La Politique de destruction des maisons à toit de paille lancée depuis 2007 par le gouvernement rwandais dans le but d’améliorer la santé et le bien-être social de la population, se transforme de plus en plus en cauchemar pour nombreux citoyens qui se retrouvent dans la rue sans toit et surtout dans la période des fortes pluies.
Le Rwanda s’est lancé il y a trois ans déjà, dans une campagne visant la disparition progressive de toutes les maisons en paille, connues sous le nom de « Nyakatsi » en langue kinyarwanda. Lancée dans l’ensemble du pays à la mi-janvier 2007, la campagne contre le mal-logement s’inscrit selon le gouvernement rwandais dans un vaste programme d’amélioration de la santé et du bien-être social de la population. Cependant cette politique censée apporter l’espoir à des milliers de pauvres, s’est très vite transformée en cauchemar pour nombre d’ entre eux. Des milliers des maisons ont été détruites sans qu’une proposition de relogement soit proposée aux propriétaires. Pire encore : des maisons sont détruites sans mettre leurs propriétaires au courant. « Quel sentiment peut avoir un couple fraichement marié, qui, en rentrant du champ le soir, a retrouvé sa maison en paille complètement détruite ? » a demandé un journaliste au président Paul Kagame au cours d’une conférence de presse au village Urugwiro (la Présidence) le 18 janvier 2011. Un autre journaliste lui a demandé « comment va faire un couple dont la femme enceinte était partie à l’hôpital pour passer des examens, et en rentrant a eu la mauvaise surprise de trouver des gravats à la place de leur maison en paille ? ».
Des centaines de personnes du secteur Rugarama, district de Gatsibo dans la province de l’est du pays, se sont retrouvées sans logement après la démolition de leurs maisons. Désemparés, ces sans-abris passent la nuit à la belle étoile. Les autorités de Gatsibo sont très déterminées : toutes les maisons construites depuis deux ans, date de la mesure interdisant les constructions en matériaux non durables, doivent être démolies sans condition. La mesure est aussi appliquée sur les maisons de ce genre qui ne sont pourtant que des annexes de maisons en tôle.
Programme visant à masquer les échecs du régime à relever le pays de la pauvreté.
« Les maisons en paille sont incriminées ; car elles constituent des foyers de maladies et à l’origine des conditions d’hygiène déplorables de leurs habitants. Des milliers des maisons en paille partent en flammes chaque année ; suite à l’utilisation de feu de cuisine dans ou à proximité de ces habitations hautement inflammables ». Ce sont ce genre de justifications que le gouvernement rwandais prétexte toujours pour justifier sa politique ravageuse. « Quand on vit dans une maison en paille, on ne joue pas avec le feu » a déclaré le dictateur rwandais lui-même au cours de la conférence sur le Dialogue National à Kigali le 20 décembre dernier (NDLR mais difficile de dire s’il faisait allusion à sa politique de combattre ces maisons).
D’après les autorités rwandaises, les gens vivent dans des maisons en paille par choix personnel. Pour elles, personne ne vit dans une maison en paille parce qu’il manque de moyens pour acheter des tuiles ou des tôles, mais par conservatisme et fausses croyances. « Certains propriétaires ne manquent pourtant pas de moyens, d’autres ont construit des maisons modernes, mais préfèrent rester dans leurs huttes » a déclaré Éphraïm Kabayija, le Gouverneur de la province de l’Est. Avis partagé par le ministre de l’Administration locale, James Musoni qui reconnait l’inviolabilité du domicile de quelqu’un, mais qui ajoute que nul n’est au dessus de la loi. « Même les gratte-ciels non conformes à l’urbanisme sont parfois démolis », brandit-il. Pour les dirigeants, « ces maisons provoquent beaucoup d’accidents à cause des feux ou de la pluie.« Suivant le discours des autorités, les maisons en paille est une question de mentalités et non de pauvreté.
