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RDC: Reprise des combats sur fond de l’impasse dans les négociations de Kampala

RDC: Reprise des combats sur fond de l’impasse dans les négociations de Kampala

Vingt-quatre heures seulement après l’intervention controversée du président congolais Joseph Kabila devant les deux Chambres du parlement, et alors que les pourparlers de  Kampala sont de nouveau dans l’impasse, de violents combats ont repris vendredi 25 octobre entre l’armée congolaise et les rebelles du M23.

Yoweri Museveni - Joseph Kabila -  Paul Kagame

Yoweri Museveni – Joseph Kabila – Paul Kagame


Les habitants de Kibumba – une bourgade située à une trentaine de kilomètres au nord de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu – ont été réveillés dans la nuit de jeudi à vendredi par les bruits des balles, et ont dû fuir par milliers, les uns vers le Rwanda voisin, les autres vers Kanyaruchinya plus au sud. Les deux parties – Forces armées de la RD Congo (FARDC) et rebelles du M23 – se sont accusées mutuellement d’avoir provoqué la reprise de ces combats qui se sont poursuivis toute la journée de vendredi. Dans la soirée, l’armée congolaise affirmait avoir pris le contrôle de la bourgade de Kibumba et d’autres villages environnants tels que Buhumba et Butebo, ce que démentait la rébellion, qui affirme avoir pu maintenir ses positions initiales.
La brigade d’intervention de l’ONU à l’écart
La brigade d’intervention de l’ONU – la fameuse force de quelque trois mille soldats Tanzaniens, Sud-Africains et Malawites déployées à Goma depuis le milieu de l’année et ayant pour mandat de « neutraliser les groupes armés de l’est de la RDC », dont le M23 -n’a pas activement pris part aux combats de vendredi. Contrairement au mois d’août dernier où les soldats tanzaniens de la brigade onusienne avaient épaulé l’armée gouvernementale et contribué à repousser les rebelles d’une dizaine de kilomètres de leurs positions initiales – en y laissant deux morts, dont un officier, et plusieurs blessés –, la MONUSCO s’est contentée d’un soutien logistique au FARDC ainsi que d’une surveillance aérienne de la zone des combats.
Des obus ont atterri au Rwanda…Kigali hausse le ton
Comme en juillet et août derniers, le Rwanda a accusé l’armée congolaise d’avoir « délibérément » tiré au moins trois obus et plusieurs balles ordinaires sur son sol, sans faire de dégâts, en dehors d’une femme congolaise de 58 ans fuyant les combats côté rwandais qui aurait été blessée par une balle.
Sur son compte Twitter (@RwandaMoD), le ministère rwandais de la Défense s’est alarmé : « #FARDC targeted innocent civilians in Rwanda, and fleeing Congolese Refugees.58 year old Catheline Gahombo from DRC was injured…(3) ». Ce qui peut se traduire par : « les FARDC ont visé des civils au Rwanda, ainsi que des Congolais fuyant les combats. Catherine Gahombo âgée de 58 ans et originaire de RDC a été blessée ».
Mais le Rwanda n’allait pas en rester là. Lors d’un briefing au Conseil de sécurité à New York sur la résurgence des combats près de Goma vendredi, l’ambassadeur du Rwanda Eugène-Richard Gasana a littéralement menacé : « Si un le moindre tir atteint de nouveau notre territoire [le Rwanda, NDLR], nous allons agir immédiatement et ça va faire très mal. Nous le ferons avec précision ; nous savons d’où les tirs proviennent ». Au moment où nous rédigeons ce papier, il n’y a pas encore de réaction côté Congolais.
Ultimes enchères pour forcer un accord à Kampala ?
La question que tout le monde se pose est celle du véritable enjeu de cette résurgence des combats : les FARDC ont-elles (enfin) reçu l’ordre de lancer une offensive de grande envergure contre le M23 pour libérer tout le territoire qu’il occupe ? S’agit-il au contraire d’une provocation orchestrée par les rebelles et visant à accroître la pression sur le gouvernement congolais afin de faire des concessions sur les questions à l’origine de l’échec des pourparlers de Kampala, suspendu le week-end dernier après d’intenses et longues tractations ? C’est la seconde hypothèse qui l’emporte !
