Avec insistance et colère, Paul Kagame a réfuté une fois de plus, l’implication du Rwanda dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC, malgré de nombreux rapports qui affirment le contraire. Dans un discours prononcé le 23 novembre 2012 devant les parlementaires et corps diplomatiques, au cours d’une cérémonie d’assermentation de l’ambassadeur Eugène Richard Gasana qui va représenter le Rwanda au Conseil de sécurité de l’ONU, le Général devenu président a été jusqu’à contester la fiabilité des experts des Nations-Unies, qu’il taxe indirectement de « négationnistes, révisionnistes ».
« Le Rwanda n’est pas responsable de l’insécurité dans la région, je peux le répéter plusieurs fois, (…) on n’est pas la source des problèmes chez nos voisins et dans la région, ce n’est pas vrai. ceux qui écrivent des rapports qui disent le contraire ne font que rapporter à ceux qui les ont envoyés, un rapport qui confirme ce qu’ils croient ou veulent passer comme vérité, si vous voyez la liste des personnes qui rédigent ces rapports, on verra que certains entre eux nient l’histoire du Rwanda et de la région, ces gens-là, ils ont été choisis pour apporter un rapport souhaité, et non un rapport qui se base sur la vérité, ils rédigent d’abord un rapport de ce qu’ils veulent entendre, et après vont sur le terrain pour chercher confirmation de ce qui est déterminé d’avance » a argué Paul Kagame dans son discours lors de la cérémonie d’assermentation.
Le numéro un rwandais a demandé à ce que son pays soit traité avec respect et a souligné qu’être dépendant de l’aide extérieure ne justifie pas d’être traité comme « des vaches ». « Nous ne sommes pas un troupeau de vaches que l’on conduit à l’aveuglette. Nous sommes les maîtres des vaches. Nous sommes un petit pays, mais nous ne sommes pas un petit peuple. Nous sommes pauvres, mais nous sommes riches de notre intelligence. Personne ne nous empêchera d’exercer nos responsabilités, sans peur, sans reproches. » a-t-il réitéré avec colère.
Ce discours fut prononcé quelques jours avant que la Grande-Bretagne, dont l’ancien Premier Ministre, Tony Blair, est le conseiller de Paul Kagame, coupe son aide budgetaire d’une somme de 21 millions de livres prévus pour le mois de décembre .
Dénoncé de toutes parts à cause de l’aide militaire qu’il apporte au M23, la rébellion qui ensanglante l’Est du Congo, Paul Kagame continue cependant de vanter les mérites de son régime et injurie ses détracteurs. « Sur ces 20 dernières années, on va être au Conseil de sécurité de Nations-Unies pour la deuxième fois, sauf que en 1994, le gouvernement qui était en place se livrait aux massacres. Nous avons aujourd’hui un nouveau Rwanda, pas celui qui était représenté au Conseil de sécurité tout en tuant les gens en 1994. Nous allons à l’ONU pour agir » s’est-il exclamé.
Pour rappel le régime de Paul Kagame est lui-même accusé par un rapport des Nations Unies d’avoir, entre 1996 et 2002, perpétré des crimes à l’encontre des réfugiés hutus pouvant être qualifié de crimes de génocide si prouvé devant un tribunal compétent.
A l’heure où son pays s’apprête à siéger aux Nations-Unies pour les deux prochaines années à venir, le dirigeant rwandais tente sans succès de remuer ciel et terre pour faire oublier la coordination d’un mouvement rebelle qui commet des atrocités impensables à l’Est du Congo, c’est ainsi qu’il fait sortir la carte qu’il joue depuis son arrivée au pouvoir en 1994.
Alors que les pays, en premiers lieu la RDC, intensifient les pressions sur la Communauté internationale, afin d’empêcher le Rwanda de siéger au Conseil de sécurité à cause du rôle de ce pays dans la déstabilisation de la région des Grands Lacs, le maitre du Rwanda préfère rappeler à la communauté internationale qu’un gouvernement « génocidaire » a siégé sans gêne au Conseil de sécurité en 1994. Dès lors la question se pose si le message qu’il tient à passer est : si vous les avez laissé y siéger, cesser de nous importuner et laisser nous aussi le faire.
