de Dieu sur la Croix »
Les apparitions publiques de la Vierge Marie à Marie Claire ont cessé le 15 septembre 1982, le jour où l’Église catholique commémore Notre Dame des Douleurs. Cette coïncidence est significative et met un sceau sur la mission essentielle que la Vierge Marie lui avait réservée était.
A la fin de ses études à Kibeho, Alphonsine devint secrétaire au Service Diocésain de l’Enseignement Catholique pour ce qui s’appelait alors la préfecture de Gikongoro. C’est là qu’elle a vécu les tragédies de 1994. Pour fuir les combats, elle partit avec des amis vers le Congo, à Bukavu. De là elle se rendit en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Après avoir obtenu un baccalauréat en théologie en juin 2003, avec une spécialisation en catéchèse, elle devint religieuse et entra au monastère Sainte Claire d’Abidjan (Sœurs Clarisses) le 26 juillet 2004. Et depuis 2013, elle est rentrée dans une autre communauté religieuse en Italie encore plus austère sous le nom de sœur Mutima et où son passé de voyante est inconnue par ses consœurs à l’exception de ses supérieurs.
Nathalie Mukamazimpaka n’a pas achevé ses études secondaires alors même qu’au moment des apparitions elle lui restait qu’une année avant l’obtention de son diplôme d’institutrice primaire. Après le message de l’apparition du 24 juin 1982, la Vierge Marie lui aurait demandé de demeurer à Kibeho jusqu’à nouvel ordre, où elle devrait s’adonner davantage à la prière et aux mortifications pour le salut du monde. Depuis lors elle habite à Kibeho oû elle continue à se dépenser généreusement pour le sanctuaire marial et s’associe volontiers à la prière des pèlerins. Bien souvent c’est elle qui accueille des pèlerins individuels pour les assister, ou bien pour les orienter.
Marie Claire quant à elle se maria religieusement le 22 août 1987 avec Élie Ntabadahiga, originaire de la même paroisse natale. Ce dernier était un journaliste à l’Orinfor (Office Rwandais d’Information). Les deux formaient un ménage heureux, malheureusement sans enfant, malgré leur vif désir d’en avoir. Ils résidaient à Kigali,dans le quartier de Gatsata, traversé par la route menant à Byumba. C’est dans ce quartier populaire qu’ils ont été emportés par les massacres. Conduits avec bien d’autres déplacés vers Byumba, censée être une zone sécurisée ils furent parmi les civils qui, sans armes, furent massacrés en 1994. La date et les circonstances exactes de leur mort ne sont pas encore bien établies.
Kibeho est depuis lors devenu pour tous les croyants et tous les chercheurs de Dieu de la région des Grands Lacs, un lieu de ressourcement, de pèlerinage et de prière pour demander la grâce de la conversion ou pour offrir les intentions. Depuis quelques années on observe de plus en plus des pèlerins qui viennent de tous les continents.
Fréderic Sinamenye
www.jambonews.net
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Des apparitions à Kibeho : Annonce de Marie au cœur de l'Afrique; de Gabriel Maindron Édité par Œil (1984)
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Les apparitions de Kibeho au Rwanda; Mgr Augustin Misago Kinshasa : Facultés catholiques de Kinshasa, 1991
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À KIBEHO, LA MÈRE DU VERBE NOUS PARLE!: "Je suis la Mère du Verbe" ; Hildegarde UFITAMAHORO 2017
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