Les Rwandais sont appelés aux urnes le 4 août prochain, une présidentielle sans enjeu selon Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU-Inkingi. Dans une interview accordée à Jambonews, Twagirimana affirme que cette élection est une mise en scène visant à permettre au président Paul Kagame, de facto au pouvoir depuis 1994, de se maintenir aux affaires à vie. Il se demande pourquoi Kagame refuse d’affronter de véritable opposant en empêchant les partis d’opposition de participer au scrutin présidentiel de cette année, alors même qu’il continue de clamer haut et fort que les Rwandais ont sollicité son maintien au pouvoir à 97% lors d’un referendum qui lui a permis de changer la constitution et ainsi de briguer un troisième mandat.
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Des élections qui n’ont aucun sens
« Il n y a pas d’élections au Rwanda en août prochain« , a insisté à plusieurs reprises Boniface Twagirimana, vice-président du parti FDU- Inkingi dans une longue interview accordée à Jambonews. Dans cette, interview il revient sur le referendum que l’on a, selon lui, forcé les Rwandais à adopter pour permettre au général Paul Kagame qui dirige le pays d’une main de fer depuis plus de vingt ans, de se maintenir au pouvoir à vie. « Le président Kagame a tricoté la constitution pour pouvoir se maintenir au pouvoir à vie » a-t-il déclaré, en rappelant la violence et la répression qui ont entouré ce referendum dont le seul enjeu était selon lui de légitimer la volonté d’un seul homme de diriger le pays à vie.
« En toute évidence les dés sont déjà jetés, ces élections sont en réalité jouées d’avance. Les gens qui ont refusé de signer pour que la constitution soit modifiée ont eu des problèmes, il y en a qui ont été harcelés, d’autres battus, parce qu’ils ont négligé ce projet porté par l’Etat. Vous comprenez donc que celui qui te force à aller voter la modification de la constitution, ne va pas organiser une élection libre et transparente. Paul Kagame a tout manigancé pour se maintenir au pouvoir, ces élections ne sont qu’une formalité. » a souligné Twagirimana.
« Etre opposant dans ce pays, c’est comme perdre sa citoyenneté. »
L’opposant rappelle aussi que la scène politique rwandaise est verrouillée, et que le FPR qui se comporte comme un parti Etat monopolise toutes les sphères politiques, sociales et juridiques du pays, et empêche par tous les moyens l’émergence d’un parti d’opposition. « Le système tel qu’il est conçu ne permet à personne d’adhérer légalement à un autre parti ou d’être membre de l’opposition » confie-t-il. « Sans parler des persécutions, quand tu es opposant tu es exclu de tout service public, tu ne peux pas obtenir de passeport ou de carte d’identité, tu ne peux pas lancer de business, quand tu tentes quelque chose, ils font tout pour te ruiner et te mettre dehors. Bref, être membre d’opposition dans ce pays c’est comme perdre sa citoyenneté. Toutes les forces publiques, que ce soit la police, l’armée ou les services administratifs, se chargent de te persécuter et te pourrir la vie. Ils commencent par te faire renvoyer de ton travail, que tu sois employé dans le public ou le privé », continue-t-il.
« On n’est pas reconnus, mais nous essayons de travailler comme un parti reconnu »
Quant à la question de savoir si le parti FDU-Inkingi compte se faire enregistrer et participer aux élections présidentielles d’août prochain, Twagirimana affirme que participer aux élections et faire enregistrer le parti n’est pas sur leur agenda immédiat, car le régime de Kigali ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues. Suite à plusieurs tentatives d’enregistrer le parti en rencontrant les mêmes difficultés, son parti aurait fini par se résigner à accepter que le régime ne laissera jamais un parti d’opposition qui n’est pas sous sa coupe se développer dans le pays.
Malgré cela l’opposant déclare que même si son parti n’est pas officiellement reconnu par les autorités, ils essayent de travailler comme un parti reconnu, en écoutant et en réfléchissant sur les problèmes qui accablent la population. « Les instances chargées d’enregistrer les partis politiques nous ont déjà fait comprendre qu’ils ne veulent pas nous enregistrer en tant que parti d’opposition. Persister dans cette voie, ça joue toujours contre nous car ça permet au régime d’avoir les informations sur nos membres et de les pourchasser » souligne le vice-président des FDU, en soutenant qu’abandonner cette étape de la reconnaissance officielle en tant que parti d’opposition ne signifie pas qu’ils lâchent leur combat. Il répète que la liberté confisquée aux Rwandais ne tombera pas du ciel, mais elle viendra de leur obstination en dépit de la détermination du régime en place de mater toute voix dissidente.
« Nous continuons notre lutte qu’on soit reconnu ou pas, jusqu’à ce qu’ils finissent par comprendre qu’on existe et qu’on ne cèdera pas quoi qu’il arrive » dit-il.
« La liberté ne tombe pas du ciel, il faut lutter pour l’acquérir ».
Twagirimana ajoute qu’en dépit du nombre incalculable de membres du parti emprisonnés et d’autres portés disparus, le parti tient bon parce que « la cause qu’ils défendent a plus de valeur que la peur d’y laisser leurs vies ». Il insiste surtout sur le fait que « la liberté ne tombe pas du ciel », d’où un appel aux Rwandais à se battre pour leurs droits : « Les Rwandais doivent savoir qu’il est de leur devoir de lutter pour leur liberté, la réponse à leurs problèmes se trouve dans leurs mains. »
« On ne vit pas dans un pays, c’est une prison à ciel ouvert où sont enfermés tous les Rwandais, personne ne peut rien dire ou faire qui aille à l’encontre de ce que le pouvoir veut » confie Twagirimana, qui rappelle que si lui et ses compagnons prennent le risque de défier le régime en prenant les devants au péril de leur vie, cela ne signifie pas qu’ils soient suicidaires ou n’aiment pas la vie, bien au contraire, c’est qu’ils ont compris que la liberté ne tombe pas du ciel, « la liberté se conquiert » dit-il. « Nous sommes conscients qu’une personne qui te prive de tes droits depuis des années, ne peut se décider un jour sur un coup de tête à te les restituer tout simplement » ajoute-t-il.
Le numéro deux des FDU rappelle au général Paul Kagame que l’opposition n’est pas l’ennemie de l’Etat, au contraire l’opposition aide le pouvoir en place à la stabilisation du pays. Il invite le numéro un rwandais à cesser de croire qu’il peut diriger la population comme des moutons sans aucun droit, en leur faisant subir emprisonnements, répressions, et autres atrocités en tout genre.
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Jean Mitari
www.jambonews.net
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