En effet, un accord était annoncé à la fin de la semaine dernière entre le M23 et le gouvernement congolais, après la relance des pourparlers à coup de pressions diplomatiques (les quatre Envoyés spéciaux pour la région et la RDC – ONU, Etats-Unis, Union Africaine et Union Européenne) étaient tous à l’œuvre à Kampala. Mais à la dernière minute, les deux parties n’avaient pas réussi à s’entendre, achoppant notamment sur les questions d’amnistie et de réintégration. En effet,  le gouvernement congolais refusait d’accorder l’amnistie et de réintégrer les « rebelles récidivistes », les personnes sous le coup de sanctions de l’ONU ainsi que les auteurs présumés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les pourparlers avaient donc été suspendus sine die et l’essentiel de la délégation gouvernementale tout comme les Envoyés spéciaux avaient quitté Kampala.
Or, il est devenu habituel qu’à chaque fois que les pourparlers sont au point mort les rebelles cherchent un moyen de mettre de la pression sur le gouvernement afin qu’il retourne sur la table et fasse des concessions. Cela s’est passé successivement en janvier, avril, juillet et août de cette année. Plus loin, l’on se souvient que le gouvernement congolais avait accepté de s’asseoir autour d’une même table avec les rebelles pour négocier à la suite de la pression créée par la chute aux mains du M23 des villes stratégiques de Goma et Sake (novembre 2012).
Par ailleurs, il n’est pas excessif de dire que la proximité du Rwanda facilite bien des choses aux rebelles. En août dernier, les FARDC et la brigade d’intervention avaient dû arrêter leur offensive après que des obus soient tombés dans la ville rwandaise de Gisenyi et à Goma – deux zones intensément peuplées – provoquant une sérieuse escalade entre le Rwanda et la RDC, et un l’embarras de la « Communauté internationale ». Les allégations que des obus auraient été lancés « délibérément » et « par les FARDC » au Rwanda et les menaces qui se sont ensuivies ne sont donc pas fortuites… Des sources à la zone de Kibumba frontalière avec le Rwanda n’ont-elles pas indiqué vendredi que les rebelles du M23 ont placé leur artillerie lourde sur les collines de Kabuhanga et Kabuye, sur la frontière avec le Rwanda, et qu’ils s’en servaient pour pilonner les positions de l’armée gouvernementale situées plus à l’ouest? Pratiquement, toute riposte par les FARDC risquait de dépasser sa cible et d’atterrir au Rwanda, ce qui s’est probablement passé. En fin de compte, la posture complique l’option militaire pour le gouvernement congolais, qui n’aurait d’autre choix que de poursuivre les négociations – en position de faiblesse, hélas, la voie militaire étant de facto exclue pour lui au risque d’entrer en guerre ouverte avec le Rwanda (un risque que l’on voit mal Kabila assumer).
La population inquiète plus du manque d’une perspective de guerre que de la guerre elle-même
Un paradoxe est particulièrement frappant dans la situation actuelle au Nord-Kivu : alors que l’on pouvait s’attendre à ce que la population répugne la guerre à cause de ses effets néfastes, c’est tout le contraire qui se constate. A Goma, Nyiragongo, Rutshuru et ailleurs, la plupart des Congolais sont convaincus qu’avec des ordres clairs et des moyens conséquents – avec ou sans l’appui de la brigade de l’ONU – leur armée, FARDC, est capable de défaire militairement le M23 et mettre fin une fois pour toutes à la guerre. Ils ne le croient pas seulement ; c’est le désir. Non pas qu’ils se réjouissent tant que ça de la guerre, mais à cause des mauvaises expériences du passé, où des accords signés avec les rebellions n’ont jamais permis de rétablir durablement la paix et la stabilité, et qu’ils croient que cette fois encore Kampala est un « marché de dupes ». Alors le sentiment général est que ces escarmouches régulières devaient laisser place à une vraie guerre, pourvu qu’elle se fasse une fois pour toutes, définitivement.
Y a-t-il la moindre chance que le gouvernement congolais soit de cet avis ? Rien n’est moins certain. Le président Joseph Kabila a eu beau déclarer mercredi devant le Congrès que les groupes armés devaient déposer les armes et se rendre sous peine d’y être contraints par la force, les Congolais attendent qu’il traduise cela en actes… désespérément.
Par Jean-Mobert N’Senga
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