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« All For Rwanda », un mouvement qui s’engage pour les réfugiés rwandais en RDC

« All For Rwanda », un mouvement qui s’engage pour les réfugiés rwandais en RDC

Le 3 mai 2023 a eu lieu le lancement officiel de « All For Rwanda », un mouvement destiné à représenter les réfugiés rwandais partout dans le monde, et à soutenir un retour digne vers leur pays d’origine, avec une attention particulière sur la situation de ceux qui se trouvent en République démocratique du Congo (RDC) . Le mouvement est né d’une initiative lancée le 1er mars 2023 par 15 militants des droits de l’homme avant d’obtenir le soutien de plus de 6000 voix à travers le monde. Cette initiative a également reçu le soutien d’une dizaine d’organisations de la société civile et de partis politiques, dont beaucoup sont présents sur le terrain à l’Est de la RDC. « Jambonews » est allé à la rencontre de certains des fondateurs du mouvement afin de trouver réponses aux questions sur ce nouveau mouvement qui vient bousculer le paysage sociétal et politique rwandais.

Beaucoup ont demandé pourquoi « All For Rwanda » est qualifié de ‘mouvement’ et non d’une autre forme d’organisation. Marie Uwimana, l’une des initiatrices résidant au Kenya, a répondu en demandant « à quoi aurait servi un énième parti politique ou une énième organisation. Le temps est à l’unité et à l’action. Nous voulions imprimer une dynamique positive, une dynamique de rassemblement, et c’est pourquoi nous avons souhaité un ‘mouvement’ . »

Toujours selon Marie Uwimana, « le mouvement, en tant que concept, est un outil puissant pour mobiliser les gens vers un objectif commun. Comme l’a souligné César Chavez, « le mouvement est la vie, sans mouvement, il n’y a pas de vie ». Il peut inspirer et motiver les gens à sortir de leur zone de confort, à agir et à faire des changements positifs. Dans le contexte politique, un mouvement peut aider à faire avancer une cause, à inspirer l’espoir et à susciter le changement dans le monde. »

Le mouvement « All For Rwanda » s’est donné pour objectif de renforcer l’unité entre les différents acteurs impliqués dans la défense des droits des réfugiés rwandais. Lorsqu’on interroge Robert Mugabowindekwe, basé en Belgique, sur ce que le mouvement apporte de nouveau dans le paysage politique et sociétal rwandais, sa réponse fuse : « Tout d’abord, l’unité. Nous sommes convaincus que plus l’union sera large, plus les ressources dont nous disposons seront efficacement utilisées. Nous constatons que c’est le cas avec plus de 6000 personnes et une dizaine d’organisations qui ont soutenu l’initiative. Ensuite, nous voulons mettre un accent particulier sur les réfugiés. Nous avons estimé qu’il était nécessaire de créer un mouvement des réfugiés pour les réfugiés, afin de résoudre les problèmes spécifiques auxquels ils sont confrontés en RDC mais aussi partout ailleurs. Troisièmement, nous avons une vision globale et nous déployons des moyens politiques et diplomatiques pour résoudre les problèmes humanitaires. Nous sommes prêts à aller plus loin si nécessaire. »

Cependant, les services de Kigali ont lancé des polémiques pour déstabiliser ce projet, affirmant que le mouvement était une alliance entre Jambo asbl, FDU-Inkingi ou encore FDLR. Norman Ishimwe, un autre membre fondateur, a clarifié la structure du mouvement : « All For Rwanda n’est pas une plateforme d’organisations. En d’autres termes, All For Rwanda ne regroupe pas plusieurs organisations, contrairement à différentes plateformes qui existent ou ont existé dans notre paysage politique et sociétal. Aujourd’hui, All For Rwanda est un mouvement composé d’individus, dont certains mais loin d’être la majorité proviennent des organisations qui ont soutenu sa création. Donc la question de savoir si telle ou telle organisation fait partie du mouvement n’a pas de sens et ne se pose pas. All For Rwanda appartient avant tout aux 6000 Rwandais qui ont soutenu sa création, ainsi qu’à tous les Rwandais et réfugiés rwandais qui soutiendront ses actions. Il est erroné et mensonger de réduire ce mouvement à l’une ou l’autre organisation, même si ces organisations ont soutenu sa mise en place ou soutiennent actuellement ses actions.  »

Justin Dusingize est l’un des responsables du mouvement vivant au Nord-Kivu en RDC. Il a tenu à souligner l’importance de la notion de dignité que All For Rwanda utilise régulièrement pour qualifier la forme que devrait prendre le retour des réfugiés au Rwanda. Selon lui, « All For Rwanda insiste sur un retour digne car aujourd’hui, premièrement, les réfugiés rwandais sont dans un état de détresse humanitaire sans commune mesure, particulièrement ceux qui sont à l’est de la RDC ou dans des camps de réfugiés au Congo-Brazzaville, au Malawi, en Zambie, en Ouganda, et dans bien d’autres contrées d’Afrique. Notre dignité est bafouée par la communauté internationale et par le régime en place au Rwanda. Et deuxièmement, les appels au retour et les programmes pour pousser les réfugiés à rentrer, financés à coups de millions par les Nations Unies et les partenaires internationaux du Rwanda sont des échecs absolus. Les deux derniers retours massifs ont été réalisés par la force, suite à des massacres et des violations des droits de l’homme, notamment pour les réfugiés qui étaient dans les camps de transit de Kanyabayonga et de Walungu en novembre 2018 et ceux qui étaient dans les camps de Kalehe en novembre 2019. »