En réalité, cette vision du régime de Paul Kagame est totalement insensé. Bien que quelques paysans, surtout les pygmées, affichent leur préférence pour les maisons en paille, beaucoup de gens vivent dans ces maisons à cause de l’extrême pauvreté dans la quelle ils sont plongés. « À quoi bon vivre dans une maison à tôles sans rien à se mettre sous la dent« , disent certains habitants des ménages vulnérables du secteur Mukindo. Grâce au soutien de Compassion, une ONG œuvrant dans la région, ceux-ci avaient bénéficié, en 2007, de maisons durables couvertes de tôles. Cependant, butés par la pauvreté, ils ont enlevé et vendu ces tôles pour acheter des tuiles. Le reste de l’argent, disent-ils, leur a servi, pour un temps, à se nourrir pendant quelques temps.
Les bons chiffres de la croissance rwandaise que le régime ne cesse de vanter à qui veut l’entendre cachent bien une pauvreté sans nom à la quelle une bonne partie de la population est confrontée. « Ce taux de croissance élevé cache également des inégalités considérables et de plus en plus marquées entre classes sociales, régions et sexes ». Peut-on lire dans le rapport 2007 sur le développement humain au Rwanda. « Les inégalités, de plus en plus criantes, sont une menace à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique » a ajouté le rapport. La croissance se fait au détriment de l’immense majorité des huit millions de Rwandais qui vivent dans les zones rurales. Cela signifie que la richesse n’est pas bien distribuée, qu’elle est essentiellement captée par la population urbaine.
Les orientations économiques suivies par le régime sont saluées de toute part : institutions financières internationales et autres bailleurs de fonds en tête. Il est vrai que certains progrès peuvent donner des raisons d’être optimiste : taux de croissance de 8% pour la capitale, progrès dans la lutte contre le paludisme, campagne massive d’alphabétisation, progrès dans l’éducation (l’école primaire est gratuite et obligatoire pour tous), etc.
Le régime veut se montrer performant et surtout prendre le soin de dissimuler ce qui peut entraver cette bonne image. Les maisons en paille qui surplombent des collines entières viennent démentir les progrès accomplis par le régime. En effet, les citoyens rwandais savent pertinemment qu’à la prise du pouvoir de Paul Kagame et son mouvement le FPR en 1994, les maisons en paille étaient quasi inexistantes dans les campagnes rwandaises.
Le régime de Kigali qui ne supporte pas la contradiction, a compris que ces maisons en paille vont à l’ encontre de leur propagande visant à faire croire que le Rwanda est un pays où coulent lait et miel. Heureusement qu’il y a ces maisons pour rappeler la pauvreté flagrante dans la quelle le FPR immerge le pays depuis 17ans.
Le régime de Kigali soigne sérieusement l’image qu’il veut montrer du Rwanda. C’est à tel point que lors de grands événements où sont conviées des personnalités étrangères, le régime oblige les habitants de la capitale (surtout ceux qui habitent aux abords des routes où passeront ces personnalités) à peindre leur maison d’une certaine couleur ou à faire des travaux devant leur demeure afin que tout paraisse pour le mieux. Malheur aux récalcitrants, car ils voient leurs maisons purement et simplement rasées.
Difficultés de construire au Rwanda, surtout en campagne.
Ceux qui vivent dans ces huttes accusent les autorités d’être responsables de cette situation. En effet, depuis 2005, prétendant protéger l’environnement, les autorités rwandaises n’autorisent la fabrication des tuiles qu’aux seules coopératives. « Nous sommes empêchés, bon sang ! Pas question de prendre l’argile, ni de couper le bois », se désole un habitant de Gisagara, qui dit que s’il y était autorisé, il pourrait construire sa propre maison avec son revenu journalier de 500 francs rwandais (à peu prés 1$) : « Je peux me débrouiller seul avec les tuiles puisque les tôles sont très chères. Jamais ! » Rétorque Karekezi Léandre, le maire de ce district. « La fabrication des tuiles doit passer par les coopératives, ce qui nous évitera de gaspiller du bois et de l’argile et nous permettra de sauvegarder notre environnement« . Néanmoins, Ce qui est déplorable, est que ces prétendus coopératives ne sont en réalité que des entreprises dont les principaux propriétaires s’avèrent la plus part du temps être ceux qui sont chargés de mettre en exécution ce programme de combattre les maisons en paille. Comme si la polémique n’était pas à son comble, les associations qui tentent d’aider les habitants à reconstruire leurs maisons, sont obligées d’acheter, les matériaux à des prix exorbitants chez ces soi-disant coopératives, associant des individus mal intentionnés, dont le seul bût, est de s’enrichir sur le dos de la population en désarroi.
