« Les États n’ont pas d’amis les États n’ont que des intérêts » disait De Gaulle, bout de phrase célèbre qu’aucun observateur averti des relations internationales ne saurait démentir.
Il serait donc naturel de concevoir que dans une situation de crise entre deux États, leurs autorités politiques respectives puissent appliquer ce principe dans sa plus grande rigueur.
Et il ne fait aucun doute que le moyen par excellence de la politique étrangère d’un État est sa diplomatie. Par cette diplomatie, un État peut éviter une guerre, accroître son influence et par ricochet asseoir son autorité.
Malheureusement pour la RDC, une grande part de ses sempiternels problèmes d’insécurité semble être la conséquence logique de ses manquements et incohérences dans le domaine diplomatique particulièrement à l’égard du RWANDA.
Si la diplomatie était un combat de boxe, le visage affreusement boursouflé de la RDC aurait certainement contraint son camp à jeter l’éponge tant il serait inhumain de le laisser continuer à subir une telle domination sans réaction adéquate.
Il est en effet révolu le temps où le Grand Congo, principal sous-traitant de la politique américaine en Afrique centrale dictait sa loi aux pays de la région. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et Le Congo n’est plus le relais valable de l’impérialisme américain en Afrique centrale. Beaucoup de spécialistes s’accordent pour justifier cette réorganisation structurelle de la sous-traitance américaine en citant 3 faits majeurs : la chute du mur de Berlin en 1989, le renouvellement de la classe politique américaine dès 1993 soucieuse de mettre à jour certains accords bilatéraux à sensibilité stratégique et enfin la tragédie rwandaise de 1994.
Vous comprendrez donc que le faiseur des rois ait jeté son dévolu sur ce territoire Est-Africain de 26338 km2, grâce aux garanties lui apportées par son sherpa attitré, PAUL KAGAME.
C’est donc avec une certaine assurance que le Rwanda s’ingère quand bon lui semble dans les problèmes internes de son cher voisin prétextant à chaque fois la présence quasi permanente des FDLR sur le sol congolais depuis le génocide de 1994.
A ce jour, il se constate que tous les accords signés entre les deux pays penchent en faveur du Rwanda.
Qu’en est-il aujourd’hui? M23 mouvement rwandais ou mutinerie des FARDC?
Des récents événements, les observateurs et autres analystes tant nationaux qu’internationaux paraissent déboussolés autant par la nébulosité des intentions des « mutins du M23 » que par les réponses apportées par le gouvernement congolais.
L’un des premiers signes de cet apparent embrouillamini est venu de la réaction apathique du gouvernement congolais après qu’une fuite d’une annexe du rapport des experts des Nations Unies relayée par la BBC le 28 mai 2012 ait fait état de l’implication du Rwanda dans la mutinerie du M23.
Interrogé, le porte-parole du gouvernement, le ministre des Médias Lambert Mende, avait nettement pris la défense de Kigali. «Il n’est pas exclu que l’on soit en face d’une provocation de gens qui veulent perturber davantage la situation en créant des problèmes entre le Rwanda et nous. Une vérification est en cours, mais a priori nous n’avons pas d’élément qui puisse confirmer de telles accusations», avait-t-il alors déclaré.
Le 09 juin 2012 soit 12 jours plus tard, nous apprenions par la bouche du même Ministre MENDE que les éléments du rapport faisant état de l’implication du RWANDA étaient corroborés par les conclusions des enquêtes tripartites RDC-RWANDA-MONUSCO initiées le 01 juin 2012 suite aux révélations de la dite annexe (conclusion réfutée par le Rwanda) , mais qu’il n’était nullement question d’agir avec précipitation afin « de ne pas mettre en péril les efforts de paix ». Aux regards des conséquences désastreuses de cette annonce tardive, nous pouvons affirmer sans crainte d’être contredit que le gouvernement a mal apprécié la situation car la confiance de l’opinion nationale en particulier la population kivutienne à l’égard de la loyauté des troupes combattantes s’est quelque peu fissurée faisant ainsi des ces vaillants défenseurs du territoire national les bouc-émissaires d’une gestion calamiteuse de la crise. Ainsi comme un effet domino associé à la conjonction de plusieurs éléments déstabilisateurs les troupes congolaises entamèrent le cycle des revers militaires alors qu’ils avaient jusque là réussi à faire battre en retraite les troupes ennemies, renouant au passage avec certaines vieilles pratiques indignes tels que le pillage et le dépouillement de la population dans les localités d’Epulu le 27 juin 2012, et de Walikale-centre 19 juillet 2012.
