Après, « Ces tueurs tutsis au cœur de la tragédie congolaise » paru en 2009, « Europe, Crimes et Censure au Congo », paru en 2012, le journaliste d’investigation franco-camerounais vient de publier « La France dans la terreur rwandaise », dans les éditions Duboiris. Dans cet ouvrage, il revient sur l’attentat du 06 avril 1994 contre l’avion de Juvénal Habyarimana qui a mis le feu aux poudres, le silence qui continue d’entourer cet acte criminel et livre de nouveaux éléments sur cet attentat. Le rôle des grandes puissances dans la tragédie rwandaise fait également l’objet de son nouveau livre. Onana est venu à Bruxelles ce 06 avril pour présenter cet ouvrage.
L’attentat du 06 avril 1994
« Pourquoi les auteurs de l’attentat du 06 avril ne sont pas encore arrêtés 20 ans après, alors que les Nations Unies ont reconnu que cet attentat est l’évènement déclencheur du génocide ? Avec quelle logique peut-on pourchasser, poursuivre les génocidaires, et oublier les auteurs de l’attentat qui a déclenché le génocide ? », s’interroge le journaliste d’investigation.
Charles Onana livre les conclusions de son enquête portant sur les réticences du Tribunal Pénal International sur le Rwanda (TPIR) à s’intéresser sur l’attentat, arguant généralement que ce crime n’entre pas dans ses compétences. Argument tout à fait faux selon Onana, car le procureur du TPIR a reçu la mission d’enquêter sur toutes les violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda du 1er janvier au 31 décembre 1994 conformément à la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’auteur explique comment une enquête du TPIR diligentée par le procureur Louise Arbour sur l’attentat, et mené par Michaël Hourigan (un avocat australien), avait identifié trois sources au sein du FPR prêtes à témoigner pour expliquer que l’attentat était l’œuvre des membres du FPR sous la coordination de Paul Kagame, a été saboté, et les sources qui étaient à Kigali, prêtes à collaborer avec le tribunal, privées de protection.
Sur l’attentat contre l’avion de Habyarimana, Onana révèle ce qu’il appelle dans son livre « l’histoire secrète de la boîte noire ». L’épisode de la boîte noire du Falcon 50 du président Habyarimana abattu le 06 avril, et comment après avoir expliqué que l’avion n’avait pas de boîte noire sans succès, ceux qui cherchent à couvrir les coupables, ont réussi à faire croire que la boîte noire qui se trouve dans les placards de l’ONU à New York, n’est pas celle du Falcon de Habyarimana, sans toutefois dire à quel avion appartient cette pièce arrivée pourtant de Kigali dans les valises diplomatiques de l’ONU en 1994.
Les acquittés d’Arusha
Dans ses enquêtes, le journaliste expose le sort des acquittés d’Arusha par le TPIR, qui ont passé des années en prison, et qui continuent d’errer à Arusha au siège du tribunal, même après leurs acquittements, sans possibilités de rejoindre leurs familles dans les pays qui les ont accueillies. Ces ex-détenus n’ont aucune possibilité d’être indemnisés pour les années passées injustement en prison. Les statuts du TPIR n’ont en effet pas prévu les possibilités de dédommager les acquittés.
« Ces innocentés n’ont non seulement aucune indemnisation, mais aussi les gouvernements où résident leurs familles en particulier la France, la Belgique, et le Canada continuent de leur refuser les visas pour rejoindre leurs familles. Ceci sous pression des associations des victimes qui continuent de les harceler et les accuser de présenter toujours une menace contre les rescapés du génocide » déclare Onana.
Les missions dont on ne parle pas : « Support Hope », » Interns for Hope » et » opération Gabrielle »
A côté de l’Opération Turquoise, Onana parle dans son ouvrage de trois autres missions dites humanitaires qui ont été menées en même temps au Rwanda en 1994, non pas dans le cadre du Conseil de sécurité de l’ONU, mais au niveau national. Initiées par les Etats-Unis, l’Israël, et la Grande-Bretagne, ces missions dont le grand public ignore sont baptisées « Support Hope » pour les Américains, » Interns for Hope » pour les Israéliens, et « Opération Gabrielle » pour les Britanniques. L’auteur livre les résultats de ses recherches en détails sur ces trois missions menées par les alliés actuels du régime de Kigali, et leur agenda caché qui n’était rien d’autre que d’appuyer le FPR dans sa conquête du pouvoir à Kigali ainsi que la conquête du Congo, explique-t-il.
« Quel intérêt ces Etats avaient-ils à préférer une action humanitaire solitaire, plus lourde et plus couteuse, à une mission onusienne multilatérale suggérée par la France ? », se demande l’auteur, qui ne manque de livrer ses observations.
D’autres sujets dont l’auteur couvre dans son ouvrage
Le rôle de François Mitterrand et l’armée française au Rwanda ; l’action très discrète mais efficace de la CIA et des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et d’Israël ; le jeu trouble des soldats belges ; l’irruption de la Shoah dans le dossier rwandais, sont autant d’autres sujets sur lesquels l’auteur a enquêté de façon détaillée, et livre les résultats dans son livre. Plusieurs documents annexés par l’auteur à la fin de son livre apportent quant à eux des éléments non connus jusque-là dans la narration de la tragédie rwandaise.
Jean Mitari
Jambonews.net