Cette dernière semaine, l’Est de la RDC a été le théâtre d’affrontements. Le 20 mai, les sifflements des balles ont, à nouveau, retenti aux alentours de Goma, annonçant la reprise des combats entre le M23 et l’armée congolaise[1]. Assez rapidement, au cours de la semaine, la bataille rangée a laissé place à une bataille de chiffres et d’interprétations, les deux camps spéculant sur le nombre de morts.
Cependant, au-delà des affrontements et les querelles de chiffres, il semblerait que et le gouvernement et le M23 aient voulu rentrer dans les bonnes grâces du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à quelques heures de son arrivée dans la région. La veille de son arrivée, le calme est revenu et Ban Ki-moon accompagné du président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, ont pu entamer leur tournée dans un contexte plus apaisé.
Le M23 joue-t-il ses dernières cartes ?
Depuis la signature de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et l’annonce du déploiement de la brigade d’intervention, le M23, qui jusqu’alors avait mis à mal l’armée congolaise, s’est vu peu à peu isolé. Ses tentatives d’appel aux négociations témoignent, d’une certaine manière, de sa volonté de s’ériger, à nouveau, comme un interlocuteur valable et non plus comme un simple groupe armé dissident. On pouvait notamment lire un document signé par son chef politique, Bertrand Bisimwa, expliquant qu’en décrétant cette trêve, le M23 espérait être soutenu par Ban Ki-moon pour aboutir à un cessez-le-feu dûment signé par le gouvernement[2]. Le 23 mai, jour même de l’arrivée de Ban Ki-moon, le M23 a publié un communiqué déplorant le manque de sens de responsabilité du gouvernement congolais. Le communiqué expliquait que l’armée congolaise avait, à plusieurs reprises, tiré à l’arme lourde lors des combats, occasionnant d’importants dégâts matériels et des pertes en vies humaines dont des civils. Le M23 dénonce par-là, ce qu’il considère comme une politique de terre brulée de la part de Kinshasa qui consiste à tuer des civils pour le discréditer et accélérer l’arrivée de la brigade d’intervention.
Néanmoins, à en juger l’accueil réservé à Ban Ki-moon à l’hôpital Heal Africa qui prend en charge les femmes victimes de violences sexuelles, les tentatives du M23 ont été veines. En effet, à son arrivée à l’hôpital, Ban Ki-moon s’est retrouvé face à une petite manifestation de femmes décidées à lui faire passer un message. Elles arboraient des pancartes où l’on pouvait lire « Non à Kampala », « Refusons toutes négociations » ou encore « Négociations jusqu’à quand ? », en référence aux âpres négociations qui s’étaient tenues entre le M23 et le gouvernement dans le capitale ougandaise[3].
Le gouvernement en attente de son sauveur
Du côté du gouvernement, cette visite ne pouvait on ne peut mieux tomber pour faire cesser les affrontements à l’Est d’une part, sans oublier, d’autre part, l’enveloppe d’un milliard d’euros promis par la Banque mondiale pour les pays des Grands Lacs pour financer divers projets d’énergie et d’éducation. De plus, le Secrétaire général a réaffirmé avec fermeté sa volonté de rétablir la paix, annonçant par la même occasion, l’entrée en scène de la brigade d’intervention dans « un à deux mois ». Cette déclaration ne pouvait que ravir Kinshasa qui semble avoir placé son salut dans cette brigade.
Cependant, si la brigade d’intervention peut avoir un apport substantiel sur le terrain, son déploiement n’est pas pour autant gage total de stabilité pour la région et ne se substitue en rien à la nécessité pour l’Etat congolais de construire une armée effective. Pourtant, la pique envoyée par la ministre de la Défense sud-africaine, Nosoviwe Mapisa-Nqakula assimilant l’intervention de la brigade – en partie composée de Sud-Africains – à du « baby-sitting » des Congolais, dépeint un portrait peu élogieux du gouvernement congolais et de sa gestion de la crise. On aurait alors pu s’attendre à une réaction d’orgueil via son porte-parole, Lambert Mende, mais le gouvernement a préféré relativiser peut-être par réalisme ou aveu de faiblesse pour certains ou encore par couardise pour d’autres. Il a déclaré : « si on considère cela comme du baby-sitting, de l’accompagnement ou de l’encadrement, ça nous importe peu (…) Si nous nous suffisions à nous-mêmes, soyez rassurés, nous n’aurions pas appelé nos amis à la rescousse. Nous reconnaissons nous-mêmes qu’il y a des problèmes très sérieux. Ce ne sont pas des commentaires désabusés comme ça qui vont nous décourager »[4].
Que faut-il retenir de la visite de Ban Ki-moon
Ainsi, à l’issue de la visite de Ban Ki-moon, plusieurs aspects émergent. D’abord, la pression s’accroît sur le M23 qui n’est pas parvenu à s’attirer le soutien de l’opinion nationale et internationale et au contraire qui est désigné comme le principal élément déstabilisateur.
Ensuite, le gouvernement, par son silence et n’envoyant jusqu’à présent aucun signal fort quant à la réorganisation de sa propre armée, montre ses limites et son impuissance. La venue du Secrétaire général a, quelque part, rassuré Kinshasa qui semble n’attendre que les forces onusiennes.
Enfin, Ban Ki-moon a clôturé sa tournée par une visite au Rwanda pour notamment s’entretenir de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Visite pendant laquelle il a soigneusement évité, du moins de manière officielle, les sujets qui fâchent tels que les accusations de soutien au M23. De quoi peut-être refroidir les ardeurs de ceux qui souhaitaient voir une prise de position ferme des Nations Unies. Il est alors légitime de se poser des questions sur l’approche de la communauté internationale quant à la paix dans la région des Grands Lacs, si celle-ci cultive certains tabous en contournant la question de l’implication de Rwanda.
Michael Mutombo
Jambonews.net