Reporters Sans Frontières par la voix d’Ambroise Pierre, le responsable de la zone Afrique a renouvellé le 13 fevrier 2013 son soutien ferme au journaliste burundais Hassan Ruvakuki détenu depuis novembre 2011 et rappelle aux autorités burundaises que leur confrère n’a fait qu’exercer son métier dans le cadre légal en vigueur. Les médias africains, la société civile burundaise, ainsi que les médias français dont Radio France international ( RFI) et France 24 soutiennent Hassan Ruvakuki et dénoncent un procès à caractère politique.
L’affaire commence en novembre 2011. En effet Hassan Ruvakuki qui était alors journaliste à la radio Bonesha FM et correspondant chez RFI etait placé en détention à son retour de Tanzanie où il s’etait rendu pour couvrir la naissance d’un nouveau mouvement rebelle burundais. En juin 2012, le tribunal de grande instance de la province de Cankuzo dans l’est du Burundi le condamne à la prison à vie pour « participation à une entreprise térroriste » .Treize de ses co-accusés dont des militants de l’opposition ont également été condamnés à la prison à perpétuité et neuf autres à quinze ans de prison pour le même motif. Le procès a été entaché par de nombreuses violations telles que la détention du journaliste dans le camp militaire de Cankuzo, un séjour au commissariat de police dépassant la durée légale prévue par la loi, le refus au journaliste d’une assistance juridique lors du passage devant le juge qui a prononcé la mise en détention. L’avocat du journaliste, maître Onésime Kabayabaya a mis en évidence l’ingérence du pouvoir politique dans cette affaire judiciaire. Sur les ondes de RFI, il déclare que le premier vice président burundais aurait accusé le journaliste d’être coupable d’actes de térrorisme lors d’une rencontre avec le corps diplomatique. De plus, le Président burundais Pierre Nkurunziza défendait sur les ondes de la BBC la condamnation du journaliste.
Le 09 janvier 2013, après treize mois de détention, Hassan Ruvakuki a été finallement condamné à trois ans de prison par la cour d’appel . En effet, le tribunal a requalifié les faits et il est désormais poursuivi pour « participation à une association formée dans le but d’attenter aux personnes et propriétés ». Néanmoins, dans un interview accordée à RFI, l’un des avocats de la défense, maître Fabien Segatwa, rappelle tout de même que cette peine n’a pas de fondement légal car le journaliste faisait son métier dans le cadre de la loi sur la presse qui stipule que les journalistes peuvent aller chercher les informations partout où ils peuvent les trouver.
Hassan Ruvakuki a toujours clamé son innocence et dans une lettre écrite en prison il déclare que: « En allant en Tanzanie, dans un camp de rebelles burundais, je n’ai fait que mon métier : celui de journaliste. Je n’ai jamais appartenu à un quelconque parti politique, encore moins à un mouvement armé. Comme tous mes confrères de la planète, je suis allé vérifier, sur le terrain, la véracité d’une information dont j’avais la primeur ».
Actuellement, l’un des enjeux majeurs de cette affaire porte sur la nature de la requalification des faits et la privation de liberté conditionnelle dont le journaliste a droit étant donné qu’il a déjà effectué le quart de sa peine et qu’il est d’usage au Burundi de permettre aux condamnés ayant déjà effectué le quart de leur peine de bénéficier de la liberté conditionnelle. C’est pourquoi la direction générale du groupe audiovisuel extérieur de la France, les équipes de RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya ainsi que RSF soutiennent les démarches de pourvoi en cassation de la défense et condamnent le maintien en détention du journaliste.
Le syndicat national des journalistes de France, ainsi que le Comité Spartacus des journalistes correspondants de RFI et la Fédération Internationale des Journalistes sont toujours mobilisés contre une condamnation qu’ils disent « injustifiée » car leur confrère n’a « fait qu’aller sur le terrain pour collecter des faits, les vérifier et les transmettre au public ». Dix neuf médias africains s’associent à ce soutien parmi lesquels, le Calame en Mauritanie, l’hebdomadaire Le temps au Tchad, L’inter en Côte d’ivoire, le Centre de presse Norbert Zongo au Burkina faso, le quotidien Mutations au cameroun, le groupe radio-télévision Saraounya (RTS) au Niger, Gabonactu au Gabon et La gazette de la grande île à Madagascar.
Cette affaire montre une fois de plus le défi auquel sont confrontés les journalistes du continent et en particulier les journalistes de la région des Grands Lacs dont les journalistes rwandais et burundais dans l’exercice de leur profession. Citons notamment le cas des deux journalistes rwandaises Saidath Mukakibibi et Agnès Uwimana Nkusi dont le dossier est en cours d’examen devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples après l’épuisement des recours devant les juridictions rwandaises.
Marie Umukunzi
http://www.rfi.fr/afrique/20130213-burundi-reporter-frontieres-lance-nouvel-appel-liberation-journaliste-hassan-ruvaku
http://www.snj.fr/spip.php?article4590