Les « lâches », « bons à rien »
Il est rare que Paul Kagame termine ses discours sans s’en prendre à ses opposants, en particulier ses anciens proches qui ont pris le chemin de l’exil. « Ibigarasha » (bons à rien), c’est le terme qu’il utilise sans modération lorsqu’il veut désigner ceux qui ne parlent pas le même langage que lui.
« Le pays comme on l’a trouvé (en 1994 ndlr), on endormait la population, en lui disant que c’est un pays d’agriculteurs, nous, nous avons construit un pays nouveau et respectable » déclarait Paul Kagame le 26 novembre dernier devant des jeunes rescapés du génocide de 1994.
« Les lâches s’éloignent de nous et partent, ils ne partagent pas nos façons de travailler, notre vision, ils s’écartent des hommes braves que nous sommes, se tamisent et se mettent à part. Vous connaissez les gens que j’ai appelés un jour Ibigarasha (bons à rien). Quand on purifie l’eau, l’eau potable passe et ce qui est retenu savez-vous comment appelle-t-on ? Des détritus (Ibiroha). Nous, FPR, les véritables Rwandais, on n’accepte pas de travailler avec les « détritus ». Si on tire sur un rocher, il se casse, mais nous, on est un rocher incassable », A lancé l’homme fort du Rwanda au cours de la même cérémonie. « Les lâches, détritus » auxquels il fait allusion sans les citer, sont ses anciens compagnons d’armes qui ont fui le pays après quelques brouilles avec lui, et qui aujourd’hui s’opposent à son régime depuis l’exil. Il s’agit notamment de son ancien chef d’état-major Kayumba Nyamwasa, réfugié en Afrique du Sud, et son ancien chef de Cabinet Théogène Rudasingwa réfugié aux Etats-Unis.
Menaces et intimidations
Ce n’est pas la première fois que le général Paul Kagame tient un discours virulent à l’encontre de ses détracteurs. En effet, pour exemple, lors de son discours présidentiel du 9 août 2010, il avait déclaré que « Ceux qui veulent la guerre, ils auront la guerre. Et ils le regretteront ». Cette menace faisait suite à l’appel de son ancien chef de service de renseignements extérieurs, Patrick Karegeya, qui avait appelé dans le journal The Observer, tous les Rwandais à se « soulever » contre la « dictature » au Rwanda. .
Le 5 août 2010, quelques jours avant ce discours présidentiel, les menaces avaient été plus précises lorsque Paul Kagame déclarait, réagissant à l’attentat qui venait d’être perpétré contre Kayumba Nyamwasa exilé en Afrique du Sud : « Nous ne sommes pas garants de la sécurité des malfaiteurs qui se sont expatriés. Mais lorsque ces malfrats déclarent la guerre au Rwanda, eux et leurs soutiens, nous les abattrons et ils ne sauront jamais qui les a frappés. Ces malfrats devraient se rappeler l’histoire du Rwanda et du FPR. Ils doivent savoir que le FPR, vous vous le savez mais laissez-moi vous le redire : pour préparer un bâton qu’on va utiliser pour frapper, il faut le passer au feu pour qu’il puisse faire mal. Le FPR et son candidat (Paul Kagame NDLR), nous sommes ce bâton-là, quand on frappe, on laisse les victimes. Les gens ne devraient pas oublier notre histoire sous peine d’en payer des conséquences ».
Par ailleurs, faisant une allusion à Victoire Ingabire, une opposante emprisonnée depuis qu’elle a voulu se présenter aux élections présidentielles en 2010, le général président a déclaré que « certains étrangers veulent amener des criminels divisionnistes pour diriger le Rwanda, qu’ils les amènent diriger chez eux ». Pour lui, la communauté internationale voulait imposer Victoire Ingabire, qui a été récemment condamné à 8 ans de prison ferme, comme présidente.
Jean Mitari
JamboNews.net