Le jeudi 11 novembre 2021, le journaliste phare rwandais Niyonsenga Dieudonné, plus connu sous son alias « Cyuma Hassan Dieudonné » a été condamné à sept ans de prison par la Cour d’appel de Kigali pour « falsification de documents », « exercice illégal de la profession de journaliste », « entrave à des travaux publics » ainsi que pour « avoir humilié des officiels de l’Etat ».
Mais coup de théâtre ce mardi 16 novembre, le parquet a annoncé sur son compte twitter avoir fait appel de la condamnation afin de « corriger une erreur » car le crime d’« humiliation d’officiels de l’Etat » n’existe plus en droit rwandais depuis …2019.
Cyuma Hassan Dieudonné, l’un des journalistes-phares du Rwanda dont la chaîne Youtube cumule près de 15 000 000 de vues, avait été arrêté une première fois le 15 avril 2020 pour « non respect des directives de confinement liées au COVID-19».
Son arrestation était intervenue dans le cadre d’une vague d’arrestations touchant les journalistes ayant révélé toute une série d’abus commis par les autorités rwandaises en plein confinement.
https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/24/rwanda-vague-darrestations-et-dabus-lies-au-confinement
Moins de deux semaines avant son arrestation, Cyuma Hassan Dieudonné avait ainsi publié sur sa chaîne Youtube des témoignages d’habitants du quartier « Bannyahe », un quartier dont la ville de Kigali essaye depuis plusieurs années d’expulser les habitants , les uns affirmant avoir été tabassés, les autres torturés. Plusieurs femmes ont également déclaré avoir été violées par des militaires rwandais en plein confinement.
Dans un premier temps, les autorités rwandaises ont nié les faits. Marie-Goretti Umutesi, la porte-parole de la police au niveau de Kigali a même appelé à « traquer » « ceux qui disent de telles choses ». Mais très rapidement, suite au scandale suscité, l’armée rwandaise a reconnu les faits qu’elle a aussitôt attribués à « quelques militaires indisciplinés.» L’armée a dans la foulée annoncé un procès public des militaires concernés, qui ne s’est, à ce jour, jamais tenu, et les militaires impliqués ont entretemps été relâchés.
C’est dans ce contexte que Cyuma Hassan Dieudonné avait été arrêté pour « non respect des mesures de confinement » avant d’être maintenu en détention pour « falsification de documents », « exercice illégal de la profession de journaliste » et « entrave à des travaux publics.»
Le 11 mars 2021, après près d’un an de détention préventive, le journaliste a finalement été acquitté de toutes les charges pesant contre lui, le juge de première instance ayant estimé qu’aucune accusation portée contre lui n’était fondée, avant d’ordonner sa libération sur-le-champ.
Pour le Comité de protection des journalistes, « Bien que c’est une bonne nouvelle que Dieudonné Niyonsenga et Fidèle Komezusenge (son chauffeur) ont été acquittés et libérés au Rwanda, ils n’auraient jamais dû être arrêtés, et c’est une grave injustice que les tribunaux aient maintenu des accusations sans fondements contre eux durant presqu’un an ».
Après sa libération, Cyuma Hassan Dieudonné a repris son travail, se croyant à l’abri d’un retour en prison malgré que le parquet ait entre-temps fait appel de son acquittement.
Le 11 novembre 2021, près de 9 mois après son acquittement, c’est la stupéfaction. En appel, Cyuma Hassan Dieudonné est reconnu coupable de toutes les charges pour lesquelles il avait été acquitté dans un premier temps, auxquelles s’est ajoutée l’accusation d’avoir « humilié des officiels de l’Etat», une accusation qui n’est pourtant plus sanctionnée en droit rwandais depuis 2019. Dans la foulée, la Cour d’appel le condamna à 7 ans de prison ferme et ordonna son arrestation immédiate.
« Je pourrais être tué car ici tu ne vas pas en prison deux fois. Souhaitez- moi de reposer en paix. »
Dans les minutes suivant sa condamnation, la police a encerclé son domicile en nombre en vue de son arrestation. Peu avant d’être capturé par la police, le journaliste a appelé Rubens Mukunzi, un autre journaliste rwandais actuellement en exil aux Etats-Unis. D’une voix paniquée, il lui a fait part des craintes pour sa vie : « Je pourrais être tué. Leur méthode actuelle, c’est que vous n’allez pas en prison une seconde fois (…) Je suis complètement dépassé par les événements (…) Ce qui reste à faire c’est… juste me souhaiter de reposer en paix. »
C’est par la suite que le Parquet a annoncé faire appel de la condamnation afin de corriger une « erreur » car le crime d’« humiliation d’officiels de l’Etat » pour lequel Dieudonné Niyosenga a été condamné en appel, n’existe plus en droit rwandais depuis 2019.
Ruhumuza Mbonyumutwa
Jambonews.net