KINSHASA 07/01 (AFP-BELGA) – La République démocratique du Congo (RDC) a commencé son année électorale avec une question récurrente qui divise déjà sa classe politique: la présidentielle du 27 novembre se fera-t-elle à un ou deux tours?
L’idée, comme un ballon d’essai, a été lancée lundi par le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, alors que le président Joseph Kabila qui a succédé à son défunt père Laurent-Désiré Kabila en 2001, avant d’être élu en 2006, a entamé la dernière année de son premier quinquennat.
« L’intérêt du peuple congolais réside dans le système électoral le moins onéreux. Le coût de l’élection à deux tours ayant été évalué à 700 millions de dollars contre 350 millions pour un scrutin à un tour, le choix est clair« , a affirmé M. Mende, qui est également ministre de la Communication.
Un choix du gouvernement Kabila qui repose aussi sur la nécessité, affirme aussi son porte-parole, d’éviter à ce pays qui sort de plusieurs années de guerre civile une crise post-électorale comme au Kenya, en Guinée ou en Côte d’Ivoire.
Mais la modification de la loi électorale qui se profile et va entraîner aussi une révision de la Constitution de 2006, à dix mois de la présidentielle du 27 novembre, divise déjà la classe politique.
D’un côté, l’Alliance de la Majorité présidentielle (AMP), coalition des partis pro-Kabila, milite farouchement pour une élection à un tour.
« Un seul tour ne suppose pas que le candidat qui passe est déjà connu, tout le monde a les mêmes chances », a déclaré le secrétaire exécutif de l’AMP, Alphonse Koyagialo Ngbase, à l’AFP.
« Il y a des pays africains où il y a eu des élections à un tour et leurs présidents ne sont pas moins présidents que les autres », plaide M. Koyagialo, citant notamment les cas du Gabon et du Togo.
L’idée a aussitôt été rejetée par les principaux partis d’opposition et l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya – une haute autorité morale en RDC -, qui craignent un passage en force du chef de l’Etat.
L’ex-président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, transfuge de l’AMP et candidat déclaré à la présidentielle sous la bannière de son parti, l’Union pour la Nation congolaise (UNC), a jugé « fallacieux » l’argument financier, estimant que la communauté internationale pourrait prendre « en charge une grande partie du financement des élections » comme en 2006.
« Le scrutin majoritaire à deux tours (…) est le mieux indiqué pour un pays comme le nôtre avec ses 453 tribus », a ajouté M. Kamerhe, principal artisan de la victoire de Joseph Kabila en 2006.
Pour le Mouvement de Libération du Congo (MLC), parti de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba qui a affronté M. Kabila au second tour en novembre 2006, l’actuel chef de l’Etat « se donne tout simplement les moyens de gagner les prochaines élections ».
« Ce que nous déplorons, c’est l’inopportunité et l’unilatéralité de cette décision. Pourquoi décider de changer la Constitution à quelques mois des élections? « , questionne le secrétaire général du MLC, François Mwamba.
Sur la même ligne que l’opposition, le cardinal Monsengwo redoute que les Congolais élisent un président qui ne sera « pas assez représentatif » si l’élection est à un tour.
« Il faut que le président ait suffisamment d’assise dans le pays, qu’on le connaisse partout et pour cela il faut qu’il ait au moins 50% plus une voix », a-t-il souligné mercredi. « Si le candidat passe à un tour automatiquement, cela veut dire qu’il peut à la rigueur passer avec 20% des voix ». « Et 20% des voix, ce n’est pas assez représentatif du peuple », a-t-il asséné.
Interrogé par l’AFP, un juriste congolais, Richard Kazadi, affirme que « le risque avec le scrutin à un tour, c’est qu’il n’y ait pas de majorité absolue », comme le veut la Constitution.