Ce vendredi 01 octobre 2010, vingt ans jour pour jour après l’attaque du FPR ayant marqué le début des hostilités au Rwanda, l’ONU a publié son rapport très attendu sur les crimes commis au Congo durant la décennie 1993-2003.
Rapport final de l’ONU, version française.
Une version non finale du rapport ayant fuité dans les médias le 26 août, il était peu probable que pour des raisons diplomatiques, les incidents relevés par le rapport soient « édulcorés » afin de plaire aux différents gouvernements accusés.
Le principal enjeu restait donc de savoir si suite aux pressions du gouvernement rwandais, les auteurs allaient enlever la qualification de crimes de génocide pour désigner les massacres à l’encontre de la population Hutu au Congo.
Aux termes de l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide , un génocide est « l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel » et la convention vise par ces actes, le meurtre, les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ou encore la soumission intentionnelle des membres du groupe devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle.
Dans les paragraphes 510 et suivants du rapport sous l’intitulé « crimes de génocide », les auteurs du rapport analysent les crimes commis contre les réfugiés Hutu au Congo au regard de cette définition.
Selon ces auteurs, les Hutu étaient à l’époque des faits, un groupe ethnique au sens de la convention et « plusieurs incidents répertoriés semblent également confirmer que les multiples attaques visaient les membres du groupe ethnique hutu comme tel. »
Les auteurs du rapport continuent en affirmant que « parmi les victimes, il y avait une majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades qui ne posaient aucun risque pour les forces attaquantes. »
Les auteurs concluent leurs développements en disant qu’il existe plusieurs éléments qui, emmenés devant un tribunal compétent pour en connaitre, pourraient être qualifiés de génocide.
Les auteurs tempèrent toutefois cette conclusion qui a attiré les foudres du régime de Kigali en avançant deux autres explications qui permettraient d’arriver à une autre conclusion.
En effet, selon les jugements de tribunaux internationaux qui ont interprété la définition du génocide, l’extermination d’un groupe seul ne suffit pas, encore faut il que l’auteur du génocide aie eu cette intention.
Selon la première de ces explications alternatives, « les campagnes de l’APR pourraient s’interpréter comme une campagne de punition collective à l’encontre des civils hutu au Zaïre soupçonnés d’avoir participé au génocide ou qui l’avaient soutenu (au) Rwanda en 1994. »
Les réfugiés n’ayant rien à se reprocher étant supposés être rentrés au Rwanda et ceux restés au Congo étant ceux qui auraient participé au génocide de 1994.
Les auteurs eux-mêmes, ne parviennent pas à justifier dans cette hypothèse pourquoi les civils Hutu congolais ont dès lors également été systématiquement exterminés ni pourquoi comme le souligne le rapport lui-même la majorité des victimes était composée « d’enfants, de femmes, de personnes âgées ».
La deuxième explication possible, selon les auteurs, pouvant être avancée pour aller à l’encontre de l’explication de l’intention de détruire les Hutu en tant que tel est celle que de nombreux réfugiés ont eu la vie sauve au Congo et qu’ils ont pu rentrer au Rwanda parfois avec l’assistance de l’APR.
Cette explication fait fi de la définition du génocide rappelée par les auteurs, selon laquelle, l’extermination d’une partie du groupe suffit pour qualifier les actes de génocide et par-dessus tout, une telle explication oublierait ce qui est arrivé aux réfugiés qui rentraient au Rwanda.
Voyez pour ces massacres notre article intitulé « Le rapport Pillay : un nouveau coup d’épée dans l’eau ? »
Nous faisons notre conclusion du rapport qui appelle à une enquête judiciaire plus approfondie afin que les auteurs de ces crimes odieux puissent être traduits devant les tribunaux compétents.
C’est à cette seule condition que le peuple rwandais pourra définitivement tourner les pages les plus sombres de son histoire et en écrire de nouvelles dans lesquelles le mot réconciliation reprendra tout son sens.
Ruhumuza Mbonyumutwa