Le 2 octobre 2019 les réfugiés rwandais à l’est de la République démocratique du Congo lançaient un appel à l’aide à Mgr Marcel UTEMBI, président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO)[1]. En effet, la nouvelle guerre programmée par le commandement des FARDC en collaboration avec tous les autres pays de la sous-région et des forces internationales laisse présager un sort inquiétant pour les réfugiés rwandais, qui sont systématiquement ciblés et amalgamés à des rebelles depuis 25 ans dans la région.
Une guerre imminente dans la région ?
Les 13 et 14 septembre 2019[2], s’est tenue à Goma une réunion qui rassemblait les chefs d’Etats-majors des armées des pays de la sous-région des Grands Lacs : la République démocratique du Congo, le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda, sur invitation du général Célestin Mbala, chef d’Etat-major général des FARDC. L’objet de la réunion était de discuter des solutions à l’insécurité qui affecte l’est de la RDC et les pays voisins. A l’issue de cette réunion était décidé de tenir une seconde réunion après un mois.
Selon un document officiel et confidentiel ainsi que des informations parvenus à Jambonews, cette réunion se tiendra à Goma les 24 et 25 octobre 2019 et discutera des opérations militaires à mener dans les provinces Nord-Kivu et Sud-Kivu, sous la coordination d’un Etat-major intégré et composé des commandants des pays « partenaires ». L’arrivée des troupes étrangères sur le sol congolais est prévue entre le 15 novembre et le 15 décembre 2019, la durée de l’opération militaire étant quant à elle estimée par le chef d’Etat-major général des FARDC à trois mois à partir de mi-décembre 2019.
L’Etat-major intégré sera basé à Goma et composé des FARDC (République démocratique du Congo), des RDF (Rwanda), de l’UPDF (Ouganda), des FDNBU (Burundi) et du TPDF (Tanzanie) ; et il aura la responsabilité de mener les opérations militaires des forces spéciales. En plus des forces des pays de la sous-région, il intégrera également des officiers de la MONUSCO et de l’AFRICOM. La force onusienne apportera principalement un soutien en termes d’appui, de sécurisation et de renseignement. Quant à l’AFRICOM (commandement unifié des USA pour l’Afrique), elle apportera du soutien en matière de renseignement et son concours directement dans les opérations sur le terrain.
L’inquiétude des réfugiés
Dans leur appel à l’aide, les réfugiés rwandais disent avoir été informés de leur prochaine persécution : «Un plan d’éradication par tuerie est en cours d’exécution. Il s’agit d’attaquer et exterminer les réfugiés rwandais là où ils se trouvent notamment dans les territoires de Kalehe, Mwenga, Fizi et partout ailleurs dans le Sud-Kivu. Les attaques sont prévues au cours de ce mois d’octobre 2019, en commençant par les camps de réfugiés de Kitindiro, dans la localité de Kusisa, groupement Ziraro, territoire de Kalehe, non loin du camp de la MONUSCO de BIBATAMA. » L’extrême inquiétude des réfugiés rwandais vient de l’arrivée imminente des FARDC dans leurs camps, du recrutement à cet effet d’éléments de différentes tribus locales dont les Mai-Mai, et par l’association des Forces rwandaises de défense (RDF) à ce que le réfugiés qualifient d’« ignoble action ».
Les réfugiés rwandais rappellent que leur statut de réfugié est reconnu : « Nous sommes reconnus comme réfugiés au regard de la Loi No 021/2002 du 16 octobre 2002 portant Statut des réfugiés en République démocratique du Congo, loi conforme à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ainsi qu’à la Convention de l’OUA du 10 septembre 1969. La Commission Nationale pour les Réfugiés (CNR) et la représentation régionale du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) nous ont délivré à chacun une attestation de réfugié valable jusqu’au 31 décembre 2021. »
Ce n’est pas la première fois que des forces étrangères vont pénétrer sur le sol du Congo par l’est avec le prétexte d’annihiler des forces rebelles. A partir de 1996, l’armée rwandaise ainsi que celles de l’Ouganda (UPDF) et du Burundi (FAB) dans une moindre mesure ont pénétré sur le territoire congolais sous couvert d’un mouvement congolais dénommé AFDL (Alliances des forces démocratiques pour la libération du Congo) pour démanteler les camps de réfugiés rwandais de l’est du Congo qui abritaient à l’époque plus d’un million de réfugiés. Kashusha, Inera, Mugunga, Tingi-Tingi et bien d’autres localités où se trouvaient des camps de réfugiés rwandais au Congo sont par la suite devenus tristement célèbres pour avoir été les lieux de massacres de milliers de réfugiés rwandais. Tous ces camps ont été attaqués à l’arme lourde et à l’arme légère et les réfugiés qui ont survécu et fui ont été poursuivis jusqu’au fin fond des forêts congolaises. Le Rwanda, avec le soutien de plusieurs parrains occidentaux, a justifié ses actions comme de la légitime défense visant à annihiler les forces génocidaires qui se réorganisaient dans les forêts congolaises. L’ensemble des exactions commises à l’époque a été compilé dans le rapport du Projet « Mapping » établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits Humains. Il y est décrit pas moins de 617 crimes de guerre et crimes contre l’humanité dont certains pourraient être qualifiés de crimes de génocide.
Depuis 25 ans, cette région abrite donc les réfugiés rwandais qui ont fui l’avancée du FPR-APR en 1994. Amalgamés à des génocidaires hier, assimilés à des rebelles aujourd’hui, ils n’ont jamais pu revendiquer leur droit. Le Haut-Commissariat des Nations Unies et la Commission Nationale pour les Réfugiés a estimé à au moins 245.000 le nombre de réfugiés rwandais en RDC lors d’un recensement en 2015. Ces réfugiés sont les premières victimes de l’assimilation qui est faite par la communauté internationale avec les groupes politiques et militaires rwandais à l’Est de la RDC. En 25 ans, les politiques prêchant un retour volontaire ont été peu concluantes, les réfugiés craignant pour leur vie en cas de retour au Rwanda. En effet, des cas des violations des droits fondamentaux au Rwanda sont régulièrement dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme.
Ces réfugiés sont sous la protection du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, ainsi que de la Monusco qui participe aux réunions de préparation de cette nouvelle guerre. Le HCR et la Monusco vont-ils encore une fois fermer les yeux sur les tueries des hommes, des femmes, des personnes âgées, des personnes vulnérables, des enfants si cette opération était réalisée ?
Document confidentiel – Etat major intégré
Ci-bas des photographies prises en janvier 2019 de réfugiés rwandais ayant fui les attaques et massacres commis dans les camps de réfugiés de Rupango, Faringa et Nyarubande dans le Massif par les FARDC en collaboration avec des éléments de la RDF et du groupe rebelle NDC-Rénové. Ces réfugiés ont fuis en direction du Sud-Kivu dans les environs de Kalehe
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Constance Mutimukeye
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[1]http://www.veritasinfo.fr/2019/10/sos-hecatombe-imminente-des-refugies-rwandais-a-l-est-de-la-republique-democratique-du-congo.html
[2]https://www.radiookapi.net/2019/09/13/actualite/securite/rdc-les-chefs-detat-major-des-armees-des-grands-lacs-goma-pour-trouver