Rebelote, le 27 juin 2012, à la suite du même exercice communicationnel, nous assistions avec stupéfaction à une contradiction consternante du ministre par rapport à ses précédentes sorties du 9 juin et du 28 mai. Nous apprenions ainsi de sa bouche que le gouvernement congolais avait initié depuis janvier 2012 une enquête interne suite à la désertion de quelques officiers et que les infos récoltées allaient dans le sens des conclusions du rapport tripartite concluant à la duplicité avérée du RWANDA. Reconnaissant implicitement un mensonge dans sa déclaration du 28 mai cité ci-haut et explicitement une rétention volontaire d’informations.
Par cette révélation passée inaperçue aux yeux de la presse aussi bien nationale qu’internationale, le gouvernement congolais semblait reconnaitre ce que naguère certaines opinions indépendantes lui reprochaient, son apparente complicité.
Car comment expliquer que le gouvernement congolais étant au courant de l’implication du Rwanda dans la mutinerie et ce bien avant la fuite du rapport des Nations Unies, commençât d’abord par défendre le même gouvernement rwandais comme rapporté ci-haut et quelques temps après simulât sa participation dans la commission mixte de vérification pour enfin reconnaitre à demi-mot ce que tout le monde savait y compris lui-même. Cette théâtralisation d’un mauvais genre semblait très peu faire cas des vies humaines en jeu, des centaines de milliers de déplacés congolais ayant placé leur ultime espoir sur ce même gouvernement.
Cerise sur le gâteau, le gouvernement congolais semble s’auto congratuler à chacune de ses sorties s’octroyant à chaque fois un satisfécit « mérité » pour sa conduite diplomatique, ils paraissent complètement ignorants de la réelle cristallisation du mépris populaire pour cette désinvolture affichée.
Autre exemple de flagrance
Le 19 juin 2012 la ministre des affaires étrangères du Rwanda Mme Louise Mushikiwabo était reçue en grande pompe par les autorités congolaises pour échanger sur la situation à l’Est alors que Kinshasa détenait tous les éléments confirmant l’implication du Rwanda dans la déstabilisation de la RDC. Les autorités congolaises avaient quant à eux justifié cette rencontre par le souci de privilégier le dialogue afin de mettre fin à cette situation.
Cette réunion était donc l’occasion de taper du point sur la table et d’intimer l’ordre au Rwanda de retirer ses troupes de l’Est du Congo. Au lieu de cela les autorités congolaises se sont faites très subtilement remonter les bretelles par la non moins pugnace Louise Mushikiwabo, les sermonnant à la limite et les invitant à « éduquer » la population congolaise à avoir assez de jugeote pour comprendre définitivement que le Rwanda souhaite la pacification du Congo.
Cette petite fessée diplomatique qui sous d’autres cieux pouvait froisser la bonne entente entre 2 États voisins est passée inaperçue dans la presse congolaise tant les autorités elles-mêmes n’en avaient fait cas.
Nous apprenions un jour plus tard soit le 20 juin que La RDC avait saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies lui demandant de condamner fermement le Rwanda suite aux preuves rapportées par ses experts.
À la question de savoir pourquoi les autorités congolaises recevaient la Ministre rwandaise à Kinshasa pour dialoguer et adressaient en même temps une lettre au Conseil de Sécurité lui demandant de condamner le Rwanda , l’un des porte-paroles de la majorité présidentielle au pouvoir à savoir Mr Papy Tamba rétorqua sur le plateau de l’émission Télé Matin de la chaine Télé 50 en date du 23 juin 2012 que l’envoi de cette lettre était consécutive aux propos incendiaires du président KAGAME à Kigali le jour même où se tenait la rencontre bilatérale à Kinshasa entre les 2 pays.
Cette lettre serait donc une réponse ferme du gouvernement congolais, pensions-nous.
Sauf que nous apprenions par la suite que cette correspondance du gouvernement à l’égard du Conseil de Sécurité datait du 14 juin et non du 20 comme a essayé de le faire croire Mr Tamba. La date du 20 juin correspondait en réalité à la date de sa réception officielle.
Élément qui vide de tout son sens l’argument congolais et remet sur la table la question légitime que tout congolais est en droit de se poser : quelles stratégies diplomatiques appliquons nous? Quelles en sont les finalités ?
Le summum de l’ineptie politique est arrivé avec l’acceptation par la RDC du fameux « principe» de la mise sur pied d’une force internationale neutre afin “d’éradiquer” les rébellions actives dans l’est de la RDC et surveiller la frontière commune Rwando-congolaise.
L’absurdité de cet accord réside dans certaines de ses lignes qui consacrent une part belle à la traque des FDLR, revendication ultime du Rwanda. On se demande donc par quelle formule magique les revendications rwandaises ont été retenues en supplantant à la limite celles congolaises alors que la conférence avait été convoquée presque exclusivement pour celui-ci et à la demande de ses autorités.
