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Jambo ASBL lance MPORE.org

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MPORE.org – mémoire et justice
MPORE.org - mémoire et justice

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Ce jeudi 24 février 2011, l’Association sans but lucratif Jambo a lancé « MPORE.org : Mémoire et Justice », un projet visant à la  commémoration de toutes les victimes des horreurs commises dans la région des Grands Lacs ces Vingt dernières années.

A l’occasion de ce lancement, Jambonews a rencontré en exclusivité Natacha Abingeneye et Yvette Umuhire, respectivement initiatrice et responsable  du projet Mpore  au sein de l’association.
Répondant à une question sur les objectifs du projet, Natacha nous explique que Mpore a pour but d’ «offrir un cadre à toutes les victimes de la tragédie des grands lacs, qu’il  vise à leur permettre de  commémorer les leurs et un jour faire appel a la justice pour qu’au final les blessures causées par les événements soient pansées et que les traumatismes soient évacués. » En bref, nous dit-elle, « l’objectif est d’en parler pour un jour pouvoir guérir ».
Yvette complète, « nous souhaitons  inciter les gens à témoigner, avoir des traces de leur histoire ; qu’elles soient écrites ou audiovisuelles peu importe, le plus important est que  cette histoire ne s’oublie pas ou ne se perde de génération en génération, qu’elle ne soit pas déformée.»
Lorsque nous lui demandons s’il n’est pas mieux de ne pas en parler plutôt que de ressasser ces pages noires, elle répond avec conviction « absolument pas et bien  au contraire, il est important de savoir d’où on vient pour savoir ou on va, ne pas en parler, c’est destructeur, ça n’apporte rien, on perd tout, on pense oublier mais ça nous détruit. »
Natacha est sur la même longueur d’ondes et complète sa collègue « Lorsqu’on n’en parle pas, comme c’est souvent le cas, on s’isole et puis on entend tel jour que l’un ou l’autre a peté un cable. Il arrive également souvent qu’on se cache, qu’ on se défoule dans des choses rien avoir, sans intérêt et certains ne veulent même plus entendre parler du Rwanda. »
« Le mutisme n’est pas une solution, il ne fait que repousser ce passé qui tôt ou tard nous rattrape »

MPORE.org - mémoire & justice

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Elle continue «  pour nous, le mutisme n’est pas une solution, il ne  fait que repousser ce passé qui tôt ou tard nous rattrape. Affronter  collectivement ce lourd  passé nous semble être le meilleur gage pour préparer un avenir plus stable tant individuellement que collectivement. Mais malheureusement,  dans la culture rwandaise,  on a pas cette  tradition de parler des moments douloureux, on est imprégné de trop de pudeur face aux événements tragiques. »
Coupant la parole à Natacha, Yvette nous donne un exemple « chez nous, lorsque quelqu’un meurt, on fait le deuil et à la fin on fait la fête, comme si de rien était, comme si on venait d’assister à un match de football. Selon moi, cela peut avoir des effets pervers,  être destructeur car au final celui qui perd les siens malgré que des centaines de gens viennent l’entourer, n’est pas accompagné  dans son deuil, il faut qu’on en parle, qu’on casse ce tabou. La vision de Mpore est que parler des morts revient à les honorer alors que dans la culture rwandaise, c’est plutôt un sujet tabou »
Natacha conclue sur cette question en affirmant que dans la communauté rwandaise, « on a beaucoup de  pudeur par rapport aux pires atrocités vécues alors  qu’on devrait arriver à ce que ceux qui le souhaitent, puissent en parler sans avoir honte. »
Lorsque nous évoquons les  origines du projet Mpore, c’est Natacha qui nous répond.
« Chaque année nous nous retrouvions début avril ou il  y’a les manifestations des 6 et 7, on s’est rendu compte qu’on était  tombé dans un esprit de compétition, qu’une sorte d’état concurrentiel s’installait, qu’on se retrouvait dans la rue afin de commémorer mais avec la tension autour de l’événement et la présence  des policiers, on avait jamais un repos pour penser aux nôtres subitement disparus et  au final,  l’essentiel de la commémoration était perdu. »
« C’est la raison pour laquelle, On a voulu sortir de la polémique des dates, et de faire la commémoration ni dans la rue, ni  dans le froid, ni dans la pluie, mais dans des conditions nous permettant de travailler le souvenir, d’être en communion avec nos proches de l’au delà. » ajoute elle.
Et Natacha complète, « donc au final, si on a voulu sortir de cette polémique, c’était pour éviter que la date ne focalise l’attention  et nous détourne du principal
« Le projet Mpore a un rêve, celui qu’à terme tous les rwandais commémorent ensemble en tant qu’un seul peuple »
MPORE.org - mémoire & justice