Kigali pourtant revendique le succès de son programme de démobilisation et de réintégration. Justin Dusingize reconnait l’existance de quelques retours volontaires mais nuance le bilan de la politique de Kigali : «  Il est vrai qu’il y a eu quelques retours volontaires, mais les retours et les témoignages de ces volontaires sont tellement négatifs que cela n’a jamais permis à une vague de réfugiés de rentrer volontairement. Un retour digne devra se faire suite à un dialogue et en prenant en compte les préoccupations sécuritaires, sociétales, sociales et politiques des réfugiés rwandais et des organisations qui les représentent depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, on ne peut pas envisager la question des retours des réfugiés sous le seul prisme humanitaire ; il faut prendre en compte plusieurs aspects pour assurer que celui-ci se déroulera en paix et de manière digne. »

La conviction de Justin Dusingize est que : « All For Rwanda en tant que mouvement doit être le véhicule qui nous conduira à créer les conditions favorables à un dialogue pour le retour de tous les réfugiés rwandais dans leur pays. » Cependant, il estime que « cela ne pourra être possible que si les Rwandais qui soutiennent cette initiative sont prêts à mettre le carburant necessaire dans ce véhicule. »

Le mouvement a pour ambition d’être global et de déployer des moyens politiques et diplomatiques pour résoudre la problématique humanitaire. Placide Kayumba, également membre fondateur du mouvement, a affirmé que « l’activité diplomatique a été intense de notre côté ces derniers mois pour faire comprendre aux acteurs régionaux et aux parties prenantes internationales la nécessité de s’occuper et de régler la problématique des réfugiés rwandais en RDC. Plusieurs processus régionaux et internationaux sont engagés sur la question de la pacification et de la sécurisation de l’est de la RDC. L’objectif est de veiller à ce que la question des réfugiés soit à l’agenda de ces processus et que les réfugiés puissent être partie prenante de chacun d’eux. Il n’est plus question que le sort, la sécurité et l’avenir des réfugiés soient traités sans eux. »

Placide Kayumba a tenu à insister sur le fait que « la démarche d’All For Rwanda se veut humble« . Il précise que leur mouvement ne prétend pas détenir la solution à une problématique qui perdure depuis plus de 29 ans. Néanmoins, leur objectif est que « les solutions envisagées soient développées par les réfugiés eux-mêmes ou en collaboration avec eux« . Placide affirme que « si les réfugiés sont unis et solidaires, ils sont capables de trouver par eux-mêmes les réponses à leurs problèmes ».

Faustin Murego, lui aussi un des fondateurs du mouvement, qui a aussi été l’un des signataires de l’appel à la mobilisation du 1er mars, est satisfait de la tournure que prend l’initiative. « Nous voulions que la question des réfugiés soit au premier rang des préoccupations de nos compatriotes, afin que les Rwandais mobilisent leur énergie et leur temps pour contribuer. Et je crois que nous sommes en train d’y arriver. « All For Rwanda » n’est pas un parti qui a vocation à mettre en avant un individu, une organisation ou autre chose. Les seuls que nous mettrons en avant sont les réfugiés, car c’est leur situation qui nous a poussés à nous mobiliser. »

Assumpta Uwababyeyi, signataire de l’appel à la mobilisation et basée en Suisse, estime qu’il est essentiel que les Rwandais continuent de se mobiliser pour soutenir cette initiative qui doit bénéficier à tous. Selon elle : « si nous, en tant que Rwandais, ne donnons pas à cette initiative la force dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs, personne d’autre ne le fera à notre place. En tant que réfugiés rwandais, nous devons pouvoir avoir un poids sur la scène internationale et régionale face à Kigali, mais cela ne sera possible que si nous continuons à nous mobiliser. Tous les organismes politiques, sociaux, religieux et économiques sont invités à apporter leur soutien, quel que soit la forme qu’il puisse prendre. Nous avons besoin de ressources et de qualités en tout genre pour donner l’élan nécessaire à notre conviction. L’atteinte de nos objectifs nobles et impérieux dépendra de la mobilisation de chacun. »

Nadine Uwacu, signataire de l’appel à la mobilisation et responsable des finances, a souligné l’importance du soutien financier en faveur des réfugiés, en particulier de la part des rwandais réfugiés qui ont pu se reconstruire dans des pays en sécurité. Selon elle, le travail diplomatique et de lobbying en cours nécessite des fonds et une indépendance d’action. « Cette indépendance ne pourra pas être atteinte sans des montants importants provenant de nos poches à tous« , a-t-elle ajouté. Elle a également souligné que le régime FPR investit des sommes considérables dans des sociétés de lobbying, les médias, les réseaux sociaux et même dans la corruption de fonctionnaires étrangers, alors que les réfugiés rwandais ne disposent pas des mêmes moyens pour défendre leur dignité. « Nous devons nous donner une ambition claire : si nous voulons peser et nous faire entendre, ayons les moyens de notre ambition« , a-t-elle conclu. Enfin, Nadine Uwacu a utilisé une métaphore pour illustrer la situation : « Au sein du mouvement All For Rwanda, nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées« .

En conclusion, le mouvement « All For Rwanda » se mobilise pour défendre les droits et la dignité des réfugiés rwandais, et poursuit son engagement en faveur d’un dialogue constructif visant à créer les conditions propices à leur retour digne au Rwanda. À travers l’unité et la solidarité de tous les Rwandais, ainsi que la mise en place de moyens politiques et diplomatiques efficaces, le mouvement souhaite faire entendre sa voix auprès des acteurs régionaux et internationaux et contribuer à une solution durable pour les réfugiés rwandais.

Emmanuel Hakuzwimana

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