Le Comité de sécurité de la ville de Kigali a annoncé ce vendredi 21 décembre que « la population devait signaler aux responsables publics tous les invités qui viennent loger chez elle », les hôtels, et les maisons d’hôtes sont soumises également à cette obligation, de signaler toute personne séjournant dans leurs établissements. Par ailleurs, la ville demande à chaque personne de « signaler tout personne ou toute situation sur laquelle elle aurait des préoccupations», sans que la ville ne précise, le type de « préoccupations» visés par cette mesure. Cette décision vient renforcer d’autres séries de mesures qui ont été adoptées en 2012 par les pouvoirs publics pour limiter les libertés publiques et renforcer la surveillance de la population. La dernière mesure en date étant l’injonction, en date du 22 décembre, à tous les détenteurs des téléphones portables de se faire enregistrer sous peine de voir leurs cartes SIM bloquées après le 31 juillet 2013.
Après des lois relatives à l’idéologie génocidaire et au sectarisme, des lois visant à surveiller les appels téléphoniques, les échanges de courriels et les consultations de sites web, le régime de Kigali renforce encore son emprise sur la population en l’obligeant à signaler quiconque vient loger chez elle, étendant ainsi la surveillance jusque dans les foyers.
Lors d’une réunion que le Comité de sécurité de la ville de Kigali a tenu ce vendredi 21 décembre, dirigée par Ndayisaba Fidel le Maire de Kigali, il a été décidé des mesures mettant la population sous une étroite surveillance, en veillant à ce qu’on sache qui va chez qui et quand. « Le Comité de sécurité de la ville de Kigali rappelle la population qu’elle doit signaler aux autorités publiques (locales) les personnes qui la rendent visite à leur domicile » annonce le communiqué publié sur le site de la ville de Kigali sans donner aucune raison valable justifiant une telle intrusion dans la vie privé. La ville rappelle que les hôtels et mêmes les maisons d’hôtes sont également concernées par cette obligation, de tenir un registre où est consignée l’identité de toute personne qu’ils hébergent dans leurs établissements quelque soit son identité où son statut.
Cette décision vient renforcer tout un arsenal de mesures de contrôle dont le régime n’a cessé de se doter. En effet, à partir du 1er juillet 2012, tous les appels entrants de l’étranger sont payants alors que jusque-là recevoir un appel de l’extérieur du Rwanda était gratuit, il a été imposé également à partir de cette date à tous les utilisateurs de GSM de se faire enregistrer à la police. L’agence Rwandaise de régulation publique (Rwanda Utilities Regulatory Agency (RURA)), a annoncé ce samedi 22 décembre 2012 par la voix du Major Francois Regis Gatarayiha que les détenteurs des téléphones portables ont jusqu’au 31 juillet 2013 pour se faire enregistrer à la police, après cette date, ceux qui ne se seront pas fait connaitre, verront leurs cartes SIM bloquées, a annoncé Igihe.com. Cette obligation concerne plus de cinq millions d’utilisateurs de téléphones portables qui ont souscrits leur abonnement chez MTN, TIGO et Airtel, les trois principaux operateurs téléphoniques du pays.
Mais la mesure de censure ayant le plus fait grincer les dents en 2012 est une loi votée par les députés le 6 août 2012, autorisant les services de sécurité à écouter tous les appels téléphoniques et lire les courriels entre les particuliers. Cette loi punit même toute personne qui consulte (sur internet) les sites non approuvés par le pouvoir et ceux qui lisent les informations non approuvées par le pouvoir.
Dans un article intitulé « Rwanda : une étudiante emprisonnée pour idéologie génocidaire », paru sur Jambonews le 16 juillet 2011, nous étions revenus sur la manière dont, dans les établissements scolaires, la DMI (service de renseignement militaire) a engagé des petits groupes d’étudiants et professeurs, chargés d’espionner leurs collègues. Ces groupes composés principalement par des individus voués à la cause du régime, signalent chaque fait et geste de leurs collègues, tout particulièrement ceux qui sont soupçonnés de critiquer le pouvoir.
Il faut néanmoins rappeler qu’au Rwanda, les lois relatives à « l’idéologie génocidaire » et le « sectarisme », sont les plus liberticides parmi celles adoptées dans ce pays. Ces lois qui selon le régime visent à combattre les idées qui conduisent au génocide, sont rédigées en termes vagues et contradictoires qu’il est difficile voire impossible de se défendre quand on est accusé de les avoir enfreint. Selon Amnesty International ces « lois formulées en termes vagues permettent d’ériger en infraction toute critique à l’égard du gouvernement ». « En raison de l’ambiguïté des lois sur l’“idéologie du génocide” et le “sectarisme”, les Rwandais vivent dans la peur d’être punis pour avoir dit ce qu’il ne fallait pas », a expliqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. « La plupart choisissent la sécurité et préfèrent se taire » poursuit –t-il.
Avec ces mesures visants à exiger à la population de signaler aux autorités quiconque sera hébergé dans sa maison et contraignant chaque utilisateur de téléphone portable à se déclarer, le gouvernement vient de franchir un nouveau pas dans sa politique de contrôle des citoyens.
Jean Mitari
Jambonews.net