La crise des Grands Lacs a fait beaucoup de victimes. Depuis 1990, même loin de l’endroit où les atrocités ont été commises, les conséquences dramatiques continuent de se faire sentir. C’est pourquoi certains continuent de chercher des remèdes aux problèmes qui n’ont pas eu de réponse depuis tout ce temps. C’est dans ce cadre que le projet Mpore, Mémoire & Justice de Jambo asbl fournit des efforts pour y participer et organise une deuxième séance de thérapie communautaire ce 26 septembre à Bruxelles. Jambonews a rencontré les responsables de ce projet pour en savoir davantage :
JN : C’est quoi la thérapie communautaire ? Comment ça marche ?
La thérapie communautaire intégrative est un espace d’écoute, de paroles et de développement des liens sociaux. Conçue par le psychiatre brésilien Adalberto Barreto en 1987, elle se fonde sur l’idée que « tous ont des compétences », chaque individu possède en lui des ressources et des savoirs utiles aux autres, quelles que soient ses conditions sociales, économiques et sa culture. Cette technique cherche à mettre en valeur et en avant les ressources de la communauté pour résoudre les problèmes sociaux.
C’est au cours de rencontres programmées qu’on appelle «rondes », espaces d’écoute, de paroles et de liens animés par un thérapeute et un co-thérapeute, que les participants vont mettre des mots sur leurs difficultés quotidiennes mais aussi dégager ensemble des pistes de solution. En suivant des règles et des étapes bien déterminées, la communauté peut alors prendre parole. La parole qui va permettre de soigner des souffrances psychiques, d’augmenter l’estime de soi et la confiance de l’individu, sans oublier de renforcer les liens collectifs au sein du groupe.
JN : Qu’est-ce qui pousse à organiser de telles activités ?
La thérapie communautaire dans notre contexte vise à reconstruire la victime des conflits politico-sociaux dans la Région des Grands Lacs d’Afrique.
Depuis des décennies, la Région des Grands Lacs d’Afrique a connu des drames de guerres, des crimes de viols de masse, un génocide en 1994 et des massacres dans l’ex-Zaïre qui selon l’ONU peuvent être qualifiés de génocide, etc. Ceci a pour conséquence des déplacements de populations avec de lourds fardeaux physiques, psychologiques et sociaux. De telles souffrances ne sont pas toujours faciles à extérioriser et à surmonter. Nombreux vivent un stress permanant caractérisé par différents troubles tels que solitude, perte d’identité, de repères, de concentration, addiction à l’alcool et aux drogues… Des conflits internes qui peuvent amener des conséquences sociales non négligeables comme le retard ou le décrochage scolaire, la perte de l’emploi, le divorce, l’impossibilité de gérer seul sa vie, …des problèmes qui mènent parfois jusqu’à l’exclusion sociale.
C’est pour toutes ces raisons et dans une logique s’inscrivant dans la recherche permanente de solutions pour toutes les victimes des atrocités de notre région que Mpore, Mémoire et Justice s’est lancée dans la création de cet espace dit de « thérapie communautaire ». La démarche recherchée est de contribuer à la reconstruction, à la réhabilitation, à l’épanouissement et à et la (ré-)intégration personnelle et collective des victimes.
JN : Concrètement à quoi doivent s’attendre les participants ?
C’est difficile de répondre à la question. L’atmosphère et le déroulement d’une thérapie se déroulent en fonction des personnes qui sont présentes. Chaque participant a une valeur ajoutée. La dynamique de tous les participants crée une ambiance unique, souvent très authentique, et centré sur des expériences humaines. Nous pouvons difficilement dire en avance les attentes qu’une personne pourrait ou devrait avoir car autant nous, thérapeutes, aussi bien que les participants vivons à chaque thérapie des expériences uniques. En fin de compte chacun devrait s’attendre à donner et à recevoir dans la simplicité.
JN : Quel (s) résultat(s) espérez-vous obtenir par cette action ? Ou quel est l’apport selon vous de ce genre de thérapie ?
Le résultat que nous souhaiterions obtenir serait de créer un accueil chaleureux et naturel qui permettra à chaque participant de se sentir libre d’exposer son expérience et ses idées. Si nous parvenons à faire circuler la parole, à favoriser la création de lien social entre les participants, à mobiliser les ressources de chaque personne au profit de tous et ce grâce aux outils appris lors de notre formation, nous serons alors satisfaits du résultat.
Le bénéfice de ce type de thérapie est de simplement créer des relations humaines entre les participants qui de surcroit continueront à se développer au-delà des rondes organisées. Nous espérons que la sagesse des individus combinée à la richesse du collectif fournira des clés aux participants, des clés de guérison, de prise de conscience, de partage.
JN : Est-il facile de convaincre le public à venir assister à ces séances de thérapie ?
Cela est un défi ! Cependant nous avons décidé de le prendre à bras-le-corps au vue du potentiel meilleur que cette méthode apporte. Au départ, nous avons eu peur de nous lancer dans cette aventure car le peuple des Grands Lacs d’Afrique et plus particulièrement les Rwandais sont très réservés, nous craignions qu’ils n’arrivent pas à s’ouvrir en communauté.
Mais quand nous avons fait un test en avril dernier lors de la commémoration annuelle organisée par Jambo asbl via Mpore, Mémoire et Justice, les résultats étaient très surprenants. Nous avons été agréablement surpris de voir les personnes présentes s’exprimer, prendre la parole sans se faire prier. Les gens ont besoin de parler, de partager leurs chagrins, les moments difficiles surmontés, mais aussi les moments forts, les petites et grandes victoires du quotidien.
JN : Pourquoi pensez-vous que les gens ont intérêt à venir participer à ces séances ?
L’espace de la thérapie communautaire est un lieu où en pratiquant la parole et l’écoute en groupe, chacun devient son propre thérapeute. C’est un espace accessible à tous, gratuit et où on échange sans jugement et en toute liberté. On est libre d’entrer et de sortir à tout moment du groupe. En plus, les séances se déroulent en toute convivialité.
JN : Pour les personnes intéressées, en pratique, à combien de séances doivent-elles s’attendre, où et quand ? Est-ce gratuit ?
La thérapie communautaire ne se pratique pas comme on traite une maladie X par une dose du médicament Y! Il n’y a pas un nombre prescrit de séances puisque chaque participant reste libre de venir et partir à tout moment. L’expérience montre toutefois qu’au plus on pratique la thérapie communautaire, au plus on s’approprie l’espace et l’envie de recevoir et de partager avec les autres devient naturelle. C’est une expérience enrichissante pour toute personne. Notre volonté est d’organiser une séance par mois. Un endroit permanent sera réservé à cette fin. La participation à la séance est gratuite et ouverte à tous.
* La lancement des séances de thérapie communautaire organisées par Mpore, Mémoire & Justice à destination de la communauté des Grands-Lacs africains en Belgique prendra place ce samedi 26 septembre 2015 à partir de 14h00 au Boulevard Auguste Reyers 70, 1030 Bruxelles.
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