Programme accompagné de violences et de pressions par les autorités locales.
Comment est mis en exécution ce programme ? Les maisons en paille sont détruites sans se soucier de leurs habitants. Peu leur importe que les villageois sans moyens se retrouvent sans toit. L’objectif pour les dirigeants locaux est, avant tout, d’être les premiers à avoir détruit toutes les maisons en paille, comme le veut le gouvernement. Des excès de zèle qui multiplient les sans-abri.
Militaires, policiers, et autorités locales débarquent dans une commune sans prévenir, ils localisent les maisons en paille (pas difficile à identifier), et tout ce qu’ils font, c’est de demander si personne n’est à l’intérieur. Quand la maison est vide, ils y mettent le feu directement et restent là en attendant que la maison se consume complètement pour ensuite abattre les murs. Ils ne prennent même pas la peine de prévenir les propriétaires de la maison qui des fois ne sont pas loin de là, vaquant à des activités champêtres. « Les agents de l’Etat chargés de mettre en place cette politique le font avec une telle brutalité que les populations sont souvent obligées de s’enfuir pour aller se cacher». nous a déclaré une femme dont la mère âgée de 70ans a été brutalement sortie de sa maison en paille avant que ne commence sa démolition, dans le district de Kirambo.
La présence des hommes en uniforme permet de terrifier (si possible maîtriser) les propriétaires qui tentent de s’opposer à la destruction de leur maison. Tout ce qu’on demande aux occupants d’une maison qui doit être détruite, c’est d’évacuer vite les lieux. On ne leur laisse même pas le temps de sortir le peu de biens qu’ils possèdent, parce qu’il faut aller vite. Les autorités locales avaient jusqu’au 30 décembre dernier pour finir leur besogne. Cela explique la pression avec la quelle elles travaillent. À Kiramuruzi, district de Gatsibo, certaines autorités locales ont même été convoquées à une réunion par le secrétaire exécutif. Appréhendées, elles ont été brutalisées par la police nationale, car elles traînaient à faire démolir les huttes de leur population.
La destruction de ces maisons se passe en violation extrême des droits de l’homme. Toute personne, homme, femme, enfant ou personne âgé, qui tente de s’interposer se voit maitrisée et rouée des coups. Par exemple le secrétaire exécutif du secteur de Rwimiyaga a poussé une villageoise enceinte à monter sur le toit de sa maison pour la détruire elle-même. C’était une façon de la punir car elle avait résisté longtemps aux instructions des responsables, nous a annoncé l’agence de presse congolaise SYFIA Grands Lacs. La femme est malheureusement tombée, ce qui a entrainé une fausse couche.
