Trois choses qu’il faut retenir du « deal » Macron/Kagame...
1° Les accusations de participation et/ou de complicité de génocide peuvent se négocier…
La première chose qu’il faut retenir du rapprochement entre Emmanuel Macron et Paul Kagame, c’est que les accusations de génocide peuvent se négocier…
Pendant 27 ans, le FPR et ses relais ont affirmé à qui voulait bien l’entendre que la France avait participé au génocide des Tutsi, ou en tout cas, en avait été complice. Certains sont même allés jusqu’à en « témoigner » sur l’honneur, affirmant qu’ils possédaient des preuves irréfutables, parfois même en tant que témoins directs[1]. Pourtant, Emmanuel Macron vient de réussir un tour de passe-passe par lequel il renvoie littéralement toutes les accusations contre la France aux oubliettes de l’histoire, en devenant « l’ami » de celui qui prétend avoir arrêté le seul génocide dont la France était accusée…
De son côté, Paul Kagame s’est dit satisfait de la manœuvre. La réalpolitique prenant le dessus sur la Justice, le président rwandais a remercié Emmanuel Macron pour lui avoir offert une France à genoux, plutôt qu’une France qui se tient debout sur son chemin.
Et c’est assez logique finalement, puisque c’est exactement ce qu’il se passe avec les adversaires rwandais du FPR qui, pendant des années, sont accusés de participation à un génocide et/ou de complicité avec ses auteurs, et qui sont réhabilités par magie dès lors qu’ils décident de marcher au pas du FPR.
Avec un pays comme la France qui « marchande son innocence », c’est quand-même de sacrés idéaux internationaux de Justice qui sont bafoués et sur ce point, Macron a fait une plus mauvaise affaire que Kagame…
Et pour cause, qui rendra justice aux familles des personnes, parmi lesquelles des Français, assassinées dans l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana ? Qui prendra désormais au sérieux les procès contre les Rwandais réfugiés en France et accusés de génocide si la France a réussi à marchander son innocence ? Quel Français aura désormais la légitimité pour poursuivre les crimes qui sont imputés à Paul Kagame et à son armée au Rwanda ou en RDC ?
A moins de nous réserver d’autres surprises, le calcul d’Emmanuel Macron qui a consisté à « négocier » l’innocence de la France auprès d’un ancien rebelle accusé des pires violations du droit international, risque fort bien de se retourner contre lui.
2° Ce sont les rescapés qui pardonnent, et non Paul Kagame ou le FPR.
La deuxième chose qu’il faut retenir du rapprochement Kagame/Macron, c’est que les rescapés Tutsi ne sont pas à confondre avec le FPR de Paul Kagame.
La polémique sur le pardon qui n’aurait pas été « formellement » demandé par le président Macron a au moins rétabli cette réalité cachée. C’est une nuance qui échappe très souvent aux non-Rwandais qui sont encore dans une vision binaire du conflit rwandais (Hutu contre Tutsi), mais c’est une nuance de taille qui permet de comprendre comment les choses se sont passées dans les années 1990 et continuent d’ailleurs de se passer en 2021.
Il semblerait qu’Emmanuel Macron était au fait de cette nuance puisque dans son discours, il a tenu à préciser que « seul celui qui a traversé la nuit peut la raconter », empruntant ainsi un adage populaire rwandais qui permet de rendre hommage aux victimes Tutsi sans les confondre avec les combattants Tutsi de l’Armée Patriotique Rwandaise, contre lesquels l’armée française fut en guerre entre 1990 et 1994.
Contrairement aux Belges[2], qui avaient demandé pardon devant Paul Kagame et son armée, faisant ainsi l’amalgame entre les victimes Tutsi et les rebelles Tutsi, le président Macron a choisi que la France s’incline uniquement devant « ceux qui ont traversé la nuit ». Paul Kagame n’était d’ailleurs pas présent au mémorial du génocide pendant le discours de son homologue.
Sur ce point, Emmanuel Macron a fait une bonne affaire. Car malgré l’image générale rendue par son voyage auprès de Paul Kagame, il pourra toujours nuancer qu’il ne s’est incliné que devant les victimes. Il n’a d’ailleurs évoqué à un aucun moment, le fait que ce serait le FPR qui aurait « arrêté le génocide », évitant habilement de devoir remercier Paul Kagame pour un acte de propagande historiquement contesté.
3° La thèse d’un deuxième génocide n’est pas négationniste !
Enfin, la 3e et dernière chose que l’on peut retenir des interventions d’Emmanuel Macron, c’est sa position sur la question du « double » génocide.
Lors de la conférence de presse conjointe qui a suivi le discours du président français, un journaliste lui a demandé ce qu’il répondait à ceux qui avancent la « thèse du double génocide ». Avant de clairement affirmer qu’il n’y avait eu qu’un seul génocide, le président Macron s’est contenté de préciser que ceux qui parlent d’un second génocide « réinventent l’histoire ».
Ainsi, contrairement à la propagande virulente qui émane de Kigali, le président Macron ne qualifie pas de « négationnistes » ceux qui revendiquent la reconnaissance d’un second génocide, et sur ce point, c’est le président Kagame qui a fait une mauvaise affaire, puisque cela fait des années qu’il investit massivement dans cette terminologie.
Une façon très habile de la part du président Macron de ménager la chèvre et le chou tout en gardant une porte ouverte pour ceux qui réussiraient à prouver que l’historique a été mal écrite…
Pour conclure, le « deal » Macron/Kagame de 2021 est un deal très complexe, mais aux fortes concessions de part et d’autre. En apparence, aucun des deux présidents n’en est sorti vraiment gagnant ; le président Macron semble avoir marchandé l’honneur de la France, tandis que le président Kagame semble avoir renoncé à une partie de sa propagande, mais comme le disait Honoré de Balzac, ne vaut-il pas mieux un mauvais accord qu’un bon procès ?
Gustave Mbonyumutwa
www.jambonews.net
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- Willy Claes avait réagi en ce sens : « Laissez-moi dire ceci. J’ai beaucoup de compassion pour et je n’ai absolument rien contre, que la communauté internationale, et dans ce cas, le gouvernement belge par la voix de monsieur Veroofstadt, présente ses excuses au peuple rwandais pour le gâchis énorme qui a été subi, mais présenter ses excuses à ce que j’appelle des malfaiteurs comme Kagame, je trouve cela déplacé. Je ne puis pas l’accepter ». http://www.france-rwanda.info/article-35565631.html