Une manifestation dite « de la vérité » et également « commémorative » aura lieu ce vendredi 6 avril à Paris. JamboNews s’est à ce propos entretenu avec un des organisateurs, le coordinateur du Centre de Lutte contre L’Impunité et l’Injustice au Rwanda(CLIIR), Joseph Matata.
« La manifestation a été organisée par les associations membres de la SOCIRWA.BE (Société Civile Rwandaise de Belgique) et elle aura pour but de commémorer toutes les victimes, toutes ethnies confondues de la tragédie rwandaise, jusqu’à ce jour et de réclamer également la vérité sur l’attentat du 6 avril qui fut l’élément déclencheur du chaos qui a suivi», nous a confié Matata.
Une date controversée
Pourquoi le 6 avril et non le 7 avril ou encore une autre date « neutre » ? « Le 7 avril, ce n’est pas les tutsi qui ont choisi cette date, car c’est le président qu’il a imposé. Il [Kagame] ne pouvait pas mettre le 6 avril, car le 6 avril, il est accusé du crime commis contre les chefs d’état Habyarimana Juvénal et Ntaryamira Cyprien. Le 6 avril fait peur à Kagame » a-t-il répondu en continuant « Il n’y a pas de date neutre, il faut prendre la bonne date. Il faut prendre la date où le chaos a été créé c’est-à-dire le 6 avril. »
« Le premier octobre 1990 a été le lancement de la guerre, sans la guerre et l’attentat du 6 avril le peuple rwandais n’aurait jamais eu de problèmes. Quand on déclenche une guerre, c’est un crime contre la paix. » a-t-il encore ajouté.
Au sujet du 6 avril, Déogratias Mushayidi, tutsi ayant perdu l’ensemble des membres de sa famille durant le génocide et ancien membre du FPR, récemment condamné à la prison à vie par le régime de Kigali, avait expliqué en 2006 qu’il commémorait le 6 avril parce qu’il était intimement convaincu que l’attentat du 6 avril 1994, en emportant les Présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et son homologue Cyprien Ntaryamira du Burundi sans épargner tout l’équipage de l’avion qui les transportait, avait déclenché des événements qui ont tout chamboulé dans sa propre vie et dans celles des millions d’autres tant au Rwanda que dans la région voire dans le monde entier, dont notamment le génocide contre les Tutsis de 1994 et celui contre les Hutus à partir de 1995.
« Bien que je refuse obstinément toute démarche qui tenterait de justifier ou d’atténuer, par quelque procédé que ce soit, l’extermination des Tutsi du Rwanda, (…) j’estime cependant, en mon âme et conscience, qu’il serait malhonnête et injuste d’ignorer ou de minimiser, pour quelque motif que ce soit, les victimes Hutu massacrées par les mêmes hordes d’assassins que celles dont la besogne essentielle était de purifier le Rwanda des ennemis et leurs complices tels qu’on désignait les Tutsi en général et des Hutu opposants réels ou supposés au régime » s’était-il encore exprimé.
Historique des commémorations du 6 avril
Durant les années précédentes la manifestation commémorative du 6 avril a toujours eu lieu à Bruxelles, en Belgique. Un mémorial dédié aux victimes du génocide a été inauguré en 2004. « Sur cette stèle, il n’est pas écrit que c’est dédié seulement aux Tutsis » et pourtant depuis 2007, le bourgmestre de Woluwé-Saint-Pierre, la commune où est situé le mémorial, refuse de donner une suite favorable aux maintes demandes de commémoration à cette stèle.
En effet en 2007, « le bourgmestre a reçu une injonction du ministère des affaires étrangères de refuser la commémoration par les Hutus à ce mémorial car ils estimaient que seuls les Tutsis étaient des victimes. » a expliqué Joseph Matata.
En 2008, malgré l’interdiction de manifester, des Rwandais se sont réunis pour commémorer devant le palais de justice, mais ils furent arrêtés par la police et c’est ainsi que 84 rwandais, dont des mineurs d’âge, entres autres une adolescente de 16 ans, se sont vus menottés et mis en détention pendant quelques heures.
En 2009, mécontents d’une nouvelle violation de leur droit à la mémoire et la commémoration, le 6 avril, une cinquantaine de jeunes rwandais ont bloqué la Rue Belliard à Bruxelles, rue qui est quotidiennement empruntée par des milliers d’automobilistes. Ils se sont ensuite dirigés vers la stèle où, à genou, entourés de policiers accompagnés de chiens, ils ont fait une prière autour de la stèle, en mémoire de leurs proches qui ont succombé lors du drame. A la fin de la prière, la police procéda à leur arrestation administrative et ils furent détenus jusqu’à minuit; parmi eux, 12 jeunes filles, dont une mineure d’âge de nouveau , détenues dans une seule et même cage.[voir vidéo ci-bas]
En 2010 et 2011, la manifestation commémorative eu de nouveau lieu, cette fois-ci sans arrestation, mais avec l’interdiction de commémorer devant le mémorial.
Pourquoi à Paris ?
La décision, a expliqué Matata, a été prise suite au rapport des experts mandatés par les juges Français Trévidic et Poux qui « a permis de réconforter le camp de Kagame » grâce à l’avis de l’acousticien qui n’a pas été au Rwanda mais a quand même privilégié l’hypothèse d’un départ des tirs des missiles depuis le camp de Kanombe. Selon Matata, étant donné que les tirs ont été lancés vers 20h du soir, il y aurait eu des témoins qui les auraient vus. « L’objectif est donc dès lors de réclamer la vérité et la justice sur l’attentat terroriste du 06 avril 1994 qui a déclenché le génocide rwandais »
« La manifestation sera complétée par une commémoration de toutes les victimes. Certains d’entre nous ont des parents hutu et tutsi, certains ont épousé des tutsis, nous on ne peut pas agir comme le FPR » a-t-il terminé.
Deux autocars partants de la Belgique ont déjà été prévus pour la manifestation et selon les organisateurs, il n’y aurait déjà presque plus de places libres dans ces cars.
Laure Uwase
Jambonews.net
Commémoration du 6 avril 2009 à Bruxelles par SaveRwanda