Ce dimanche 5 juillet 2015, au Bozar sera jouée la pièce « Urwango Ngukunda » une pièce de Théâtre 100% en Kinyarwanda, jouée par des jeunes rwandais vivant en Belgique, une première. Jambonews a rencontré Jyambere Victor Emmanuel, auteur de cette pièce, qui sera jouée par la troupe « Urugero ».
Une pièce de théâtre « drôle, sérieuse et intéressante ».
Bonjour Victor, afin de mieux vous connaitre, pouvez-vous vous présenter et nous relater brièvement votre parcours ?
Bonjour, j’ai commencé à jouer les pièces de théâtre à l’école secondaire. Progressivement, je me suis rendu compte que dans le milieu rwandais nous avions divers divertissements (danses, chants, associations, etc.) mais nous manquions de théâtre. J’ai alors constitué une troupe et les premières pièces portaient sur la question des réfugiés. Une des pièces portait également sur un jeune qui retourne au Rwanda sans parler la langue du pays. Finalement, j’écrivais beaucoup mais je n’allais pas au bout de mes projets. L’idée d’écrire la pièce « Urwango Ngukunda » germe dans ma tête depuis que j’ai l’âge de 20 ans. Je voulais par cette pièce, exposer les discours extrémistes qui peuvent subsister entre les rwandais et l’idée de soulever les points sensibles des deux côtés.
Est-ce que nous pouvons dire que le coté provocateur est un style qui vous qualifie ?
Non, mais je pense que le théâtre est la meilleure façon d’aborder les choses. Le théâtre permet une identification aux héros. D’une certaine manière, le théâtre me touche encore plus lorsque je parviens, au cours d’une pièce à m’identifier à un acteur. Finalement, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un style mais c’est pour moi une manière de relancer le débat sur les tabous entre les rwandais sans pour autant ressasser les événements passés. Des deux cotés nous avons connu les méfaits de la guerre, je pense qu’il est temps de discuter, d’aborder les choses sans tabous et sans langues de bois.
Est-ce que finalement, votre investissement dans le théâtre véhicule un message ?
En tant que jeune, j’écris avant tout pour les jeunes, je crois fermement en la citation « nitwebwe Rwanda rw’ejo ». Avec cette pièce, j’ai envie de dire « ce qui s’est passé s’est passé, cessons de nous dénigrer et avançons ! ». Si l’on veut continuer à se faire la guerre, nous risquons de finir comme la Palestine et l’Israël, nous perdre dans des guerres qui n’en finissent pas. Je pense qu’à un moment, nous devons extérioriser nos maux, nos frustrations. Nous les Rwandais, sommes une communauté qui intériorise beaucoup sans jamais oser nous exprimer pleinement.
Vous n’avez pas peur que cette manière d’extérioriser ne produise l’effet inverse, c’est-à-dire mettre d’une certaine manière l’huile sur le feu ?
Non. Je ne m’attends pas qu’aux réactions positives mais je sais que la manière dont je traite la question des rwandais risque de heurter certaines personnes dans la salle puisque je l’aborde sous les deux angles. Il me semble donc que je ne mets pas d’huile sur le feu, au contraire. Ma pièce de théâtre ne peut pas se réduire à une simple provocation. C’est un sujet qui me tenait à cœur.
Est-ce que cette pièce de théâtre est inspirée d’une histoire réelle, peut-être de votre vécu ?
Non. La pièce ne s’inspire pas d’une histoire réelle. Je pense que c’est un composé de plusieurs histoires et beaucoup de personnes pourront se reconnaitre au travers de l’histoire que je raconte.
Qu’est-ce que le théâtre pour vous ?
C’est une manière de dire les choses en prenant le rôle de n’importe qui (du président à esclave). C’est se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre. De plus, il faut savoir qu’avant j’étais timide et jouer sur scène a d’une certaine manière soigné ma timidité.
Pourquoi écrire cette pièce en kinyarwanda ?
Je suis rwandais de souche, je me sens rwandais même si cela fait des années que je n’y suis pas retourné. Je pense que ma langue maternelle est, selon moi, la langue qui me permet le mieux d’exprimer ce que j’ai envie de dire. Certains termes et expressions ne sont pas transposables en français. Ecrire en kinyarwanda c’est surtout un choix. C’était ça ou rien.
Est-ce que vous pouvez envisager l’idée de voir votre pièce traduite ?
Oui bien-sûr, pour autant que le contenu ne soit pas dénaturé.
Avez-vous le trac ?
Oui bien-sûr. Surtout en ce moment, à l’approche de notre prestation. Sans vous mentir, j’ai un peu peur de la réaction que ma pièce va susciter. Cela fait des années que je la prépare et l’idée de jouer devant une salle vide me fait un peu peur.
Est-ce qu’il y a un style de théâtre qui vous plait ?
Les comédies et les stand-up américains. Avant, je regardais les pièces de théâtre en tant que spectateur mais maintenant je prends le temps de les analyser. Je n’ai jamais suivi de cours de théâtre, je suis un auteur autodidacte.
Quels sont les sujets qui vous inspirent ?
L’amour, la douleur humaine. J’aime prendre le parti des plus faibles. J’aime les vraies histoires. Le genre des films que j’aime sont « Orgueil et Préjugés » et « The Help » de part leurs dialogues très bien construits et l’histoire racontée.
Des projets pour l’avenir ?
J’aimerais mettre sur pied une école du kinyarwanda pour les jeunes. Par exemple, beaucoup d’acteurs de la troupe Urugero ne parlaient pas correctement le kinyarwanda au début et au fur et à mesure des répétitions, ils l’ont appris. J’ai également l’intention de continuer le théâtre et d’agrandir la troupe Urugero. Nous voulons impliquer les jeunes dans toutes les activités que nous mettrons sur pied. Enfin, je souhaiterais faire de cette pièce de théâtre un roman.
À propos d’ Urugero ?
Urugero peut se traduire comme « référence ». Notre but n’est pas d’être identifiés comme des personnes exemplaires individuellement mais nous aspirons, en tant que groupe, à être une référence. Nous voulons pousser d’autres jeunes à lancer leurs activités pour réaliser leurs rêves.
Comment décririez-vous votre pièce de théâtre ?
Drôle, sérieuse et intéressante.
Diane Irakoze
www.jambonews.net
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