Ce dimanche 30 aout 2020, à l’occasion de la journée internationale des victimes de disparition forcée, Jambonews a rencontré Claudine Mukashema, une belge d’origine rwandaise qui, depuis plus de 22 ans, s’interroge sur le sort de son père porté disparu au Rwanda.
Dans une vidéo transmise à la rédaction de Jambonews, Claudine Mukashema demande des réponses sur le sort de son père « Je sais que je ne suis pas la seule dont un proche a été victime de disparition forcée au Rwanda (…) j’en vois d’autres ayant la même peine que moi, je voudrais m’associer à eux pour qu’on demande au régime du FPR-Inkotanyi de nous fournir des réponses».
Claudine Mukashema est la cadette d’une famille nombreuse originaire de la commune de Gatonde, dans l’ancienne préfecture de Ruhengeri.
Son père, Onesphore Byampiliye et sa mère Immaculée Twagiramariya étaient des commerçants visionnaires originaires ayant prospéré dans la préfecture de Gisenyi.
Après une enfance que Claudine décrit comme « heureuse et insouciante », la vie de la famille a basculé au milieu des années 80 après que son père se soit présenté aux élections législatives « Le Colonel Aloys Nsekarije a accusé ma famille d’avoir des liens avec Alexis Kanyarengwe et les persécutions politiques ont commencé. En octobre 1990 après que le FPR-Inkotanyi présidé par le même Kanyarengwe ait déclenché une guerre contre le Rwanda à partir de l’Ouganda , les persécutions ont pris une autre ampleur, menant même à l’emprisonnement de mon père qui était accusé d’être « icyitso » [un complice du FPR] .»
D’octobre 1990 à avril 1994, Claudine et sa famille vont vivre ce qu’elle décrit comme « un chemin de croix », provoqué par les partisans du régime de l’époque et qui culminera avec l’assassinat à coups de machettes de son frère, Prosper Byampiliye, le 7 avril 1994 dans les toutes premières heures des massacres.
Quelques semaines plus tard, alors que les troupes du FPR s’emparaient progressivement de tout le pays, la famille de Claudine, tout comme des millions d’autres rwandais, a pris le chemin de l’exil vers l’ex-Zaïre.
En 1996, après le début des attaques de camps de réfugiés rwandais dans l’ex Zaïre et face au climat d’insécurité touchant les rwandophones de la région, la famille de Claudine décide de rentrer au Rwanda.
Très rapidement, les persécutions sous le nouveau régime commencent et culmineront en juin 1998 avec la disparation de son père et l’assassinat de sa mère.
Le dimanche 28 juin 1998, nous raconte Claudine « mon père attendait un taxi au bord de la route lorsqu’il a été arrêté par « Oscar », le Bourgmestre de Nyamyumba qui l’a emmené. Ma mère a été à la communede Rubavu pour alerter sur la disparition de mon père. Arrivée là-bas, elle a été mise au cachot et relâchée le soir même avant d’être reconduite par un militaire du FPR à notre domicile. Le lendemain matin elle été assassinée dans notre maison par d’autres militaires du FPR qui vivaient à l’usine à thé de Pfunda. Les voisins ont enterré ma mère à la hâte le jour même. Quand je suis arrivée à la maison, le jour d’après, j’ai trouvé du sang surtout, ce qui pour moi montre qu’elle a été tuée par armes blanches, ce que m’ont confirmé les personnes qui l’avaient entretemps enterrée. Je ne savais pas quoi faire : fuir le Rwanda ou aller à Kabgabyi comme l’avaient prévu mes parents. Ma mère venait d’être tuée, je n’avais pas de nouvelles de mon père, j’entendais qu’il pourrait avoir été tué aussi. »
Aujourd’hui, 22 ans plus tard, Claudine témoigne pour la mémoire de ses parents, mais aussi pour briser le silence autour de ces disparitions insensées qui continuent encore aujourd’hui à avoir lieu au Rwanda. « Mon père a disparu le 28 juin 1998, ma mère a été tué le lendemain et aujourd’hui 22 ans plus tard, comme cela a été le cas pour mes parents, nous continuons à être témoins de disparition ou d’assassinats qui se commettent en toute impunité au Rwanda. C’est pour leur mémoire, mais aussi pour briser ce silence et cette impunité qui font que ce qui est arrivé à mes parents continue à se reproduire que j’ai souhaité témoigner aujourd’hui. »
Ruhumuza Mbonyumutwa
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