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Rwanda – Belgique : de la friture dans les relations diplomatiques ?

Rwanda – Belgique : de la friture dans les relations diplomatiques ?
Paul Kagame, Président du Rwanda et Sophie Wilmes, Ministre des Affaires étrangères de la Belgique

Ce samedi 12 décembre 2020, l’ambassade du Rwanda en Belgique organisait les présentations officielles de son nouvel ambassadeur à Bruxelles, Dieudonné Sebashongore. Alors que celui-ci a exprimé que les relations entre la Belgique et le Rwanda sont au beau fixe, deux nouvelles affaires qui couvent en coulisses laissent penser le contraire.  La présence aux côtés du nouvel ambassadeur de Gustave Ntwaramuheto et Jean-Bosco Ntibitura, deux diplomates, pourtant annoncés sur un siège éjectable, pose question. Tout comme l’absence des trois diplomates nommés déjà depuis plus de 3 mois mais qui, semble-t-il, ne sont toujours pas en poste.  A Kigali, ce sont deux diplomates belges qui semblent sur la sellette. En effet, le Rwanda refuserait catégoriquement de renouveler les visas diplomatiques de ces deux diplomates alors que ceux-ci devraient normalement expirer en cette fin d’année 2020. Décryptage du bras de fer diplomatique qui semble se profiler entre les deux pays.

Deux diplomates rwandais accusés d’activités illicites

Alors que l’Ambassadeur Dieudonné Sebashongore rencontrait la diaspora rwandaise en Belgique pour la première fois au travers des canaux de communication en ligne, se trouvaient à ses côtés, Gustave Ntwaramuheto et Jean-Bosco Ntibitura, respectivement Chargé d’affaires et Premier secrétaire à l’ambassade du Rwanda en Belgique. Une surprise puisque les quelques membres de la diaspora qui ont répondu présents s’attendaient à apercevoir André Bucyana, Grâce Nyinawumuntu et Jean Pierre Nkunzurwanda qui ont été nommés il y a déjà 3 mois en tant que diplomates à l’ambassade du Rwanda en Belgique.

La surprise est d’autant plus grande que Gustave Ntwaramuheto et Jean-Bosco Ntibitura ne seraient plus en odeur de sainteté en Belgique. D’après nos informations recueillies auprès de proches de l’ambassade du Rwanda à Bruxelles, les deux diplomates rwandais seraient sur la sellette depuis de nombreux mois. En effet, Jambonews avait révélé il y a quelques mois les activités illicites qui seraient menés par ces diplomates rwandais en Belgique. Ces révélations sur les activités dépassant le cadre de leur statut de diplomates faisaient suite aux nombreuses déclarations d’officiels belges à propos des activités illicites des services rwandais en Belgique. Comme celle de Guy Rapaille, l’ancien chef du comité R (l’organe en charge des services de renseignements) qui a parlé de « l’existence d’escadrons de la mort rwandais en Belgique ». Le ministre de la Justice de l’époque, Koen Geens (CD&V), avait ensuite confirmé au Parlement fédéral le 16 octobre 2019 que « les services de renseignement rwandais étaient bel et bien actifs sur notre territoire ». Depuis lors, ils étaient dans le collimateur des autorités belges qui auraient fini par signifier au gouvernement rwandais ne plus vouloir de Gustave Ntwaramuheto ni de Jean-Bosco Ntibitura comme diplomates sur le sol belge.

L’ambassadeur Sebashongore ce samedi 12 décembre dans les locaux de l’ambassade du Rwanda à Bruxelles lors de la rencontre en ligne avec la diaspora était entouré à sa gauche par Gustave Ntwaramuheto et à sa droite par Jean-Bosco Ntibitura

Le régime rwandais réplique

A 7000Km de Bruxelles, du côté de Kigali, il semble que le gouvernement rwandais a décidé de réagir. D’après des informations recueillies auprès d’une source au sein de la Direction Générale de l’Immigration et de l’Émigration rwandaise, deux diplomates belges sont sur la sellette. En effet, le Rwanda refuserait catégoriquement de renouveler les visas diplomatiques de ces deux diplomates alors que ceux-ci devraient normalement expirer en cette fin d’année 2020.

En relations internationales, ne pas renouveler des accréditation de diplomates est le moyen ultime de communiquer une désapprobation forte à un autre pays.

