Près de 32 millions d’électeurs étaient appelés à élire ce lundi 28 novembre 2011 leur président et quelques 500 députés, en République démocratique du Congo : un pays grand comme l’Europe de l’Ouest. Onze candidats briguaient la magistrature suprême alors qu’ils étaient plus de 18500 à se présenter pour le poste de député, donnant lieu à un bulletin de vote pléthorique de 56 pages, une première dans l’histoire.
Les deuxièmes élections pluralistes en RDC se sont déroulées dans un climat d’extrême tension après la répression violente durant le week-end d’une manifestation pro-opposition, à Kinshasa. Elles furent également entachées de nombreuses irrégularités. Des accusations graves de fraudes à l’encontre du pouvoir en place, mais aussi une certaine pagaille dans l’organisation des quelques 64000 bureaux de vote ont caractérisé ces élections. Un peu partout dans le pays, plusieurs électeurs ont déclaré à différents journalistes avoir été privés du droit de suffrage, faute de trouver leurs noms sur les listes d’électeurs.
Des violences meurtrières
A Lubumbashi (capitale de la province du Katanga), deux policiers et une électrice ont été tués lors de l’attaque d’un bureau de vote par un groupe armé. Un peu plus tôt, toujours dans la même ville, un convoi de matériel électoral était la cible d’une autre attaque, au cours de laquelle sept à huit assaillants ont été tués. Aussi, une Jeep de la MONUSCO contenant des bulletins électoraux a été incendiée, au motif qu’elle contenait des bulletins déjà cochés en faveur de Kabila.
A Mbandaka dans la province de l’équateur, d’après Radio Okapi, des présidents de bureaux de vote et leurs assistants ont été lapidés par des électeurs en colère. Ces derniers soupçonnaient un bourrage des urnes au centre électoral de l’Institut Moteyi, car au moment du vote du gouverneur de la province, Jean Claude Baende : tous les témoins, à l’exception de ceux de son parti (de la majorité présidentielle), ont été évacués.
A Kananga, dans la province du Kassaï, une douzaine de bureaux de vote ont été incendiés après que des électeurs aient trouvé des bulletins de vote sur lesquels le candidat numéro 3 (Joseph Kabila) était pré-coché ! Dans plusieurs autres villes du pays, les mêmes incidents ont été rapportés par des témoins à des congolais de la Diaspora. On dénombre aussi des cas de lynchages des personnes retrouvées en possession de bulletins de vote.
Au quartier Basoko, trois heures après l’ouverture des bureaux de suffrage, les scrutins n’avaient pas encore commencé. Toujours Selon Radio Okapi, Les présidents des bureaux de vote et les assesseurs refusaient de montrer aux électeurs et témoins des candidats le fonds des urnes avant adhésion. «Alors, personne ne votera dans ce centre de vote !», scandaient les électeurs.
Dans plusieurs villes du Congo, le matériel électoral n’est pas arrivé à temps, de sorte que la durée du vote a dû être prolongée de « quelques heures », d’après les déclarations de Mathieu Pita, rapporteur de la Commission nationale électorale indépendante (CENI).
Malgré les déclarations se voulant rassurantes de la CENI, qui a jugé les élections « satisfaisantes », la question, déjà posée à plusieurs reprises par de nombreux observateurs avant les élections, revient sur toutes les lèvres, à savoir si le Congo était prêt pour ces élections, étant donné le climat?
Elections déjà contestées
Lors d’une conférence-débat, organisée le 7 novembre à Louvain-la-Neuve (Belgique), par la Coordination Générale des étudiants étrangers de l’Université catholique de Louvain (UCL) et réunissant les principaux partis dont le PPRD, au pouvoir : l’Abbé Jean Pierre Mbelu, analyste politique, n’était pas passé par quatre chemins. Il avait demandé au public présent: « comment voulez-vous qu’on organise des élections dans un pays sous tutelle » – estimant que tant que l’Etat congolais n’ést pas souverain politiquement et économiquement, et ne contrôle pas l’ensemble de son territoire, immense – dont certains pans sont dominés par des groupes armés qui massacrent et violent, il était illusoire d’espérer des élections libres, démocratiques et transparentes.
