« Les forces de sécurité congolaises ont tué au moins 24 personnes et placé en détention arbitraire des dizaines d’autres depuis le 9 décembre 2011, date à laquelle le président Joseph Kabila a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle controversée » a déclaré Human Rights Watch ce mercredi 21 décembre. C’est à Kinshasa où le candidat de l’opposition Etienne Tshisekedi, du Parti de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a réalisé de très bons scores aux scrutins, qu’on recense un plus grand nombre des meurtres à motivation politique. Parmi les 24 personnes tuées, 20 sont recensées à Kinshasa, 2 dans le Nord-Kivu et 2 dans la province du Kasaï Occidental.
Répressions systématiques, arrestations et assassinats.
Dans les tentatives apparentes d’étouffer toute protestation contre les résultats controversés des élections du 28 novembre dernier, les forces de sécurité, notamment la garde républicaine et la police nationale, ont intensifié des attaques, répressions et meurtres sans aucune mesure contre des militants et des partisans de l’opposition. Des centaines voire des milliers des personnes ont été interpelées dans la rue, ou même dans leurs maisons, a annoncé Human Rights Watch. Au cours des attaques, les forces de sécurité ont souvent pillé les logements et accusé leurs victimes d’être contre Joseph Kabila.
Ces forces de sécurité congolaise ne semblent reculer devant rien, ainsi elles ont tiré sur « les petites foules, des groupes de personnes dans la rue qui avaient peut-être manifesté contre le résultat des élections, ceux qui se préparaient à manifester, ou étaient de simples passants ». Au cours d’autres incidents, des personnes soupçonnées d’être des partisans de l’opposition ont été prises pour cibles et tuées, a fait savoir Human Rights Watch.
Les partisans de l’opposition qui sont appréhendés, sont placés dans des lieux de détention illégaux, notamment dans le Camp Tshatshi, base de la Garde à Kinshasa, et au Palais de Marbre, un des palais présidentiels. Human Rights Watch dénonce les sévices infligés à ces détenus. Pour masquer l’étendue de la répression, la police et d’autres forces de sécurité enlèvent rapidement les corps de personnes assassinées, et les instructions sont données aux hôpitaux et aux morgues de ne pas fournir d’informations concernant le nombre de morts, ni de détails sur les individus blessés par balles aux membres de leurs familles, aux groupes de défense des droits humains ou au personnel des Nations Unies, entre autres. L’organisation de défense des droits de l’homme annonce poursuivre ses enquêtes pour confirmer d’autres cas d’arrestations et meurtres.
Les villes favorables à l’opposition en état de siège.
Les forces de sécurité congolaises, dont la Garde Républicaine et la police, ont été déployées en grand nombre dans toute la ville de Kinshasa en prévision de l’annonce des résultats provisionnels des élections le 9 décembre par la commission électorale indépendante, la CENI. Pourtant, le chef de la police nationale, le Général Charles Bisengimana, a affirmé à Human Rights Watch qu’il n’avait pas demandé de l’aide à l’armée pour maintenir l’ordre public dans Kinshasa, et qu’il ne prévoyait pas la nécessité de le faire dans un futur proche. Il n’a pas été en mesure d’expliquer à Human Rights Watch pourquoi des soldats de la Garde Républicaine se trouvaient déployés sur une telle étendue dans tout Kinshasa, y compris dans des lieux où il n’y avait aucun bâtiment présidentiel à garder. Il a ajouté que la Garde Républicaine, à l’origine de plusieurs meurtres, arrestations et répression sanglante, ne dépendait pas de son autorité ni de son contrôle.
La police et d’autres forces de sécurité ont aussi déployé leurs effectifs en grand nombre pour patrouiller dans les rues de Mbuji-Mayi, Mwene-Ditu, Kananga et Tshikapa, dans les provinces du Kasaï Oriental et du Kasaï Occidental, villes qui ont toutes voté majoritairement en faveur d’Étienne Tshisekedi. La ville de Mbuji-Mayi est soumise à un couvre-feu depuis le 2 décembre. Les habitants et les activistes de la société civile interrogés par Human Rights Watch ont déclaré que le couvre-feu masquait en réalité de nombreux incidents au cours desquels les forces de sécurité avait fait usage de techniques d’intimidation, d’arrestations arbitraires et de pillage.
Kabila prête serment sans ses pairs africains ni européens.
