Ce lundi 12 mars 2012, le procès de Victoire Ingabire Umuhoza reprend ses droits à Kigali. Accusée de « propagation de l’idéologie génocidaire », de « négationnisme », de « divisionnisme », « d’appartenance à un groupe terroriste » et de « désobéissance civile visant la propagation de faux bruits ayant pour objectifs de retourner la population contre l’Etat », Victoire Ingabire a décidé de passer à l’offensive pour sa défense et d’accuser à son tour.
Sur le banc des accusés : le législateur rwandais et plus spécifiquement la loi sur l’idéologie du génocide dont elle plaide
l’inconstitutionnalité et demande l’annulation.
L’Icône de l’opposition rwandaise demande en effet à la Cour, de saisir la Cour suprême afin qu’elle annule les articles 2 à 9 de la loi numéro 18/2008 du 23 juillet 2008 portant crime d’idéologie du Génocide.
Motif : cette loi violerait le principe de la légalité des peines tel que prévu par l’article 20 de la Constitution rwandaise qui dispose que « Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas une infraction d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. »
Pour elle, un texte de loi contenant une formulation aussi vague que « propager la méchanceté, marginaliser, proférer des sarcasmes, outrager ou semer la zizanie. » ne respecte pas le principe de la légalité car le citoyen ne connait pas avec précision, le type de comportements prohibés par la loi. Elle rejoint ainsi un argumentaire déjà développé à maintes reprises par plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’Homme telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch qui ont appelé à plusieurs reprises le gouvernement rwandais à modifier sa loi.
Elle estime par ailleurs, qu’une telle loi méconnait la liberté d’expression garantie dans plusieurs articles de la Constitution rwandaise et par la déclaration universelle des droits de l’Homme car elle « va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour empêcher un discours de haine ou répondre à tout autre intérêt légitime »
En ce qui concerne les autres charges d’accusations, Victoire Ingabire a principalement choisi comme ligne de défense de questionner la crédibilité des témoins.
La principale demande étant de faire venir témoigner soit le Ministre de la Défense, soit la Ministre des affaires étrangères au sujet des déclarations portées contre le régime rwandais par un des principaux témoins du procureur.
En effet, Madame Speciose Mujawamariya qui affirme que Victoire Ingabire aurait financé les FDLR avait déclaré dans le cadre de sa procédure d’asile aux Pays-Bas, avoir fui l’Afrique du Sud où elle était alors réfugiée, car une fois arrivée la bas, « l’Etat rwandais avait mis en place une campagne visant à l’élimination physique de son mari».
Elle appelle les Ministres à venir s’expliquer sur ces déclarations et si elles s’avèrent fausses, elle questionne la crédibilité d’un témoin capable de « mentir contre une nation ».
Le procès de Victoire Ingabire, qui se déroule sous le feu des projecteurs internationaux est un véritable baromètre sur l’indépendance de la justice rwandaise dont la réalité est régulièrement questionnée par des déclarations intempestives des principaux dirigeants, dont le Président Paul Kagame et la Ministre des affaires étrangères Louise Mushikiwabo(1) qui affirment régulièrement et sans détours la culpabilité de celle surnommée « la Aung San Suu Kyi rwandaise » par ses partisans.
Ruhumuza Mbonyumutwa
Jambonews.net
(1)http://www.newtimes.co.rw/news/index.php?i=14244&a=28538#.T12thXp5NSE