Quel tour de passe-passe KAGAME a dû utiliser pour sortir de cette conférence sans aucune condamnation de la CIRGL ni de l’Union africaine alors que c’était l’un des objectifs affichés par la diplomatie congolaise. Cette rencontre appelé au départ au chevet du Congo malade a vu ses attentions se retourner vers le Rwanda bien portant.
Le mode opératoire de cette nouvelle opération armée demeure inconnu à ce jour. Hormis l’information selon laquelle l’Union africaine à travers la CIRGL assurera sa mise sur pied. Sa composition et son financement restent un mystère, tout comme la coordination sur le terrain des opérations aux côtés de la Monusco.
Hier encore Nous apprenions par les ondes de la BBC que la traque de Joseph Kony semblait compromise par manque des troupes, d’équipement et de fonds selon le chef de la force de l’Union africaine chargée de le traquer, nous nous questionnons donc sur l’opportunité de la mise sur pied de cette force neutre à déployer le long de la frontière commune par l’union africaine. Kinshasa ne vient-il pas de subir son énième K.O diplomatique???
Et qu’en est-il des dernières condamnations de la communauté internationale?
Serait-ce à cause de la pression du gouvernement congolais?? Une petite analyse s’impose.
Nous avons démontré plus haut que n’eut été le rapport des experts des Nations Unis le monde n’allait découvrir le rôle joué par le Rwanda dans sa déstabilisation du Congo alors même que le principal concerné à savoir le gouvernement congolais continuait à se montrer fébrile sur le sujet.
Souvenons nous le 28 juin nous apprenions que L’administration américaine faisait pression sur l’ONU pour empêcher la diffusion dudit rapport. En essayant de comprendre cette protection des États-Unis de son meilleur allié de la région nous pouvons supposer qu’une mise en cause étayée du rôle du Rwanda dans la déstabilisation de la RDC pourrait également éclabousser les USA à cause de ses liens privilégiés avec Kigali. Et la cohérence de sa politique étrangère exigerait qu’ils ne soient associés ni de près ni de loin à de telles activités. Le samedi 30 juin 2012 soit 2 jours après, le Département d’Etat franchissait un pas supplémentaire en demandant au Rwanda « d’arrêter et d’empêcher tout soutien à la rébellion congolaise depuis son térritoire ».
Comment se fait-il que l’administration américaine ait finalement tourné casaque en autorisant la publication de ce rapport l’adjoignant d’une suspension de l’aide militaire de 200000 dollar et d’un durcissement de ton face à son traditionnel allié?
Comme dit ci-haut au nom de la cohérence de sa politique étrangère car ayant depuis 4 ans défini la ligne de sa politique étrangère au nom du « smart power » impliquant une prudence au cœur de l’action diplomatique en rupture franche avec la politique prônée par les néo-conservateurs, celle du « hard power » .
Depuis plus de 10 ans l’ONU et plusieurs organisations non-gouvernementales produisent des rapports accusant le Rwanda d’être impliqué dans la tragédie congolaise et le silence associé à l’inaction des USA pourrait à la longue s’interpréter comme un permis d’assassiner, de violer et de piller. Pour Un Etat qui prône les valeurs démocratiques, ces pratiques des alliés font tâche.
Face donc à ce travail mal fait du Rwanda pouvant occasionner des dommages collatéraux graves il fallait se montrer ferme et exemplaire en envoyant un signal fort.
Quant à ceux qui pensent que les USA ne veulent plus soutenir KAGAME à cause de son implication dans le conflit congolais détrompez vous, l’administration américaine ne redéfinit pas sa politique étrangère au gré des humeurs. Ils veulent simplement le punir d’avoir laissé des traces dans son forfait. Cela se confirme d’ailleurs par les déclarations sous anonymat d’un membre du conseil de sécurité à qui il était demandé si la requête congolaise sur la condamnation des officiels rwandais cités dans le rapport avait une chance d’être acceptée? « J’en doute, car il n’y a aucun appétit au sein du conseil pour sanctionner des officiels rwandais. L’idée est plutôt de pousser le Rwanda et la RDC à négocier »
Ainsi, au nom de la communauté d’intérêt et de l’action solidaire la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne ont emboité le pas aux USA.
Aux regards des éléments démontrés ci-haut nous ne pouvons que recommander aux autorités congolaises d’affuter dès à présent ses armes vers une ligne diplomatique plus claire plus agissante et plus dissuasive ou de déposer car comme dit le proverbe « l’ambition dont on n’a pas le talent est un crime », et dans ce cas le crime est commis envers son propre peuple.
Charis Basoko
Jambonews.net