Âgé tout juste de 40 ans, Joseph Kabila a prêté serment mardi dernier à Kinshasa devant des milliers de ses partisans et des dizaines d’invités étrangers rassemblés sur l’esplanade de la cité de l’Union Africaine. Pour l’occasion, la capitale avait été placée sous très haute surveillance, à grand renfort de chars, pour éviter une répétition des violences qui avaient suivi l’annonce des résultats provisoires le 9 décembre. Malgré le faste de la cérémonie, les dirigeants africains et occidentaux ont pour la plupart boudé cette cérémonie d’investiture, que les partisants de Tshisekedi ont qualifié « d’une investiture de la honte », « un fiasco ». Seul le président zimbabwéen Robert Mugabe, s’était déplacé pour la cérémonie d’investiture de Kabila. Les opposants à Kabila ont interprété cette absence des nombreux invités de marque, comme un signe de l’isolement de Kabila. « On ne vient pas fêter, honorer un ami dans une ambiance morose, dans une ville en état de siège. C’est là où E. Tshisekedi a marqué une seconde victoire apte celle des urnes » dit un internaute sur un site favorable à l’opposition.
Etienne Tshisekedi va prêter serment ce vendredi
Ce deuxième quinquennat de Kabila n’est pas du tout du goût d’Etienne Tshisekedi, arrivé deuxième selon les résultats contestés de l’élection. M. Tshisekedi s’est ainsi autoproclamé président le 9 décembre, après avoir rejeté les résultats provisoires de la présidentielle à un tour du 28 novembre annoncés par la Commission électorale (Céni) donnant Kabila gagnant avec 48,95% des suffrages, devant dix autres candidats, dont Etienne Tshisekedi (32,33%), arrivé deuxième.
Rejetant les résultats de la présidentielle ayant donné la victoire au sortant Joseph Kabila, qui a été investi mardi dernier, l’opposant congolais E. Tshisekedi n’a cessé de répéter qu’il se considérait comme le « président élu » de la RDC et a annoncé qu’il prêterait serment ce vendredi à Kinshasa. « Je vais prêter serment vendredi prochain devant le peuple réuni au Stade des Martyrs » à Kinshasa, a déclaré l’opposant, qui a eu 79 ans cette semaine, en réitérant qu’il se considérait toujours « président élu » de la RDC suite à l’élection du 28 novembre dernier.
Des vives protestations partout dans le monde
En ce qui concerne les manifestations à l’étranger contre les résultats des élections en RDC, c’est à Bruxelles qu’on a signalé d’intenses protestations qui ont même dégénéré en troubles violents. Plusieurs personnes ont manifesté tout le long de la semaine dernière contre la réélection de Joseph Kabila à la présidence de la République démocratique du Congo, au cours de ces manifestations qui se tenaient généralement dans le quartier MATONGE où est concentrée une forte communauté congolaise, on a signalé des actes de vandalisme. Des vitrines de magasins ont été brisées, des véhicules endommagés et seize policiers ont été blessés. Il y a eu 144 arrestations. Les manifestants, assez remontés, ont également importuné des journalistes francophones présents sur place auxquels ils reprochent de ne pas faire de comptes-rendus objectifs sur les élections et la situation au Congo. Face à l’ampleur des dégâts, dimanche dernier le bourgmestre d’Ixelles Willy Decourty a déclaré à la RTBF qu’aucune manifestation de la sorte ne serait plus autorisée ni tolérée. Une impressionnante présence policière est désormais déployée en permanence à Matonge, pour pallier à toute manifestation. Il n’est plus autorisé dans certaines rues d’Ixelles, un rassemblement de plus de 10 personnes.
Les manifestations de ceux qui n’acceptent pas le résultat officiel de l’élection présidentielle et considèrent comme président régulièrement élu l’opposant Etienne Tshisekedi, ont également été signalés ces derniers temps à New York, Paris, Tokyo, Johannesburg, Pretoria, Washington, en Suisse ainsi qu’auxPays-Bas.
La crise post-électorale en République démocratique du Congo rappelle le scénario ivoirien : deux candidats se proclament vainqueurs à l’issue d’un scrutin contesté. Même si les deux situations ne sont pas du tout comparables, elles aboutissent aux mêmes effets, en termes de frustrations susceptibles de se transformer en violences meurtrières. La crise congolaise risque de s’envenimer davantage avec l’annonce de la prestation de serment ce vendredi 23 décembre de l’éternel opposant, Monsieur Tshisekedi qui se dit être le seul président légitime de la RDC.
On se demande également comment en finir avec cette crise d’autant plus que Tshisekedi refuse tout compromis et toute négociation. « Je ne suis pas prêt à négocier avec (Daniel Ngoy) Mulunda (le président de la Céni) ni avec (Joseph) Kabila« , a-t-il déclaré dimanche dernier à l’AFP.
Jean Mitari