Les menaces longtemps proférées par l’Union africaine à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI) , ont finalement fait pschitt, renvoyant les « apprentis sorciers » africains au réalisme des relations internationales.
C’est en effet ce vendredi 11 octobre au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba que s’était ouvert un sommet spécial convoqué pour déterminer si oui ou non les pays africains devaient continuer leur collaboration avec la Cour pénale internationale , jugée partiale d’après les Africains, dans l’exercice de ses missions.
Depuis sa création en 2002, la CPI n’a poursuivi ou inculpé que des ressortissants africains. Jean Ping, jadis Président de la commission de l’Union africaine s’en offusquait en 2011 en ces termes : « le procureur Luis Moreno Ocampo (NDLR : procureur de la CPI entre 2003 et 2012) ne condamne que les africains il ne juge que les africains; en Afghanistan, au Pakistan à gaza, en Tchétchénie, auSsri Lanka il n’y a qu’en Afrique qu’il y a des problèmes ? C`est la question qu’on se pose »
La première pomme de discorde est venue du mandat d’arrêt international lancé en 2009 contre Omar el Béchir, Président du Soudan pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide dans le conflit du Darfour. A cette époque déjà l’Union africaine s était fermement opposée à l’exécution de ce mandat le jugeant contre-productif dans les efforts de rétablissement de la paix au Soudan.
Ensuite est venu le cas fort controversé de l’ancien guide libyen Mouammar Kadhafi en 2011. Assailli et acculé par les bombes de l’OTAN et parallèlement soumis à un mandat d’arrêt international pour crimes contre l’humanité et génocide commis en février 2011. Le caractère atypique de cette inculpation provenait de la rapidité avec laquelle le procureur boucla l’instruction et lança son mandat d’arrêt. Seulement deux mois et demi après l’ouverture de l’enquête alors que la durée moyenne de ses instructions précédentes était de deux ans et demi.
Le procureur d’alors, Luis Moreno Ocampo se justifiait en affirmant que cette procédure express était la conséquence du mécanisme d’inculpation activé par le Conseil de sécurité de l’ONU en situation d’urgence tel que le prévoyait le traité de Rome (acte fondateur de la CPI) . Il s était ainsi basé sur les déclarations télévisées du guide libyen et sur les données transmises par les différentes agences de renseignements tel qu’Interpol … pour constituer son dossier alors que ces mêmes agences travaillaient en étroite collaboration avec l’OTAN pour mettre fin au règne de Kadhafi, confirmant ainsi les appréhensions de nombreux Africains sur la partialité incontestable de la CPI et son usage par les pays occidentaux comme son bras armé juridique.
Le dernier cas qui a mis le feu au poudre fut celui du Président kenyan Uhuru Kenyatta et de son Vice-Président William Rutto poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences politico-ethniques qui avaient suivi la présidentielle kenyane de 2007 durant lesquelles plus de 1000 personnes perdirent la vie. L’Union africaine s’était résolu cette fois à ne pas céder face aux pressions et pire, a menacé de quitter cet organe travaillant selon elle au service des intérêts néo-colonialistes des occidentaux.
Lobbying tout azimut ?
La conférence convoquée ce 11 octobre était vouée à l’échec pour plusieurs observateurs, tant la détermination des « tireurs de ficelles » de ce monde était de taille pour contrer ce plan de l’Union africaine. Ils n’ont ainsi ménagé aucun effort pour dissuader cette fronde inhabituelle des africains, rarement aussi déterminés dans la revendication de leurs droits.
Les premières dissuasions sont venues de deux personnalités africaines, Desmond Tutu, héros de la lutte contre l’Apartheid et Koffi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU. Ces deux personnalités se sont dites convaincues que ce souhait de retrait de la CPI traduisait en réalité une volonté de la part des dirigeants africains de s’offrir une « carte d’impunité » pour ne plus avoir à répondre de leurs crimes.
Ensuite les parlementaires européens sont entrés dans la danse, tel que le témoigne la lettre de la députée européenne Barbara Lochbihler aux parlementaires africains, leur demandant de ne pas souscrire à un retrait de la CPI au risque de saper les fondations de la justice internationale.
CPI instrument des puissants ?
Les faits plaident parfois en faveur des détracteurs de cette institution car il a été constaté que les dictateurs africains en odeur de sainteté avec les puissances occidentales ne sont nullement inquiétés. Ceux par contre qui défient ouvertement l’occident voient la menace de la CPI poindre sur leur tête. L’absence des actions de la CPI hors du continent africain donne également de la matière à ses détracteurs.
Et enfin, l’une des aberrations les plus frappantes de la CPI est la capacité qu’a le Conseil de sécurité des Nations Unies de la saisir pour poursuivre des criminels partout dans le monde pendant que trois membres permanents du Conseil de sécurité, à savoir la Russie, la Chine et les Etats-Unis, n’ont toujours pas ratifié le statut de Rome. Ces Etats tous suspectés d’avoir commis de graves crimes sont donc, eux, totalement à l’abri. Cette réalité justifie pour certains les accusations de « justice punitive » des superpuissances.
L’Afrique peut-elle se passer de la CPI ?
Jean Ping avait émis en 2011 l’idée d’une Cour de justice africaine mais force est de constater que l’Afrique n’est pas prête à financer un tel projet. L’Union africaine elle-même est financée en grande partie par l’Union européenne. Il est donc difficile de concevoir une justice autonome pour un contient qui manque lui-même d’autonomie. Le chemin est long avant la véritable autodétermination des Africains.
Charis Basoko
Jambonews.net