« Souviens toi. Le souvenir est plein d’enseignements utiles, dans ses replis, il y a de quoi désaltérer l’élite de ceux qui viennent boire ».
Ainsi, je me souviens…Victor Hugo, Charles Baudelaire, Socrate, Pythagore, Karl Marx, Levis Strauss, Louis XIV, Sigmund Freud…
Sillage infrangible d’un illustre cortège, au rang desquels trônent écrivains, poètes, philosophes, mathématiciens, historiens, anthropologues, monarques, psychanalyste, etc, qui ne se souvient, ou pis, ignore, l’existence de ces figures emblématiques.
Que de fois, les écrits des uns, la pensée des autres, les actions d’autres encore, n’ont estampillé les mémoires et marqué l’Histoire d’un sceau d’éternité.
Berceuses studieuses de nos enfances instruites sur les bancs de la pensée occidentale, nous gardâmes, parfois savamment, parfois maladroitement, parfois passionnément, parfois jalousement, le souvenir de ces personnages mythiques, furent-ils antiques, modernes ou contemporains.
Pourtant, Caliban déporté, Caliban acculturé, Caliban intégré, Caliban au pays de Prospéro aura-t-il aussi su se souvenir de René Maran, Aimé Césaire, Anthohn Wilhelm Amo, Léon Gontran Damas, Benjamin Solomon Carson, Cheikh Anta Diop, Josepj Ki-Zerbo, Joseph Tchundjang, le sultan Njoya, Frantz Fanon, Kwamé Nkrumah ?
Caliban – symbolique d’une civilisation naguère épiloguée anhistorique[1]– étranger, immigré, déraciné, Caliban doit s’inscrire dans le cheminement dialectique de la ré appropriation historique et la reprise de son soi identitaire.
Ainsi à la déconstruction identitaire et à la falsification de l’altérité qui eurent cours durant des siècles, et perdurent encore subtilement, Caliban, reconnaissable, en chacun de nous, étrangers aliénés et nourris au feu sacré de la culture occidentale, doit édifier son savoir sur son histoire, sa culture, ses récits et personnages mystiques.
A la manière de ces récits de griots, les mémoires de Caliban auront vocation à raconter et rappeler les aspects socio-culturels de l’Afrique noire dans leur complexité, diversité et richesse.
Partant, les Mémoires de Caliban, mensuellement, fourniront une réflexion autour d’une personnalité, d’un événement, ou tout autre aspect relatif à la culture africaine.
Et de ponctuer cette introduction, par cette vive exhortation, «l’histoire africaine doit être une source d’inspiration pour les générations qui montent, pour les politiciens, les poètes, les écrivains, les hommes de théâtre, les musiciens. les savants de toutes sortes et aussi tout simplement pour l’homme de la rue. Ce qui frappe dans les pays européens, c’est cet auto-investissement continuel du passé dans le présent. La continuité n’est pas rompue. Les hommes politiques citent les auteurs du XVIe siècle ou même les écrivains gréco-latins. Le nom des avions ressuscite les réalisations du passé : caravelle, frégate, etc… Les navires et les bars font revivre les grandes figures ou batailles historiques : Richelieu, Pasteur, Jules Verne, Trafalgar, etc… De même l’historien de l’Afrique, en ramenant à la vie le passé de ce continent, crée un capital spirituel qui constituera une source multiforme et permanente d’inspiration. Le sacrifice de Aoura Pokou, fondant le peuple Baoulé, animera des romanciers et des dramaturges. Les misères de la traite des Noirs, la tragédie des divisions qui ont affaibli les pays africains, la saga torrentielle du terrible Tchaka, tout cela constituera un bien-fonds inestimable. C’est pourquoi l’histoire doit être vivante et écrite surtout pour les jeunes, à l’âge où l’imagination bâtit des rêves qui moulent les âmes pour la vie. Il faut que le jeune Africain entende piaffer et hennir les chevaux entraînés par la furia religieuse des talibés d’Ousman dan Fodio. Il faut que dans l’entrepont infect du bateau négrier, il respire l’atmosphère étouffante et entende gronder autour les vagues de l’océan charrieur de bois d’ébène. Il faut qu’à travers le rictus des crânes préhistoriques amoncelés, il communie au mystère des sacrifices humains.”[2]
Charles Bell
Jambonews.net