Les batwa (Pygmées) plus touchés par ce programme de destruction
Depuis novembre 2010 au moment de l’accélération de ce programme, il est à signaler que plus de 3 500 ménages de Batwa vivaient toujours dans des huttes en paille. Dès novembre 2010, plus de 420 dans 3 500 ménages Batwa de la Province de l’Est et du Sud ont été victimes de ce programme de destruction. Leurs maisons en paille ont été détruites par les autorités locales sans compensation et sans autre alternative. Les Batwa constituent une ethnie très pauvre et discriminée depuis des décennies au Rwanda. Si plusieurs citoyens ayants été victimes des destructions ont essayé de se construire des maisons modernes, les Batwa eux, n’ont pas les ressources financières nécessaires pour se bâtir une demeure respectant les normes exigées. Ils vivent en grande partie de poterie, de pèche et de chasse, ce qui ne leur procure pas assez de revenus pour se construire des maisons en conformité avec les exigences du gouvernement. Entre temps, les familles Batwa victimes de ce programme n’ont pas de quoi manger, n’ont pas accès à des parcelles de terres et aux matériaux de construction nécessaires pour répondre aux exigences du programme lancé par gouvernement rwandais. Ce qui est très regrettable est que plus de 167 ménages Batwa ayant des huttes détruites dans l’Est et Sud, ont été installés et vivent dans 22 maisons communales construites en compensation. En moyenne plus de 7 ménages Batwa vivent dans une maison communale, dans une situation de grave promiscuité. Beaucoup de ces Batwa sont tombés malades, d’autres ont quitté le pays pour se refugier au Burundi.
Ce traitement infligé aux Batwa par les autorités rwandaises, a suscité la colère de l’association mondiale de défense des peuples indigènes « Survival » dont le directeur, Stephen Corry a déclaré que « ‘Détruire les maisons batwa contre leur volonté en les abandonnant aux intempéries en pleine saison des pluies sonne comme une sinistre plaisanterie ou bien comme les représailles d’une force ennemie. L’arrogance du gouvernement n’a pas de limites quand il prétend vouloir agir ‘pour leur bien’. On n’améliore pas les conditions de logement des gens en démolissant leurs maisons et en les abandonnant sans rien. » (http://www.survivalfrance.org/actu/7156)
Fuite des « sans toit » vers le Burundi.
Le site burundais gahuza.com a signalé le 23 décembre dernier que plus de 30 rwandais ont déjà fui leur pays, et installés dans le nord du Burundi, suite à la démolition de leur maison par la police rwandaise. Certains de ces Rwandais se sont installés devant la maison communale de Nyamurenza en province de Ngozi, frontalière du Rwanda. L’administrateur communal de Nyamurenza disait que la commune ne peut pas prendre en charge tout ce monde, et a lancé un appel aux bienfaiteurs à voler au secours de ces Rwandais qui se disaient victimes de la politique de lutte contre les maisons en paille, initiée par le gouvernement de Kigali. Ces refugiés rwandais ont raconté que leur sécurité n’était pas bonne dans leur pays, raison pour laquelle ils ont préféré venir au Burundi, a annoncé Gahuza.com. Le 23 décembre, une agence d’information congolaise, SYFIA Grands Lacs, a fait aussi état d’une cinquantaine de Rwandais, majoritairement des Twas, qui fuyaient leur pays depuis trois jours, parce que, la police brûle leurs maisons, disaient-ils.
Epinglé par le rapport des Nations-Unies sur les massacres des réfugies au Congo, dénoncé régulièrement pour son caractère répressif et autoritaire, blâmé pour les restrictions qu’il impose à la liberté d’expression, le régime dictatorial du général Paul Kagame ne supporte pas qu’on mette en cause son mythe d’un pays qui se développe, sorte d’assurance que le régime met en avant pour compenser ces critiques dans le domaine de la démocratie. C’est pourquoi le régime s’acharne sur les populations en gommant les maisons en paille, signe d’une extrême pauvreté qui accule le pays. Au moment où dans les pays riches, les gouvernements mettent en place des politiques visant à reloger les sans abris, au Rwanda c’est l’inverse qui se produit : les miséreux citoyens se voient jetés dans la rue sans aucun espoir de relogement, dans le seul but de sauver ce qui reste de la réputation du régime. Si Paul Kagame est gêné par les maisons en paille de ses citoyens, pourquoi ne pas leurs construire de belles maisons ressemblant à celles que les dignitaires de son régime se font bâtir pourtant sur les fonds du contribuable rwandais ? Jean Mitari Jambonews.net