« Je suis une fille qui rentre chez les siens, je rentre pour lutter pacifiquement, je rentre pour qu’ensemble nous conjuguions nos efforts pour nous libérer de tout ce qui nous empêche d’être libres » avait scandé Victoire Ingabire devant une foule, lors de son arrivée au Rwanda le 16 janvier 2010 après 16 années d’exil. Pourtant de retour dans son pays natal, celle qu’on a surnommée la « Aung San Suu Kyi rwandaise », n’est restée en liberté que 10 mois, puisqu’en octobre de la même année, le régime de Kigali a décidé de l’envoyer en prison, où elle croupit depuis lors. Ce samedi 26 janvier, à l’occasion du troisième anniversaire de son retour au Rwanda, plusieurs personnes ont manifesté à Bruxelles, pour exiger la libération de cette « icône de la liberté », et des nombreux autres opposants gisant dans les prisons Rwandaises.
Ils étaient plusieurs dizaines de personnes, hommes, femmes, enfants et personnes âgées, toutes nationalités confondues, à braver les températures négatives et la neige, pour aller manifester dans les rues de Bruxelles, afin d’exiger la libération immédiate et sans conditions de Victoire Ingabire. La foule de manifestants est partie du rond-point Montgomery au centre de Bruxelles et s’est dirigée vers l’Ambassade du Rwanda qui se trouve à une dizaine de kilomètres de là
Pour les manifestants, le régime du Général Paul Kagame, l’homme fort du Rwanda, cherche à museler toute opposition démocratique au Rwanda. Les hauts cadres des FDU Inkingi, le parti de Madame Ingabire étaient à la tête du cortège, les membres des autres partis d’opposition rwandaise avaient tenus également à être là, notamment Joseph Ngarambe et Alexis Rudasingwa représentants du Rwanda National Congress (RNC), Paul Rusesabagina, le Héros de « Hôtel Rwanda » et leader du PDR-Ihumure ainsi que Mme Immaculée Uwizeye, secrétaire générale du PS-Imberakuri venue du Rwanda. . Les manifestants brandissaient des pancartes sur lesquels on pouvait lire « Libérez Victoire Ingabire et tous les autres opposants politiques », « Libérez les journalistes », « Libérez l’espace politique » et bien d’autres . Ces derniers sont revenus une fois de plus sur la condamnation à huit ans de prison ferme, de l’opposante rwandaise Victoire Ingabire le 30 octobre 2012, à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités, procès qui a soulevé l’indignation de tous les partis politiques de l’opposition rwandaise et de plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, notamment Amnesty International et Human Rights Watch.
Les manifestants ont exigé également la libération de nombreux autres opposants politiques qui jonchent les prisons rwandaises. Les principaux leaders de l’opposition emprisonnés au Rwanda sont entre autres, Bernard Ntaganda, Président du PS-Imberakuri et Déogratias Mushayidi, President du PDP-Imanzi qui purge une peine de prison à perpétuité.
Victoire Ingabire est aujourd’hui en prison, condamnée pour « idéologie génocidaire, terrorisme, divisionnisme et sectarisme », pourtant le discours qu’elle a ténu à son arrivée au Rwanda le 16janvier 2010, après 16 longues années d’exil, comporte l’essentiel de son projet politique, basé totalement sur un idéal démocratique. « Nous voulons que chaque Rwandais cesse d’avoir peur, nous voulons éradiquer la pauvreté, la faim, le népotisme, la corruption, le clientélisme et nous voulons combattre la dictature, l’injustice, une justice inéquitable pratiquée par les Tribunaux Gacaca, (…) Nous voulons que chaque Rwandais marche droit sans se cacher, sans avoir honte, nous voulons briser toutes les chaînes qui vous empêchent de vous sentir citoyens rwandais à part entière. (…) La libération doit se faire dans le calme. Nous voulons une libération pacifique, sans nouvelle effusion de sang. Nous ne voulons pas une autre guerre et nous condamnerons quiconque voudra nous replonger dans la guerre. Quand on se libère en versant le sang des innocents, on continue à traîner ce mauvais héritage.», avait déclaré Victoire Ingabire devant un flux de journalistes et personnes qui étaient venus la rencontrer à l’aéroport de Kigali.
Par son courage et sa détermination à se rendre au Rwanda, pour aller affronter pacifiquement un régime qualifié par nombreux observateurs comme l’un des plus « inflexibles et plus répressifs au monde », Victoire Ingabire est devenue une icône rassembleuse de l’opposition rwandaise.
C’est pour son courage et son combat pacifique, qu’elle fût notamment, aux côtés de Bernard Ntaganda et Déo Mushayidi, candidate malheureuse au prestigieux prix Sakharov pour la liberté de l’esprit du parlement européen en 2012, remporté par deux militants iraniens, l’avocate Nasrin Sotoudeh et le cinéaste Jafar Panahi.
Jean Mitari
Jambonews.net