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Yvette termine  sur la question en nous disant que « faire ça le 6 ou le 7 avril revenait dans l’esprit des gens à commémorer une partie des victimes alors que le projet Mpore a une ambition  ou plutôt un rêve, celui  qu’à terme, tous les rwandais commémorent ensemble en tant qu’un seul peuple, et non en tant que Hutu Tutsi et twa. » Et ce rêve, nous assure t’elle, «  nous le concrétiserons ».
Les deux nous expliquent qu’à l’origine, la première commémoration a été menée par une dizaine de jeunes filles et que le choix, des filles n’était pas anodin.  Pour elles, la femme a une meilleure faculté de communication,  une plus grande sensibilité et les femmes incitent à la paix. Et malgré que le projet était piloté dans la salle par la gent féminine, plusieurs hommes ont participé à la commémoration, et beaucoup les ont remercié à la fin, leur disant  avoir été fortement émus tout au long de celle-ci, nous disent elles.
Nous terminons nos questions en leur demandant ce qu’elles font dans le concret et ce quelles demandent à la communauté rwandaise.
Et Natacha de répondre «  par le biais du site, nous souhaitons recueillir des témoignages, qui seront  organisés par date, par lieu et les archiver d’une manière palpable. Ces témoignages seraient diffusés sur le site d’une manière régulière, car même si  certaines dates sont plus symboliques, pour nous le souvenir des nôtres disparus est permanent, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’avions aucun attachement particulier ni au 6 ni au 7. »
A côté de ça, nous avons d’autres activités, auxquelles nous invitons les membres de la communauté à participer. Le 16 avril 2011, par exemple, une conférence sur l’importance de la mémoire aura lieu, elle  sera suivie d’une commémoration comme l’année dernière, à Bruxelles.
Yvette complète  à propos du  site internet : « Notre site internet vise également à conscientiser  les gens par rapport à l’importance de la mémoire et  l’importance de rassembler les témoignages. Nous inciterons les victimes à partager leurs vécus. »
Elle poursuit « A court terme nous nous proposons d’assister les victimes qui le désirent à rédiger leurs témoignages. Nous voulons être une oreille attentive.   A moyen terme, l’objectif est de trouver  quel accompagnement judiciaire, on peut offrir aux victimes
Et ensuite conclut  « A plus long terme,  Une fois que les blessures seront pansées que chaque victime aura pris conscience de la douleur de l’autre, on vise la réconciliation, qui sera dans notre vision, une conséquence de ce travail de mémoire commune. »
Pour Natacha « quand on se focalise sur sa propre douleur, on risque de se confiner, et ne pas aller au delà pour accepter  l’autre. »
Car selon Yvette, «  Il faudrait arrêter d’échelonner les souffrances, ne pas juger, c’est destructeur et pas constructif, pour se reconstruire, le peuple rwandais a avant tout besoin de dialogue, d’écoute et d’empathie à l’égard  des victimes qui ont connues d’autres bourreaux »
Lorsqu’on leur demande si elles ont un message qu’elles désirent communiquer à la communauté rwandaise, elles répondent en chœur :
« On invite toutes les victimes, Hutu, Tutsi, Twa qui veulent sortir d’un système de mémoire sélective à nous rejoindre. »
Ruhumuza Mbonyumutwa
JamboNews.net

 

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