Le constat était pourtant prévisible. A peine le processus électoral venait de démarrer, que la RDC changeait sa constitution, décidant de passer d’une élection de deux à un tour, favorisant davantage le Président sortant, Joseph Kabila, candidat à sa propre succession. Cette décision, éthiquement impensable dans un Etat de droit, bien qu’ayant fait quelques vagues, ne remettait pourtant pas en cause l’ensemble du processus. La suite de la campagne était du même acabit ; Kabila utilisant tous les moyens de l’Etat à sa disposition pour faire sa campagne, ne laissant que quelques miettes à ses opposants.
Dans ces conditions, la messe semblait dite et rien ne semblait arrêter sa marche triomphale vers un second mandat, d’autant plus que l’opposition échouait à proposer une candidature unique, suscitant ainsi la colère de plusieurs congolais qui réclamaient le changement. Lors de la même conférence déjà évoquée, l’une des personnalités congolaises les plus en vue en Belgique, Pie Tchibanda, avait averti les partis d’opposition présents en ces termes « vous êtes tombés dans le piège tendu par le pouvoir, vous parlez comme s’il s’agissait d’une élection à deux tours » – faisant référence aux divisions de l’opposition congolaise – le tout sous les applaudissements du public, composé essentiellement de jeunes universitaires de la diaspora congolaise.
Mais à la surprise générale, et malgré des moyens limités, Etienne Tshisekedi, le « Sphinx de Limete», qui n’a jamais aussi bien mérité son surnom est parvenu à sortir du lot, réussissant – au fur et à mesure qu’avançait la campagne électorale – à se présenter comme l’alternative à Joseph Kabila, transformant alors progressivement l’élections à onze têtes en une élection bicéphale. S’assurant au passage le bénéfice du « vote utile ».
Risque d’une recrudescence des violences
Au lendemain des élections, alors que les résultats ne seront proclamés que le 6 décembre, quatre candidats dont Léon Kengo Wa Dondo et Vital Kamerhe ont déjà contesté le résultat et réclament l’invalidation pure et simple du scrutin pour fraudes, violation de la loi électorale, ou encore manipulations des votes. Jusqu’à présent, le principal favori de l’opposition, Etienne Tshisekedi, n’a fait aucune demande allant dans ce sens, pas plus que bien évidemment, le président sortant, pour la simple et bonne raison que les deux sont confiants quant à une issue favorable du scrutin pour leurs camps respectifs.
Il faut dire que lors d’une conférence à la mi-octobre, Etienne Tshisekedi avait, le premier, annoncé la couleur, notamment : « je suis sûr de gagner les élections ». La réponse de Kabila ne s’était pas fait attendre : « je suis sûr et certain de ne pas perde », avait-il assené, lors d’une conférence de presse organisée à peine quelques jours plus tard, à Kinshasa. Du côté de la diaspora congolaise vivant en Europe, visiblement acquise à la cause de l’opposant historique, on se veut également confiant. Et malgré de nombreuses accusations de fraude portées contre le camp de la majorité présidentielle, on ne doute pas une seconde de la victoire de « Ya Tshitshi ».
Henry Muke, un des leaders des « combattants » de Belgique qui réclament depuis plusieurs mois le départ de Kabila sans conditions, à coups de slogans « Kabila, dégage » empruntés à la révolution du Jasmin, a ainsi déclaré à Jambonews « Nous avons déjà eu des échos fiables des bureaux de vote. Etienne Tshisekedi dans la plupart d’entre eux était annoncé gagnant à 70, 80% parfois plus. Kabila a beau bourrer les urnes, il ne pourra pas faire de miracles ».
Les résultats des élections seront annoncés le 6 décembre prochain et jusqu’à présent, rien ne semble indiquer que le perdant sera prêt à accepter la défaite ; ce qui laisse craindre une nouvelle flambée de violences meurtrières.
En attendant, un calme très relatif semble être revenu en RDC, au lendemain du scrutin.
Le calme avant la tempête ?
Ruhumuza Mbonyumutwa
JamboNews.net