Déjà en avril dernier, deux autres diplomates de la représentation belge à Kigali, s’étaient vus montrer la porte par les autorités rwandaises. En cause, un hommage rendu par l’attaché militaire et le premier conseiller de l’ambassade aux casques bleus belges assassinés en 1994 la veille de la date officielle  du début de la commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi. « C’est une façon de minimiser et de dénaturer la symbolique des commémorations du génocide », avait expliqué une source proche du gouvernement à RFI. Les autorités rwandaises avaient alors sommé leurs homologues belges de rappeler les deux diplomates, ce que le gouvernement belge s’était empressé de faire.

La première expulsion d’un diplomate belge par les autorités rwandaise remonte à janvier 2013. Celle-ci concernait un sous-officier du service de l’attaché de défense à Kigali. La ministre rwandaise des Affaires étrangères de l’époque, Louise Mushikiwabo, avait, dans une lettre adressée à l’ambassade de Belgique à Kigali, donné à ce militaire 48 heures pour quitter le territoire rwandais, en raison d' »activités incompatibles avec sa fonction »

Une collaboration au beau fixe ?

Cette brouille intervient alors que tout indiquait que les relations diplomatiques rwando-belges étaient au beau fixe. En effet, en septembre dernier, Paul Rusesabagina, qui est de nationalité belge, avait été enlevé dans des conditions obscures à Dubaï, puis emmené au Rwanda, où il est incarcéré en attente de ce son procès.

Le brigadier-général Nzabamwita, chef des services de renseignement rwandais, avait indiqué, dans un entretien avec le New York times, qu’il avait bénéficié de la coopération de la Belgique depuis le début, assurant même avoir reçu les félicitations du Chef des services de renseignement belges. Cela a été officiellement démenti par Claude Van de Voorde, le chef des Services de renseignement militaires. La Sureté de l’Etat, l’autre service de renseignement belge, n’avait lui pas réagi.

Quid de l’accord entre les services de renseignement rwandais et belges ?

Les relations entre les deux pays n’avaient pourtant jamais été aussi abouties. En effet, le journal Le Soir révélait en décembre 2019 l’existence d’un accord de coopération de haut niveau entre le SGRS (service de renseignement militaire belge) et le NISS (service de renseignement extérieur rwandais).

La mise au jour de ce memorandum of understanding (MOU) par le journaliste Louis Colart du Soir, a provoqué le lancement d’un audit de l’ensemble des accords signés par le SGRS avec des services étrangers.

Dans ses recommandations, le Comité R a demandé au SGRS d’évaluer dans un délai de deux ans l’ensemble de ses partenariats internationaux. Désormais, plus aucun accord ne pourra être signé sans le blanc-seing du gouvernement.

Samuel Cogolati, l’un des députés Ecolo qui avaient interrogé Koen Geens à l’automne dernier, avait insisté sur le fait que : « Le gouvernement fédéral belge ne peut admettre que le SGRS signe des accords de coopération (illégaux !) avec des services de renseignement étrangers qui nuisent à des opposants, dissidents ou journalistes en Belgique ». Selon lui, « il revient à la Belgique de protéger les droits humains, les libertés fondamentales et l’intégrité physique de ses ressortissants et réfugiés politiques rwandais en exil sur son territoire, de même que de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à leur sort ».

La tension monte en coulisse

On semble se diriger vers un bras de fer diplomatique entre la diplomatie belge sous la houlette de Sophie Wilmes, nouvel ministre des Affaires étrangère belge et le régime rwandais. La présence aux côtés du nouvel ambassadeur du Rwanda de Gustave Ntwaramuheto et Jean-Bosco Ntibitura, deux diplomates qui sont sur un siège éjectable, pose question. Tout comme l’absence des trois diplomates nommés déjà depuis plus de 3 mois mais qui, semble-t-il, ne sont toujours pas en poste. Le FPR, parti au pouvoir au Rwanda, adepte d’une diplomatie belliqueuse, aurait-il décidé de conserver, contre la volonté des autorités belges, les deux diplomates en question ? Pourquoi les 3 diplomates rwandais dernièrement nommés à Bruxelles ne sont toujours pas en fonction ? De l’autre côté, qu’est-ce qui expliquerait le refus catégorique de renouveler le visa des deux diplomates belges en poste à Kigali ? Quid de l’accord de coopération en matière de renseignement signé en 2016 entre les deux pays ? Plusieurs questions se posent en cette fin d’année concernant les relations entre les deux pays qui montrent des signes de friction.

Emmanuel Hakuzwimana
www.jambonews.net

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